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Al-Hachémi la dévisagea.

— Ah ! C’est donc à cause de cela que…

— Oui ! répondit-elle, le regard enflammé. C’est à cause de cela. Œil pour œil, sang pour sang. Tu as assassiné l’homme que j’aimais, tu as détruit ma vie. Maintenant, je détruirai tout ce que tu as passé ton existence à édifier. Tout !

Derrière le proscenium de l’amphithéâtre, une plage verte devint rouge sur l’immense écran. Un autre satellite solaire avait cessé de fonctionner. Et, aux États-Unis, la Gulf coast, de La Nouvelle-Orléans à la baie de Tampa, qui luisait d’un éclat jaune vira à son tour à un rouge sinistre.

Juché sur le bord de la table chargée de fruits, Hamoud mastiquait à grand bruit une poire dont le jus dégoulinait dans sa barbe.

— Alors, c’est comme ça que vivent les milliardaires ?

Les trois guérilleros qui se tenaient à quelques mètres de leur chef regardèrent Garrison et Arlène en ricanant.

— Qu’est-ce que vous racontez ? s’exclama rageusement l’industriel, assis dans son motofauteuil. Vous vous êtes emparés d’Île Un ? C’est impossible !

Hamoud s’esclaffa et, se penchant en avant, il gifla le vieil homme d’un revers de main.

Arlène, debout à côté de son patron, se fendit et, passant sous son bras, le frappa d’une manchette à la gorge. Hamoud bascula en arrière, renversant la table et écrasant les fruits qui roulèrent dans toutes les directions. La jeune femme sauta par-dessus la table pour se jeter sur lui mais deux guérilleros l’empoignèrent et lui tordirent les bras dans le dos. Arlène écrasa le cou-de-pied de l’un d’eux d’un coup de talon. Sa victime poussa un beuglement et la lâcha.

Au moment où elle enfonçait son coude dans les côtes du second acolyte, Hamoud se releva en suffoquant et en se tenant le cou. Pendant que les trois guérilleros s’efforçaient de maîtriser la rousse, Garrison fila en direction de la chambre. Hamoud, titubant sur ses jambes, saisit Arlène par les cheveux et la tira si brutalement en arrière qu’elle poussa un cri. Un garde du corps lui balança alors la crosse de son arme en pleine poitrine et elle s’écroula.

— Reviens ou on la descend ! vociféra Hamoud à l’intention de Garrison.

Le fauteuil s’immobilisa sur le seuil de la porte. Lentement, le vieil homme le fit pivoter et rebroussa chemin. La fureur lui déformait les traits.

Hamoud remit du bout de sa botte Arlène sur le dos. Elle n’avait pas perdu connaissance et la haine brillait dans ses yeux.

— Tu vas rester gentiment sans bouger, lui dit-il d’une voix suave. Sinon, on flingue cette vieille couenne.

Les doigts d’Arlène se crispèrent comme pour griffer mais elle ne fit pas un mouvement.

Hamoud se tourna alors vers Garrison.

— Courageuse, la secrétaire, gouailla-t-il en désignant de la main la jeune femme prostrée. Sa seule peur était qu’on te fasse bobo.

— Laissez-nous, murmura le vieillard d’une voix cassée. Partez et laissez-nous.

— Il faut d’abord qu’on fouille la maison pour être sûr que vous n’avez pas d’armes. (Obéissant à son ordre muet, les trois guérilleros s’éclipsèrent pour visiter les autres pièces.) Si vous vous tenez tranquilles, vous aurez la vie sauve.

Garrison, réduit à l’impuissance, ne quittait pas des yeux la crosse du revolver dépassant de l’étui que Hamoud avait à la ceinture. Un grand fracas retentit dans la chambre à coucher, suivi de bruits d’étoffes déchirées, le tout accompagné de rires gutturaux.

— Mes hommes sont très consciencieux, persifla Hamoud.

Ils ne trouveront pas les œuvres d’art, grâce à Dieu, songeait Garrison. Ils ne découvriront jamais la chambre forte souterraine. Et même s’ils la découvraient, ils ne connaissent pas la combinaison pour l’ouvrir. Mes trésors sont en sécurité.

La mise à sac de la maison lui parut durer des heures. Ils cassaient tout, démolissaient tout — dans toutes les pièces. Arlène ne bougeait pas mais des larmes de rage brillaient dans ses yeux.

Enfin, les trois garçons réapparurent sans se presser, le fusil en bandoulière, des lambeaux de tissu et des brins d’étoffe de toutes les couleurs provenant de la garde-robe d’Arlène collés à leurs combinaisons. L’un d’eux s’était noué un soutien-gorge autour du cou. Un autre rongeait une cuisse de poulet.

— Y a pas d’armes, annonça l’homme au soutien-gorge. On a tout retourné.

— Parfait. (Hamoud se tourna vers Arlène.) Maintenant, tu peux te lever, ma beauté.

Elle obéit. Lentement. Elle pouvait à peine dominer sa fureur. Hamoud fit un signe de tête et deux garçons la prirent solidement par les bras.

— On va l’emmener avec nous, dit Hamoud à Garrison. Histoire de lui apprendre le respect.

— Non ! Non ! Laissez-la tranquille.

Péniblement, Garrison parvint à se mettre debout.

— Comment veux-tu nous en empêcher, pépé ?

— Je… je vous donnerai quelque chose… quelque chose qui vous intéressera…

Hamoud posa une main sur le sein d’Arlène. Il sentait le mamelon sous le chemisier de soie. Il le pinça. Fort. La jeune femme ne broncha pas. Simplement, elle gardait les yeux fixés droit devant elle, évitant de croiser le regard de Garrison.

— J’ai là tout ce qui m’intéresse. Ce n’est pas cher payé pour avoir la vie sauve, monsieur le ploutocrate. Tenez, je serai bon prince… on vous la rendra quand on en aura fini avec elle.

Garrison tremblait sur ses jambes.

— Mais ce que je possède vaut des millions, reprit-il en baissant la voix et en faisant effort pour ne pas chanceler. Vous pourrez vous offrir une ville entière pleine de femmes avec une seule parcelle de ce que je peux vous donner.

— De quoi parles-tu ?

— Un trésor, mon ami, fit Garrison dans un chuchotement asthmatique. De l’or, de l’argent. Vous n’aurez même pas à vous soucier de banques ni de chèques crédit. C’est un butin qui ferait pâlir d’envie Soliman le Magnifique.

— Et qui se trouve où ?

— Pas loin d’ici. Dans une chambre forte souterraine. C’est la caverne d’Ali Baba où les quarante voleurs entassaient leurs richesses.

Les yeux de Hamoud se rétrécirent.

— Si tu essaies de me faire marcher…

— Ce n’est pas une plaisanterie. Aucun d’entre vous n’a jamais vu autant d’or et d’argent de sa vie. Sans compter les diamants, les rubis… des perles grosses comme le poing…

— Tu dis que ce n’est pas loin ?

— Rendez la liberté à cette dame, promettez-moi que vous la laisserez tranquille et je vous dirai où est caché mon trésor.

Les guérilleros lâchèrent Arlène sans attendre que Hamoud leur en eût donné l’ordre. Garrison sourit dans son for intérieur et expliqua au groupe où étaient enterrées ses œuvres d’art. Après quoi, il leur dit comment faire fonctionner la serrure à combinaison électronique de la chambre forte.

Hamoud ordonna à Arlène de la noter. Quand elle lui remit le papier, il la dévisagea avec un rictus.

— On reviendra s’occuper de toi, ma belle… quand on aura vu ce fameux trésor. (Il se tourna vers Garrison.) Et il y a intérêt à ce qu’il soit conforme à ta description, pépé.

Ils sortirent en trombe et s’élancèrent sur le chemin conduisant à la cachette.

— Pourquoi avez-vous fait cela ? explosa Arlène. Ils réduiront tout en charpie quand ils verront que ce sont des œuvres d’art et pas des joyaux ou de l’argent.

— Pour qu’ils ne tordent pas ton joli cou. Je n’aurais jamais pensé que je ferais jamais montre d’une pareille grandeur d’âme. Bon ! Maintenant, décroche le téléphone et donne pour instructions à l’ordinateur central de changer la combinaison. Tout de suite. Dans un quart d’heure, dix minutes peut-être, ils vont revenir comme des fauves furieux. Il faut qu’on soit dans les bois à ce moment.