— Exactement.
— Ce serait faisable si nous avions un moyen de transport. Mais comment tenir la colonie ? Le G.M nous pulvériserait. Il suffirait de quelques minutes aux satellites lasers pour nous anéantir.
Bahjat sourit.
— Alors que nous aurons dix mille otages ? Dont Hunter Garrison, le cheik al-Hachémi et les trois autres ? Alors que nous serons maîtres du centre de contrôle des satellites solaires ? Tu crois qu’ils détruiraient tout cela ? Ce n’est pas possible. Et ils le savent bien.
— Nous balaierons tout ça ! s’exclama Hamoud.
— Et on les obligera à libérer mon peuple, dit Leo.
— Nous dirigerons le monde… à notre idée !
Cette séduisante perspective parvint à arracher un sourire à Hamoud.
Bahjat acquiesça mais garda le silence.
— Mais comment irons-nous là-haut ? s’enquit Leo en levant une main massive vers le plafond. Ils ne vont pas nous envoyer des cartons d’invitation.
— Eh si, justement, dit Bahjat. Laisse-moi m’occuper de cela.
Elle sourit intérieurement. Mon père voulait que j’aille sur Île Un. Eh bien, sa fille repentante va implorer son pardon et lui demander la permission de le rejoindre.
Sur ces entrefaites, un jeune Arabe surgit en trombe dans la pièce. Ses yeux étaient hagards et son menton s’ornait d’une ecchymose violacée.
— Le prisonnier… le type de la colonie spatiale… il s’est évadé !
35
FLASH FLASH FLASH
DIFFUSION IMMÉDIATE — INTERROMPRE TOUT PROGRAMME EN COURS
30 novembre 2008 Messine : Avec une précipitation inattendue, le Conseil du Gouvernement mondial a accepté de rencontrer les représentants des nations rebelles d’Argentine, du Chili et d’Afrique du Sud pour discuter des moyens de mettre fin aux irruptions de violence révolutionnaires qui embrasent le monde entier.
« Je serai heureux de prendre langue avec les délégués des pays qui ont fait sécession et avec El Libertador lui-même », a déclaré Kowié Bowéto, directeur par intérim du Gouvernement mondial.
D’après les bruits qui courent à Messine, la conférence ne se tiendrait pas sur la Terre mais sur Île Un, la colonie spatiale en orbite à 400 000 kilomètres de la planète. « C’est un terrain neutre, a précisé le porte-parole du conseil qui souhaite conserver l’anonymat. Nous aurons l’assurance de ne pas être interrompus par des émeutes ou des actes de violence d’inspiration politique. »
Quelques instants après que Bahjat eut précipitamment battu en retraite, David se tourna vers Evelyn.
— Dites au garde que vous voulez partir, lui ordonna-t-il.
— Comment ?
— Appelez-le. Vite.
L’air abasourdi et ulcéré, la jeune fille se leva et s’approcha de la porte.
— Ouvrez-moi. Je sors.
Le garde, toujours le sourire aux lèvres, obéit. David le tira par le bras, le fit pivoter sur lui-même et lui expédia un coup de poing massue sur la mâchoire au grand effarement d’Evelyn qui regardait en ouvrant de grands yeux.
— Est-ce qu’ils ont confiance en vous ? lui demanda David. Aurez-vous des ennuis s’ils croient que vous m’avez aidé à prendre la fuite ?
— Bien sûr que oui. Je…
Elle n’eut pas le temps d’en dire davantage : le poing de David s’abattit sur son menton et elle tomba à la renverse sur le divan.
— Si j’ai un conseil à vous donner, c’est de ne pas bouger avant qu’il revienne à lui, murmura le garçon en s’emparant de la carabine du garde.
Puis il sortit et referma la porte derrière lui.
Je n’ai aucun moyen de m’évader et aucun endroit où aller, songeait-il en se hâtant dans le couloir.
Il avait avant tout besoin d’informations. Il doit sûrement y avoir un ordinateur quelque part. Le tout est de trouver un bureau vide et…
Il poussa toutes les portes qui daignaient s’ouvrir. Un autre studio inoccupé. Un placard à balais. Et, enfin, une pièce avec un bureau équipé d’un terminal. C’était le seul meuble. L’écran opaque et gris fit l’effet d’un inestimable joyau à David qui referma et coinça la porte avec la carabine. Cela fait, il s’installa devant le bureau et commença à chatouiller le clavier de l’appareil.
Il avait l’impression qu’il ne s’était écoulé que quelques minutes depuis son évasion mais il savait que le temps filait vite. Les données fusaient sur l’écran. L’ordinateur n’était pas cachottier. Il donnerait volontiers tous les renseignements qu’on lui demanderait… à condition de poser les bonnes questions.
David voyait ses soupçons se confirmer. Il s’agissait bel et bien d’un centre de recherches médicales, principalement spécialisé dans la fabrication d’antitoxines contre les maladies contagieuses. Comme dans la plupart des laboratoires modernes, on y travaillait sur des microbes mutants qui sécrétaient allègrement les antitoxines que les biologistes introduisaient dans leur patrimoine génétique. Toutefois, il y avait aussi une importante section où l’on mettait au point des antitoxines inédites que l’on testait in vivo sur des cultures bactériennes et virales.
Un troisième département de bonne taille était consacré à la production de stéroïdes et de diverses hormones.
Apprends à connaître ton ennemi, se dit David en se plongeant dans le dossier médical de Leo. Il avait eu du mal à le trouver car ce dernier était enregistré sous son vrai nom et il avait dû se faire communiquer par l’ordinateur la liste des clients traités par les stéroïdes et procéder à un travail d’élimination en se basant sur leur signalement.
ELLIOT GREER. Le nom s’était inscrit en lettres vertes luminescentes.
— Mon Dieu ! C’est une usine chimique ambulante, ce type ! murmura David.
Adrénocorticoïdes, ACTH, hormones somatotrophes pour stimuler la croissance, hormones thyroïdiennes pour maintenir le taux du métabolisme, AMP cyclique…
— Même la noirceur de son teint est due à des drogues, dit David à haute voix.
Et s’il cessait d’être régulièrement approvisionné, son système cardiovasculaire s’engorgerait et Leo rendrait l’âme en quarante-huit heures — à moins que son système musculaire lâche le premier.
David composa l’indicatif de l’horloge et l’heure s’afficha sur l’écran. Le garde ne devrait pas tarder à se réveiller et à donner l’alerte, à présent. Il faut filer.
Il convenait de faire vite et de passer inaperçu. David restait obstinément dans la partie du couloir qui demeurait dans l’ombre. Il entendit soudain du remue-ménage. Cela venait d’en bas, de la cafétéria. Bon. Son « évasion » avait été découverte.
Se glissant furtivement le long du balcon qui ceinturait la cafétéria, il battit en retraite en direction du secteur laboratoire d’où il venait.
Si seulement ils n’ont pas tout déménagé… Ils ont fait main basse sur les drogues de Leo mais il y a peut-être une chance qu’ils aient laissé sur place ce dont j’ai besoin.
Les laboratoires étaient un vaste labyrinthe où s’enchevêtraient des tubulures de verre et d’acier. David était obligé de s’arrêter devant chaque terminal pour savoir où il se trouvait exactement et à quoi servaient les accessoires qui l’entouraient.
Entendant au loin des cris, il éteignit. Une lumière glauque et fantomatique émanait de l’écran qu’il scrutait. Il ne pouvait rien faire sans les informations qu’il cherchait.