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Dans la seconde qui suivit, Hamoud coupa la communication et l’écran redevint opaque.

David se redressa dans le fauteuil de plastique et sourit.

41

CENTRAL DISTRIBUTION DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE : Le champ de capteurs principal est totalement hors service. Nous ne recevons plus un watt.

OFFICE NATIONAL DE RÉPARTITION DE L’ÉNERGIE : Vous n’êtes pas les seuls. Toute la zone nord-est est en panne. Le Canada aussi.

C.D.N.A. : Il faut que vous fassiez quelque chose. Vite. On a une température au-dessous de zéro, ici.

O.N.R.E. : On travaille la question.

C.D.N.A. : Mais avec quoi, bon Dieu ? Ils ont coupé les satellites.

O.N.R.E. : Pas tous. Les capteurs de l’Arizona fonctionnent à pleine charge.

C.D.N.A. : Ah bon ? Eh bien, dérivez un peu de courant sur nous et dépêchez-vous. Les gens claquent de froid dans le secteur. Il a neigé et…

O.N.R.E. : Il faut pour cela que le Gouvernement mondial nous donne le feu vert.

C.D.N.A. : Quoi ?

O.N.R.E. : Nous ne pouvons pas vous approvisionner sans l’autorisation du G.M. Nous avons déjà été obligés de délester le courant que nous envoyons normalement sur le Mexique et…

C.D.N.A. : Le Mexique et le Gouvernement mondial, on les emmerde ! Il nous faut cette énergie tout de suite !

Extraits de Congressional Record,
lus en séance par Alvin R. Watts, représentant du Nouveau-Mexique, 15-12-2008.

Bahjat était allongée sur une couchette quand elle revint à elle. Elle se sentait faible, elle avait mal à la tête et une douleur sourde la lancinait chaque fois qu’elle respirait. Elle tourna la tête. L’Anglaise était étendue sur la couchette voisine. Elle n’avait pas l’air plus brillant.

— Que m’est-il arrivé ?

Evelyn lui décocha un regard vitreux.

— Vous vous êtes évanouie dans la salle d’observation. David nous a transmis je ne sais quelle maladie épouvantable.

— Je sais. Où…

— Nous allons le rejoindre. Il est dans un laboratoire de biochimie, un module en orbite à une certaine distance de la colonie proprement dite.

Bahjat sourit faiblement.

— David… il nous a tous détruits.

— Non. Il a dit qu’il a le moyen de nous soigner.

— Vous le croyez ?

— Oh oui !

— Vous l’aimez.

Evelyn passa une main lasse sur ses yeux larmoyants et murmura :

— Mais c’est vous qu’il aime.

— Il vous l’a dit ?

— Oui.

Bahjat essaya de changer de position pour être un peu plus confortable mais le harnais de sécurité qui l’enserrait l’en empêcha et la douleur qui lui arrachait les poumons s’intensifia.

— Ç’aurait pu être merveilleux, David et moi, fit-elle, plus pour elle-même que pour Evelyn. Mais c’était impossible.

— Il vous aime, répéta la journaliste. Moi, il ne m’a jamais aimée.

— Qu’est-ce que cela change ? Nous serons tous morts demain ou dans une heure.

— Non, c’est faux. David…

— Je suis morte il y a des mois. Dans l’explosion d’un hélicoptère. Ce qui m’est arrivé depuis n’a été qu’un rêve… ce n’était pas réel. Depuis des mois, je suis morte et je rêve.

— Une explosion d’hélicoptère ?

— Qui a tué l’homme que j’aimais. Je suis morte en même temps que lui.

— Hamoud m’a parlé d’une explosion d’hélicoptère…

La douleur s’apaisait un peu et Bahjat se demanda si c’était le signe précurseur de la fin.

— Nous allons tous mourir, il n’y a rien à faire. Tous.

— Oui, il a fait allusion à une explosion d’hélicoptère. Il y a eu une victime, un architecte, me semble-t-il…

— Oui, l’architecte. (Bahjat se rendait compte que sa voix était pâteuse.) Mon architecte.

— Il a été tué dans l’explosion.

Bahjat avait l’impression que son corps flottait, sans poids, dans l’obscurité.

— Il est mort à cause de moi.

— C’est Hamoud qui l’a tué. (La voix d’Evelyn était estompée, lointaine et caverneuse.) Il l’a assassiné… pour vous.

Bahjat eut un infime haussement d’épaules.

— Nous avons tous du sang sur les mains. Nous sommes tous des assassins.

— Mais Hamoud a commis ce meurtre de sang-froid. C’était une exécution. Il l’a accompli pour vous. Il me l’a dit.

— Non… (Bahjat s’entendait à peine parler.) Ce n’était pas un meurtre. Nous sommes en guerre. Ce n’est pas vraiment un meurtre. Pas vraiment. Je veux dormir maintenant. Dormir… il faut que je dorme. Je suis tellement fatiguée…

Le pire, c’est l’attente. Assis devant l’écran dans le poste de contrôle du laboratoire, David surveillait l’approche de la navette qui glissait lentement à travers le vide.

D’un mouvement impatient, il fit pivoter son siège pour atteindre le téléphone et tapa l’indicatif du centre de contrôle satellites. La carte de situation s’afficha sur l’écran. Aux U.S.A., tous les États du Nord étaient privés de courant. Le Canada n’était plus qu’une tache d’un rouge maussade. La quasi-totalité de l’Europe était en panne. Et la zone rouge s’était dilatée : elle englobait maintenant une grande partie de la Russie, depuis la « riviera des Travailleurs » sur la mer Noire jusqu’aux ports d’Arkhangelsk et de Mourmansk pris par les glaces.

Une fois encore — c’était au moins la vingtième —, il composa le numéro du Dr Cobb et, ce coup-là, le visage meurtri du vieil homme lui apparut.

— Vous êtes vivant !

La tension de David était presque tangible dans sa voix.

Cobb plissa le front et grimaça.

— Ce n’est pas la faute du F.R.P., en tout cas. Dès qu’il a su où tu étais, Hamoud a filé comme un pet sur une tringle.

— Avec Bahjat et les autres ?

— Ils sont tous partis. Je présume qu’ils viennent te rejoindre.

David scruta son interlocuteur.

— Vous devriez vous faire examiner. Vous êtes probablement commotionné.

Cobb agita un doigt osseux de droite à gauche.

— Je ne peux pas sortir. Les issues sont gardées. Personne n’est autorisé à les franchir ni dans un sens ni dans l’autre en dehors de ces forcenés du F.R.P.

— Mais comment vous sentez-vous ?

— En voilà une question ! J’ai mal à la tête. Et à la bouche. J’ai dépensé une fortune en soins de dentisterie préventive depuis que j’ai l’âge d’homme pour garder mes dents et, maintenant, ce paltoquet d’Arabe m’en a fait sauter deux.

— En tout cas, vous êtes vivant.

— À moins que tu m’aies contaminé avec les bestioles que tu leur as repassées.

David opina.

— C’est une bactérie qui s’attaque aux poumons. La période d’incubation de la maladie qu’on appelait le « mal du légionnaire », je ne sais d’ailleurs pas pourquoi, l’ordinateur est muet là-dessus, est de quelques jours. La mort survient au bout d’une centaine d’heures si l’on n’administre pas les antigènes spécifiques au patient.

Cobb ouvrit toute grande sa bouche tuméfiée.

— Eh bien toi, on ne peut pas dire que tu fais le détail ! Ils vont tomber comme des mouches.

— En effet.

— Ce n’est vraiment pas la charité qui t’étouffe !

— Cela vaut mieux que le massacre de toute la colonie ou que l’interruption de l’alimentation de la Terre en énergie.