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— Le cadran est sous la pomme. L'avantage est qu'il mobilise les deux mains alors que sur un appareil traditionnel, une seule suffit pour composer un numéro. Avez-vous remarqué que, désormais, tout est ainsi ? Voyez les montres digitales par exemple, impossible de leur arracher l'heure sans appuyer sur un bouton. Des chiffres apparaissent, qu'il faut lire très vite, car ils ne s'inscrivent qu'une seconde au cadran. Et encore ne peut-on les distinguer que si l'on se trouve à l'ombre…

Elle rit. Pas sotte, cette moukère. Aussi fine que belle.

— Je dois chercher le numéro de ces gens sur l'annuaire.

— Il y en a un dans le petit meuble, sous la télé ; pendant que vous cherchez, je vous sers quelque chose ? que voulez-vous prendre ?

Je m'enhardis vilain. Plaisanterie de carabin. La grosse astuce sauvage :

— Vous, je bredouille.

Elle sourit et s'éclipse.

Le 4 de l'Impasse de la Biche est au nom de M. et Mme Hônisoa Quimal y Panse. Des étrangers, probable. Avec un blaze de ce calibre, je les vois mal originaires de l'Indre-et-Loire.

Je vais pour composer le bigophe de ces braves gens, lorsqu'une idée m'arrive sans klaxonner dans le parking à astuces.

Pas mauvaise, me semble-t-il, et même, pour peu que tu me pousses dans mes derniers retranchements, je la jugerais assez géniale sur les bords.

J'entends chantonner dans les environs.

— C'est vous, Patricia ?

— J'arrive.

Elle revient, en effet. Tu crois qu'elle coltine un plateau chargé de boissons alcoolisées ? Des clous. Elle a les mains nues.

Le reste aussi. TOUT le reste.

— Mais vous êtes réellement blonde ! je bégaie.

Corps admirable, seins fantastiques, fessier époustouflant, cuisses phénoménales, triangle de panne en or fin ciselé. Stop. Et pourtant, malgré ma béante admiration, je ressens une confuse nostalgie car j'eusse aimé bénéficier du porte-jarretelles, des bas… Je suis un progressiste, moi, Santonio ! J'aime progresser, mais doucettement, à la va-comme-je-te-brosse. Ô rage, ô désespoir, ô sole mio ! Pourquoi cette féerie vivante m'a-t-elle privé de la joie langoureuse de la dévêtir de mes propres mains ? quel démon ridicule l'a incitée à brûler les plus émouvantes étapes de notre cheminement ? Allons, réponds, je te parle ! Tu ne sais pas ? Moi non plus.

Je déplore. Certes, le lot de consolation n'est pas un lot à réclamer, certes, il va m'emmener haut et loin dans les azurs infinis, mais quand même…

Elle se tient immobile et souriante devant moi. De face. De vraiment face ! De merveilleusement face. Et de fesse aussi, pour peu que je me donne la peine de la contourner.

Son délicat nombril me fait de l'œil. J'avance une main, la retire. Non, pas tout de suite, pas déjà, pas ainsi. Compensons par l'art de l'attente divine cette frustration vestimentaire, comme l'écrirait, j'en suis absolument certain, M. Georges Druon de la Comédie française. Jugulons nos élans chamaux. Réprimons la bête, la bébête, l'abbé bête. Faisons taire un instant la grande voix orageuse de la viande en transe et en transit temporaire. Oh, certes, oui bien sûr, réprimons-nous. Immolons-nous dans la patience. La chaste est ouverte !

— Vous avez téléphoné ? demande-t-elle, espérant qu'oui et qu'ainsi donc on est peinard pour se débigomer le trombone à coulisse.

— Non, réflexion faite, ma sublime collaboratrice, c'est vous qui allez appeler.

— Chic ! que faudra-t-il dire ?

— Que vous avez eu ce matin un accident. Un chauffard… La voiture avec un chien… Il ne s'est pas arrêté… Mais vous venez de trouver un témoin qui assure que le véhicule sortait du 4 de l'impasse de la Biche… Et que…

Ma voix s'enroue, s'enraye, s'en va.

Plus moyen de parler consciemment. Je me débobine, ma pensée met les bouts.

Je crois que je vais devoir en faire autant.

Poum ! Je suis à quatre pattes. Jeannot Lapin ! Claoup, claoup, claoup ! Je lui écarte les fuseaux horaires. Ma bouche se plaque contre son méridien de Greenwich. Dans ma fureur érotique je la soulève. Telle l'otarie charriant un ballon à la pointe du museau, je promène Patricia dans la pièce à la pointe du mien, me gaffant de pas la blesser avec mes chailles. D'un coup de nuque je la bascule sur le pucemard, très bas. A moi, le bonheur. Dieu que c'est bon ! J'ai une grande bouffée : Patricia. Ma grande bouffée blonde ! Vraiment blonde et délectable. Je m'engage la tête la première.

Elle adore ! Hurle immédiatement sa joie. Se propose de plus en plus largement, que si ça continue, je vais finir par m'en faire un bonnet.

* * *

Minute de pudeur.

* * *

Ouf !

Y a eu la crouminioune psalmodiée. Le tohu-bohu géant. Et l'enfourchement cosaque par toute la troupe ! Sans autre. Mais alors le grand magistral déploiement. Chaque rubrique étant traitée à fond. Du grand art, que dis-je : du grand dard ! Elle reprend ses sens qu'elle avait déposés sur la moquette, me sourit comme si j'étais un vieil ami de la famille qu'elle n'aurait pas vu depuis longtemps. Certaines femmes sont ainsi. Les grandes baiseuses, généralement : une fois la séance achevée, elles se dédoublent, vous considèrent autrement. Vous n'êtes plus le julot qui vient de leur court-circuiter les glandes, mais un personnage sans rapport sexuel avec le panard qu'elles ont pris. Moins qu'un complice, pas même un témoin.

— Et si on le donnait, ce coup de fil ? propose-t-elle.

Comme quoi, les coups se suivent mais ne se rassemblent pas !

— O.K., mon chou.

Je compose moi-même le numéro. Ça se met à grelotter à l'autre bout. Quatre sonneries que je juge caverneuses. Et puis on décroche. Une voix de femme, basse, langoureuse, marquée d'un accent étranger que je dirais oriental.

— Allô, j'écoute ?

Je passe la banane à Patricia. La chiotterie, avec ces combinés gadgets, c'est qu'ils ne comportent pas d'écouteurs annexes.

Toujours ce beau progrès qui te détricote la vie sous prétexte de l'embellir.

Elle plonge, ma splendeur dénudée. Calmement, à voix réfléchie.

Dit bien tout, comme cela doit l'être. L'accident. Un type au volant d'une grosse Lancia bleu marine, ayant un chien gris et blanc à son côté. Il ne s'est pas arrêté. Alors elle a fait du porte-à-porte pour essayer de découvrir d'où il venait et elle a déniché un témoin qui affirme l'avoir vu sortir du 4 de l'impasse de la Biche. Pourrait-elle avoir l'identité de l'impudent personnage ?

On l'a écouté sans l'interrompre. Et maintenant on lui parle. Et Patricia fait « Hmmm, hmmm, bien, d'accord. Dans dix minutes… ».

Puis raccroche.

— Au rapport ! m'écrié-je.

— La dame en question prétend ne pas être au courant, mais elle dit qu'elle va se renseigner auprès de son mari lequel est présentement entre les mains de son masseur et qu'il faut rappeler dans dix minutes.

Là-dessus, la belle amoureuse sort en emportant le plus beau cul que le Créateur ait jamais accroché au bas du dos d'une enfant d'hommes. Je ferme les yeux. Il est un tantisoit peu moulu, le Sana. Tu parles d'une amazone, cette gosse. Elle te fourbe un matou en moins de rien. Je devrais être satisfait à son succès essoré à cette inervention au monde, rouler les mécaniques, intérieurement. Les hommes, pour leur plupart, une conquête constitue une espèce de capital. Chaque victoire semble les enrichir. Il m'arrive 'ît'^'ÔîîWSîi. <&. ^S SSî^ <^îîîkªîîgîîîfôif& <yt 'îîâi&. Mais cette fois-ci, rien de tel. Au contraire, je suis en proie à une confuse nostalgie. A vaincre sans péril on triomphe sans gloire. Les femmes faciles ne sont pas satisfaisantes. Il est mieux de grimper une vraie radeuse qu'on paie, ça devient autre chose. Mais ces dames baisi-baisantes finissent par te faire l'effet d'un demi bu sur le zinc d'un troquet un après-midi de grosse chaleur. Tu veux que je t'avoue ? Je deviens sentimental, à force.