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Trois jours plus tard, vers 23 heures, il déboula devant l’agence au volant d’une Ford Fiesta louée la veille à l’aéroport.

Il avait pris soin de mettre de fausses plaques minéralogiques et posé un carton sur la plage arrière. Dans celui-ci se trouvait un caméscope braqué sur l’entrée de la banque.

Vêtu d’un survêtement et chaussé d’une paire de tongs en caoutchouc, il sortit de la Fiesta et partit promener Wiménon, un jack russel qu’il avait adopté deux jours auparavant chez Veeweyde, la société protectrice des animaux.

Alex avait eu un mouvement de recul lorsqu’il avait découvert le chien.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Un chien.

— Qu’est-ce que tu vas faire avec ce clebs ?

Franck lui avait expliqué sa stratégie.

— La meilleure façon de passer inaperçu est de se fondre dans la masse.

— Et après ? Tu ne comptes pas le garder, j’espère ?

— Je l’offrirai à une petite amie, il y a des cadeaux qui ne se refusent pas. Peut-être que je le garderai. Je commence à m’attacher à lui.

Il fit plusieurs fois le tour du pâté de maisons. Personne ne lui prêta attention, pas même la patrouille de police qu’il croisa à deux reprises.

Il renouvela l’opération durant les jours qui suivirent et passa le dernier week-end de mai à visionner les vidéos pour préparer l’intervention.

Le jeudi 4 juin 1992, la veille du long week-end de la Pentecôte, le fourgon s’arrêta devant l’agence du square Montgomery à 23 h 41.

Alex sortit du véhicule muni de la mallette et pénétra dans l’agence. Alors qu’il venait de couper le système d’alarme, un homme cagoulé surgit derrière lui et posa le canon d’un pistolet dans sa nuque.

— Salut, Yougo.

Alex sursauta.

— Merde ! Je ne t’ai pas entendu arriver.

— C’est le but. Comment ça se présente ?

— Bien. L’enveloppe est énorme.

— Le chauffeur ?

— Normal. Il ne se doute de rien.

Ils se dirigèrent tous deux vers le bureau. Avant d’entrer dans la pièce, Franck désarma Alex et glissa le Smith & Wesson dans sa ceinture.

— Tu es prêt ?

— Oui.

— N’oublie pas qu’on est filmés.

Alex entra dans le bureau, le dos courbé, la tête rentrée dans les épaules, en panique sous la menace de l’arme. Avec des gestes fébriles, il ouvrit le coffre ainsi que la valise et remit l’ensemble des pochettes à son agresseur.

D’un mouvement de son arme, ce dernier le somma de laisser la valise ouverte et de ressortir avec lui.

De retour dans la salle des guichets, Franck menotta Alex à l’un des radiateurs.

— Je te file un petit coup de crosse sur la tronche ?

Alex grinça entre ses dents.

— Je te connais, tu vas me tuer.

D’un mouvement brusque, il lança sa tête contre le radiateur. Le bruit du choc résonna dans la pièce et le sang se mit à couler sur son front.

Il grimaça.

— On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Fous le camp, le timing est dépassé.

Dehors, le chauffeur commençait à s’impatienter.

Il s’apprêtait à aller aux nouvelles lorsqu’il vit un homme cagoulé sortir de l’agence, monter sur un vélo et se mettre à pédaler à toute allure. Il comprit que son collègue s’était fait dévaliser et lança l’alerte.

Franck parcourut les huit cents mètres qui le séparaient du parc du Cinquantenaire en un peu moins de cinq minutes.

Il démonta les roues du vélo et jeta le tout à l’arrière de la Ford qu’il avait garée à proximité du musée de l’Armée. Il démarra la voiture, remonta les boulevards, contourna le bois de la Cambre et emprunta la drève de Lorraine.

Un kilomètre plus loin, il gara la Fiesta dans le chemin qui longeait la conciergerie du château Wittouck. Muni d’une pelle, il partit à pied et prit la drève des Enfants Noyés, un sentier qui s’enfonçait dans la forêt.

Après une centaine de mètres, il alluma sa lampe de poche et examina le butin. Il le rangea ensuite dans un grand Tupperware qu’il enterra au pied d’un arbre.

Il rentra chez lui, gorgé d’adrénaline, tremblant des pieds à la tête. Il s’allongea sur son lit, mais ne parvint pas à fermer l’œil.

Lorsque les oiseaux commencèrent à chanter, il eut une pensée pour Alex avant de sombrer dans le sommeil.

La police était arrivée sur les lieux une dizaine de minutes après le braquage. Ils avaient trouvé Alex dans un état comateux, menotté, du sang sur le visage.

Transporté à l’hôpital, à moitié inconscient, il avait accepté de répondre aux questions de la police. L’attaque avait été rapide et brutale, il n’avait rien pu faire. Il se souvenait seulement que le braqueur parlait français avec un fort accent espagnol.

Le lendemain, le siège de la banque estima que l’attaque avait rapporté plus de vingt millions de francs. En outre, des titres de Bourse et une somme importante en devises étrangères se trouvaient également dans le coffre.

Aucun indice n’ouvrait de piste sérieuse sur l’auteur. Le signalement de l’individu ainsi que les vidéos du hall d’entrée et du bureau n’avaient donné aucun résultat.

Alex resta deux jours en observation à la clinique, victime d’une légère commotion cérébrale. Il patienta trois jours de plus avant de se rendre chez Franck.

Ce dernier l’accueillit d’un large sourire.

Ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre.

— Content de te voir. Tu vas mieux ?

— Blessure superficielle. J’ai été félicité pour le sang-froid dont j’ai fait preuve.

Franck prit l’accent espagnol.

— Yé souis fiel dé toua.

Alex balaya la plaisanterie d’un geste.

— Tout s’est bien passé. Ils n’ont aucun soupçon.

Franck eut une moue désapprobatrice.

— Tout ne s’est pas bien passé. On a eu de la chance. Il y a des détails auxquels je n’ai pas fait attention. Nous sommes des amateurs. La prochaine fois, il faudra soigner le travail si on ne veut pas finir en taule.

Alex changea de sujet.

— C’est vrai ce qu’ils disent ? Vingt millions ?

— Un peu moins, je dirais dix-huit. Je suppose qu’ils surestiment la somme pour les assurances.

— Quand est-ce qu’on partage ?

— On ne partage pas, on investit.

Alex écarquilla les yeux.

— Quoi ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Ça veut dire que je n’envisage pas de me contenter d’un quarantième de fourgon. Quand reprends-tu le travail ?

— J’ai trois semaines de congé pour me remettre du traumatisme.

— Quand tu reprendras le travail, tu lui diras que tu ne veux plus faire les transferts, que tu as eu trop peur. Essaie d’avoir un travail au dispatching.

Alex revint sur la question du butin.

— Et la somme importante en devises ?

— Les devises en question, ce sont des yens.

— Des hyènes ? C’est quoi ?

— La monnaie japonaise, pas facile à sortir, mais j’ai une idée.

— Laquelle ?

— Ça te dirait, une virée de milliardaire à Tokyo ?

22

Quand je franchis la porte

— La bleue, c’est Cléopâtre.

— Elle est belle. Et l’autre ?

— À votre avis ?

Je savais qu’Olga Simon possédait des perruches. Elle est la seule occupante de l’immeuble de la rue des Quatre-Bras à posséder des animaux dans son bureau.

Je me penche sur la cage et passe un doigt entre les barreaux.

— César ?

— Tout à fait.

— Elles sont superbes.