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— Il a été amené à l’unité médicale de la prison, mais son état a nécessité un transfert à Saint-Pierre. Il a dû être opéré d’urgence. Pour l’instant, il est aux soins intensifs.

— Vous l’avez mis sous protection policière ?

— Bien sûr.

— La famille a été prévenue ?

— Quand c’est arrivé, nous avons préféré ne rien dire à son frère, pour ne pas l’inquiéter avant de connaître l’avis du médecin. Nous avons trouvé le numéro de sa femme, mais nous ne sommes pas arrivés à la joindre. J’ai téléphoné à la juge d’instruction et à son père, il y a quelques instants.

— Que dit le diagnostic ?

— Un rein a été touché. Il y a eu une grosse hémorragie interne. Les médecins ont dû procéder à l’ablation de l’organe touché. D’une certaine façon, il a eu de la chance. Il a reçu plusieurs coups dans la poitrine, mais l’arme a glissé sur les côtes.

— Vous savez qui a fait le coup ?

Il s’éclaircit la voix pour masquer son embarras.

— Vous savez comment ça se passe, maître. Il y avait une vingtaine de détenus qui se rendaient au parloir. Tout s’est passé très vite. Il n’y a pas de caméra dans ce couloir. Les faits ne sont pas clairs, mais d’après la liste des détenus, nous pensons que ce sont des Russes qui ont fait le coup. Il semble que certains visiteurs sont venus les voir pour arranger l’attaque.

Je n’en crois pas mes oreilles.

— Des Russes ?

— Je comprends votre surprise, maître. Moi-même, je ne comprends pas ce que des Russes ont à voir avec cette histoire, d’autant que Bachir n’est pas une figure retentissante.

— C’est le moins qu’on puisse dire.

Je peux concevoir que Bachir se fasse planter par d’anciens complices qui veulent s’assurer de son silence, mais si c’était le cas, ces types seraient arabes. Que viennent faire des Russes dans cette affaire ?

Si le contrat a été commandité de l’extérieur, j’imagine mal des Arabes faire appel à des Russes pour organiser l’élimination d’un des leurs, même dans le but de fausser les pistes. Certains principes ne se transgressent pas.

À moins que ce soient des Russes qui attendaient Bachir devant la poste. Cela expliquerait l’agression, mais soulèverait une autre question : quel rapport y a-t-il entre Bachir et des truands russes ?

Une chose est sûre, l’enjeu doit être de taille pour que ces détenus courent le risque de déclencher une guerre russo-arabe.

24

Notice rouge

Le lundi 25 février 2013, une semaine après les faits, les enquêteurs réalisèrent que la camionnette Mercedes Vito qui avait été retrouvée carbonisée à Zellik quelques minutes après le braquage n’était pas celle qui avait participé à l’intervention.

Deux véhicules identiques avaient été volés durant la semaine qui précédait les faits, l’un à Grammont, dans la région flamande, l’autre à Braine-le-Château, au sud de Bruxelles.

Seul le type d’enjoliveurs les différenciait, un détail qui permit aux enquêteurs de conclure que le véhicule qui avait participé au braquage de Zaventem n’était pas celui qui avait été incendié.

Ils en déduisirent que la camionnette de Zellik avait servi de leurre dans le but de lancer les recherches dans une direction différente. Cette manœuvre de diversion avait autrefois été utilisée dans plusieurs braquages dont l’auteur présumé était Franck Jammet.

Autre similitude qui resserrait l’étau autour du Belge, la police scientifique estimait que l’on avait vraisemblablement mis feu au véhicule à l’aide d’une méthode appelée le gâteau d’anniversaire, un procédé que Franck Jammet avait mis au point et utilisé en son temps.

La technique consistait à placer dans l’habitacle une boîte de cubes allume-feu Zip à base de kérosène. Des bouteilles en plastique d’un litre et demi, remplies d’un mélange de mazout, de savon noir et d’huile de moteur complétaient le dispositif. Quelques bougies étaient plantées dans les cubes Zip. Pour assurer un appel d’air, les vitres du véhicule restaient légèrement baissées.

Les bougies mettaient environ cinq minutes pour se consumer, ce qui laissait le temps à l’incendiaire de disparaître avant le feu d’artifice. Suite à cette découverte, les enquêteurs décidèrent de porter leur attention sur Alex Grozdanovic, le bras droit de Franck Jammet. L’homme s’était évadé de la prison d’Andenne en novembre 2010 et était en cavale depuis.

À 22 heures, Interpol actualisa l’avis de recherche international qui avait été lancé à son encontre et le diffusa aux cent quatre-vingt-dix pays membres.

Dans le jargon, une telle démarche portait le nom de notice rouge.

25

Une mesure et une échéance

C’est à la fin de l’été 1992 que Franck et Alex prirent goût aux hôtels de luxe, au champagne millésimé, à l’argent dépensé sans compter et aux jeunes femmes peu farouches.

Au début du mois de juillet, Franck avait déterré le butin dissimulé dans la forêt et prélevé quelques liasses de billets dans l’enveloppe. Malgré l’envie qui le démangeait, il n’avait pas pris le risque de négocier les yens et s’était abstenu de planifier le périple au Japon qu’il avait évoqué.

Dans la foulée, il avait revendu son cabriolet Alfa Romeo, trop voyant à son goût, pour faire l’acquisition d’une Golf GTI semblable à celles des gendarmes.

Il avait suggéré à Alex d’en faire autant et avait pris soin d’ôter le liseré rouge qui entourait la calandre ainsi que les monogrammes distinctifs qui décoraient les véhicules.

Alex s’en était étonné.

— C’est dommage, elles ont moins de gueule comme ça.

— C’est le but. Elles doivent passer inaperçues.

— Dans ce cas, autant acheter des Toyota.

— Une Toyota ne se trimballe pas avec cent quinze chevaux sous le capot et ne monte pas à deux cents kilomètres heure.

Pour parfaire leur habileté au volant, ils s’étaient inscrits à un stage intensif donné par un pilote de Formule 1, sur le circuit Paul Ricard, au Castelet.

De retour au travail, Alex avait fait une demande motivée de mutation : l’agression l’avait traumatisé.

À la fin du mois, il avait vu sa requête acceptée et il avait pris ses nouvelles fonctions au sein du dispatching, ce qui lui donnait un accès privilégié à l’organisation des tournées.

Franck avait accueilli la nouvelle avec enthousiasme.

— Bravo ! On va fêter ça. Quand prends-tu tes congés ?

— Les deux dernières semaines d’août.

— Parfait, on va se détendre un peu avant notre prochaine opération.

— Quelle prochaine opération ?

— Tu verras.

Le 14 août, à l’aube, ils avaient pris la direction de la Côte d’Azur, chacun au volant de son bolide, pied au plancher, pare-chocs contre pare-chocs, se doublant sans cesse, bravant les limitations de vitesse et n’hésitant pas à zigzaguer entre les voitures.

La décision d’effectuer le déplacement dans des voitures séparées n’avait pas été dictée par leur esprit de compétition ou par une volonté d’indépendance, mais par la présence de Wiménon, qui ne quittait plus Franck d’une semelle.

À leur arrivée à Saint-Tropez, ils étaient descendus à l’hôtel Byblos, le seul établissement où il restait des chambres libres, au tarif d’un mois de salaire d’Alex par nuit, plus un supplément pour la pension du chien.

Guidés par les conseils du portier de l’hôtel, ils étaient parvenus à infiltrer les endroits fréquentés par les membres de la jet-set à coups de sourires charmeurs et de pourboires généreux.