Выбрать главу

— Comment elles se présentent ?

— Elles sont en plastique, de couleurs différentes selon les banques, avec une sorte de tirette scellée. Ça ressemble à des coussins. Une par agence. Ça fait du volume. Quand je suis de retour dans le fourgon, je les trie en fonction de la tournée.

Franck l’interrompit.

— Combien de fric il y a dans une pochette ?

— On n’est pas censés le savoir, mais on peut le deviner d’après le poids et l’épaisseur. En plus, il y a un numéro interminable écrit dessus. J’ai vite pigé que le montant est caché au milieu. Le pognon sert à recharger les distributeurs de billets.

— Tu n’as pas répondu à ma question. Combien ?

— Je dirais entre cinq et dix millions.

Franck émit un sifflement.

— Entre cinq et dix millions, c’est exactement ce qu’il nous faut pour commencer.

Alex exprima sa surprise.

— Pour commencer ? Pour commencer quoi ?

— Chaque chose en son temps. Tu veux une bière, du vin, un whisky ?

— Une eau pétillante, si tu as.

— Tu ne bois plus ?

— Plus une goutte.

— Bravo.

— Par contre, je baise comme une bête. Pour l’instant je suis avec une infirmière. Elle n’en a jamais assez. Des fois, on fait ça avec une de ses copines.

— Tu as raison, c’est bon pour ta condition physique.

Franck se rendit dans la cuisine et revint avec deux verres et une bouteille de Spa.

— Continue ton histoire.

— De baise ou de transferts ?

Franck lui adressa un clin d’œil.

— Les affaires d’abord, le plaisir ensuite.

— On sort avec le fourgon et la tournée démarre. En général, on se tape une quarantaine de banques dans la nuit, ça fait plus ou moins deux cents kilomètres.

— À quelle heure vous sortez du dépôt ?

— Vers 21 h 30.

— Comment ça se passe quand vous arrivez devant une agence ?

— On commence par regarder s’il n’y a personne de louche dans les environs. Parfois on fait le tour du bloc. Le chauffeur et le convoyeur sont séparés par une cloison. Ces bahuts n’ont qu’une seule ouverture, qui se trouve du côté droit. C’est une double porte de sécurité, l’une s’ouvre seulement quand l’autre est fermée.

Franck le coupa.

— Que fait le convoyeur ?

— Il passe à l’arrière, met le fric dans une mallette qu’il ferme à clé. S’il la lâche ou si quelqu’un essaie de la voler, elle se met à gueuler et à cracher de la fumée.

Franck parut songeur.

— Ça ne simplifie pas les choses.

Alex soupira.

— C’est le moins qu’on puisse dire. Il faut peut-être penser à autre chose. Ce coup est impossible.

Franck s’emporta.

— Impossible n’est pas Jammet. Tu préfères braquer une station-service et prendre trois ou quatre mille balles et deux bidons d’huile ?

Alex calma le jeu.

— Ne le prends pas comme ça. Je dis simplement que ça ne se présente pas bien. Comment tu comptes faire ?

Franck balaya l’objection d’un geste.

— Je t’expliquerai. Termine.

Alex avala son verre d’eau avant de poursuivre.

— Le convoyeur sort avec les clés de l’agence. L’alarme se coupe avec la même clé. Il entre dans la banque et va dans le bureau où se trouve le coffre de nuit. Il l’ouvre, déverrouille la mallette, met la pochette dans le coffre, prend les valeurs et les fout dans la mallette qu’il referme aussitôt.

— Quelles valeurs ?

— Les titres, le fric qu’ils ont reçus dans la journée, les devises étrangères, l’or, plus tout ce que l’agence veut transférer au siège. Le fond de caisse s’y trouve aussi. Quand le convoyeur a terminé, il signe le bordereau et retourne au camion.

— Les agences sont équipées de caméras ?

— Pas toutes, ça dépend lesquelles, mais dans le bureau où se trouve le coffre, en général, oui.

— Que fait le chauffeur pendant ce temps-là ?

— Il attend. Il regarde s’il n’y a pas de mouvement dans la rue. Si ça dure, il appelle le convoyeur. S’il ne répond pas, il donne l’alerte.

Franck ferma les yeux et dodelina de la tête comme s’il cherchait à résoudre un problème insoluble.

Il reprit après quelques instants.

— Quel est le meilleur jour ?

— Le jeudi soir. Les agences commandent un max de fric pour charger les distributeurs de billets en vue du week-end.

— D’après l’épaisseur des pochettes, quelle est l’agence la mieux fournie ?

Alex fit une moue.

— Je ne sais pas, je dirais celle du square Montgomery.

Franck résuma la situation d’un ton neutre.

— Cinq à dix millions plus les valeurs. Jeudi soir. Square Montgomery.

Alex s’impatienta.

— Je ne sais pas ce que tu mijotes, mais je trouve que c’est risqué.

Franck se leva et se rendit à la fenêtre.

Une partie de tennis se déroulait sur l’un des courts. La nuit était presque tombée, mais les joueurs continuaient leur match dans la pénombre.

Il les discernait à peine, mais il percevait les éclats de voix et le bruit des balles qu’on frappe. Il en était de même tous les soirs depuis que la saison avait repris.

Sans se retourner, il mâchonna entre ses dents.

— Les passionnés n’abandonnent jamais.

Alex l’interpella.

— Qu’est-ce que tu dis ?

— Rien. Parle-moi de ton infirmière.

21

Une virée de milliardaire à Tokyo

Dès le lendemain, Franck se rendit à l’agence Montgomery pour effectuer les premiers repérages.

Sous prétexte de changer cent marks allemands, il entra dans la banque à l’heure de pointe et se rangea dans la file la plus longue pour avoir le temps de détailler les lieux.

Il nota la présence d’une caméra de surveillance dans le hall d’entrée, face aux distributeurs de billets, mais aucune dans la salle des guichets, ce qui recoupait les informations qu’Alex lui avait données. Ce dernier avait également précisé qu’une caméra contrôlait le bureau dans lequel se trouvait le coffre-fort.

Le soir même, il se gara à proximité de l’immeuble pour assister à l’arrivée du fourgon et observer le déroulement de la procédure.

Il se rendit compte qu’il avait sous-estimé la complexité de la tâche. Un riverain qui promenait son chien passa devant sa voiture en jetant de fréquents coups d’œil dans sa direction.

L’expression de son visage indiquait que la présence d’un homme seul assis dans un cabriolet Alfa Romeo à cette heure avancée de la soirée lui paraissait suspecte.

De plus, Franck se maudit d’avoir bu trois tasses de café pour se maintenir éveillé : sa vessie lui jouait des tours et il dut faire un rapide aller-retour dans les jardins du collège Saint-Michel pour se soulager.

Peu avant minuit, alors que le fourgon tardait à arriver, il vit apparaître une Golf GTI de la gendarmerie dans son rétroviseur. Les muscles tendus, le cœur battant, il bloqua sa respiration.

Le véhicule ralentit et s’arrêta à sa hauteur.

La chemise collée à la peau, il fit mine de se recoiffer dans le miroir de courtoisie, démarra et prit la direction du Cinquantenaire sous l’œil suspicieux des gendarmes.

Il rentra chez lui penaud, maudissant son manque de réalisme. Le lendemain, il téléphona à Alex et l’informa qu’il allait revoir sa copie et envisager une autre approche.