Je te dis cinq, mais la chose n'apparaît pas au premier coup d'œil, étant donné la manière dont ils sont entrelacés, ces chérubins. De même, pour déterminer les hommes et les femmes, il faut chausser ses besicles et bien avoir en mémoire les planches d'anatomie potassées au cours de ses études.
Si tous les gens du monde voulaient bien se becter le scroumoulard, à l'instar de ces cinq valeureuses personnes, tu parles d'une chaîne d'amitié que ça donnerait, mon frère ! Tête-bêche, béchamel, méli-mélo et poils partout ! Vive la mariée ! Trois gonzesses, deux julots. C'étaient ces messieurs-dames qui grognaient comme des ours bruns qu'arriveraient pas à dévisser le couvercle du pot de miel. Et qui poussent des soupirs nasaux étouffés par des pilosités foisonnantes. Et qui aspirent, refoulent, défoulent, s'agitent, claquent, pressent, caressent, fessent, détergent, pompent, grondent, tomadent des pieds, de la bouche et du cul, en grande superbe frénésie. Valeureux occupants de la brave vieille planète harassée.
Gardiens des traditions françaises. Sur l'instant, on voudrait apporter sa contribution, intervenir, aider, pousser, prêter main-forte, bite forte, s'employer, s'abandonner à l'altruisme intégral. En premier de cordée, t'as tu sais qui ? Le fils Michu-Blumenstein, à qui une grosse rouquine aux nichons rampants détartre vigoureusement la tubulure. Une autre demoiselle dont je peux pas distinguer le visage puisqu'elle s'est fait un loup avec le sexe de la rouquemoute, fougnasse le moulapaf de celle-ci. Elle est elle-même dégustée par un abonné au gaz qui me reste invisible pour la raison invoquée par sa partenaire. La cinquième personne est la seule à se singulariser puisqu'elle s'est placée à califourchon sur la partie inférieure du gars, jouant les voltigeuses équestres avec un brio d'écuyère à café. Elle fait du trot assis à l'anglaise, ce qui lui brimbale la laiterie et nous regarde survenir avec l'amabilité d'une commerçante bien disposée envers sa clientèle, ce qui est de plus en plus rare à l'époque de maintenant.
— Dépêchez-vous ! nous presse-t-elle, soucieuse d'en terminer au plus vite avec sa position de fourgon de queue fourgonnant.
Et elle nous appelle aussi de la main, cette douce camarade.
J'entends un cri, en provenance de derrière moi. Me voilà bousculé.
C'est la belle Patricia qui ne peut résister à l'appel de cette sirène. Les sens en feu, comme on dit dans les foyers catholiques, elle se précipite sur le matelas et se trousse devant la cavalière. Jambes écartées, ce qui ne facilite pas la descente aux enfers de son slip.
L'autre califourcheuse plonge sous la robe plissée de ma camarade, comme un photographe d'autrefois sous le chiftir noir de son appareil à pieds. C'est Patricia qui va prendre le sien, de la manière que ça décarre. Tout ce monde, ça ressemble à une grosse chenille ondulatoire. Au petit train fantôme. Ça s'évertue en cadence. Chacun chope son plaisir où il le trouve, en procurant celui de son prochain. Dans un sens, c'est beau. L'oignon fait la force. Maintenant, Patricia a décarré. Elle drive la tronche de la centauresse à travers l'étoffé de sa robe, bien l'axer sur son compucteur.
Et moi, dans l'affaire ?
Eh ben, moi rien. Je ne me sens pas une âme de participant. Le boulot me reprend, mon fieu. Oui, même au plus fort de la partouzette, j'ai le souci de ma mission !
Je contemple le fils Michu. Se peut-il que ce soit vraiment là le pensionnaire disparu de Franck Rèche ?
J'ai hâte de lui parler.
Et cela va être possible car sa biberonneuse vient de lui dégager les cumulus. Il se redresse, légèrement envapé par le dégagement de fumée de son conclave intime.
Titube.
S'approche, avec aux lèvres ce sourire évasif, mi-gêné mi-content du gus qu'on vient à l'instant d'éponger.
— Vous ne participez pas ? me demande-t-il.
Il se baisse, ramasse une boutanche de whisky coiffée d'un verre posé à la renverse sur le goulot. Une rasade tsoin-tsoin. Me tend le verre.
— A la vôtre !
Lui-même, sans attendre que j'écluse, porte la bouteille à sa bouche et se met à tétiner.
Bonne idée, ce coup de picole. Ça délie la langue. Favorise les bonnes relations. Je me flanque un cul sec façon Russe blanc en exil. Blaouf !
Et puis voilà.
Voilà, voilà, voilà, voilà.
Voilà, voilà.
Voilaaaaaaaaaaaaaaaa.
CHAPITRE QUI N'EN EST PAS UN, MAIS QUI POURRAIT LE DEVENIR
Ça sent les frites. Depuis qu'Antoine a grandi, ça sent toujours les frites à la maison. On se croirait à la Foire du Trône. Ce petit bougre de bougre raffole des frites à m'man. Faut dire qu'elle les réussit comme pas deux, ma vieille. Son secret, je vais t'y dire : elle les plonge un premier petit coup dans l'huile bouillante. Un simple aller-retour, deux secondes, pas davantage. Ensuite, elle les essore sur un linge (y a des vieux torchons en fin d'activité qui ne servent qu'à ça, chez nous). Cela fait, elle les remet dans la frigousse jusqu'à ce qu'elles soient bellement dorées, ses patates. Dis à ta mégère d'essayer et tu t'en pourlécheras les salsifis. Tu comprendras alors combien c'est utile de bouquiner du Sana. Pas de l'argent perdu, mais du placement solide, à long terme, à long sperme. Reine de la frite, Félochette. On se mettrait à décher, recta je lui ouvre une cabane à frites dans un quartier estudiantin et on mystifie les Rothschild en moins de deux.
De me voir débouler dans sa cuistance enfumaga, les bras lui en dégringolent, à ma chère femme de mère.
— Antoine, je ne me doutais pas que tu allais rentrer.
— Quelle idée ?
— Depuis plusieurs jours que je ne t'ai pas revu.
— Moi ?
Alors là, elle me la coupe au ras du calice, la chérie. Je la défrime d'un œil inquiet. Tu vois pas qu'elle se mette gentiment à faire du home-trainer dans la Blédine, maman ? Le machin précoce, là, comment déjà ? Sénilité ! Merde, quel mot !
Ah, non, pas elle ! Je veux pas qu'elle déraille, ma vieille poule, se mette à zonzonner du plaftard. Elle n'a pas l'âge, ni le physique. Une femme de cette activité, avec ce mouflet qu'on élève… Justement il se pointe en courant, l'Antoine bis. Me flanque son train de bois à roulettes dans les moltebocks, bing ! Ouille que ça ça fait mal !
— Bonjour, papa, il gazouille.
La bibise. Je me masse la guibolle endolorie par cet accident de chemin de fer.
— M'man !
— Mon chéri ?
— Pourquoi dis-tu que je ne suis pas rentré depuis plusieurs jours ?
Elle s'arrête de retirer ses french fried potatoes du bac crépitant.
— Mais, Antoine…
— Hein, pourquoi, ma poule ?
— Voyons, Antoine, tu me fais marcher ! Tu sais bien que depuis trois jours tu n'es pas rentré ? Tu m'as téléphoné un matin pour m'annoncer que tu partais en Haute-Savoie…
— Moi ?
Ses frites commencent à fouetter le cramé. Elle les sort précipitamment.
— Tu mangeras mon bifteck, dit-elle, ça tombe bien, je n'ai pas faim.
— Jamais de la vie !
Dis donc, ça sent mauvais pour le mental de ma doucette, décidément. V'là qu'elle achète plus que deux steaks au lieu de trois, à cette heure, alors qu'il était prévu que je rentre dîner ! Non, mais qu'est-ce qui se passe dans sa bonne tête, tout d'un coup ? Je ravale mon angoisse, me promettant bien de tuber à notre médecin de famille après le repas. Dieu de chiotte, pourquoi cette brusque calamité ?
On vivait correctement, en s'aimant tendre. Et puis Félicie perd la boule !
Confusion mentale, voilà l'expression qui m'échappait. Elle fait de la confusion mentale ! Nous sommes frais. J'ai soudain des larmes dans la gorge.
Impossible de parler. Quant à bouffer !..