Выбрать главу

J’ai l’impression qu’il veut me dire quelque chose.

— J’ai vu Youssef en arrivant. Il m’a dit qu’il ne savait pas où se trouve Rachida. Voulez-vous que j’essaie de la contacter ?

Il pousse un gémissement, mais n’arrive pas à articuler le moindre mot.

— J’ai parlé à la juge d’instruction. Vous ne retournerez pas à Forest. Quand vous serez rétabli, vous irez à Saint-Gilles.

Il déglutit, ouvre les yeux, les referme.

— Vous serez en sécurité à Saint-Gilles, mais il faut qu’on sache d’où vient la menace.

Il rouvre les yeux, tourne légèrement la tête vers moi.

— Qui vous en veut, Akim ?

Il fuit le contact visuel et semble explorer la pièce à la recherche d’un objet.

— Pourquoi vous a-t-on agressé ?

Il geint, fait un effort pour pivoter davantage la tête.

Du menton, il m’indique quelque chose.

Je jette un coup d’œil dans la direction.

— Le gardien ?

Il secoue la tête, remue une nouvelle fois le menton.

— Vous voulez que j’appelle l’infirmière ?

D’un mouvement de tête, il rejette ma suggestion.

Une idée me vient.

— La télévision ?

Il acquiesce.

— J’ai compris, Akim, la télévision. C’est ça ?

Il opine, remue les lèvres, mais aucun son ne sort.

Après un temps, il referme les yeux et déglutit.

Je me penche, colle mon oreille contre sa bouche.

— J’écoute, Akim. Que voulez-vous me dire ?

Dans un souffle, il prononce un mot, un seul.

— Alex.

28

Marché conclu

Alex.

Il est 21 h 30 quand je sors de l’hôpital Saint-Pierre.

Le mot continue de tourbillonner dans ma tête.

Alex.

Qu’a-t-il voulu me dire ?

Je monte dans ma voiture et prends mon téléphone.

Les règles de savoir-vivre stipulent qu’il faut éviter de téléphoner après 20 heures, sauf s’il s’agit d’un cas de force majeure. Si on connaît bien la personne, il est toléré de l’appeler jusqu’à 21 heures. Les moins de vingt-cinq ans estiment quant à eux qu’il est correct de téléphoner jusqu’à 22 heures.

Je compose le numéro de Leila.

Il est passé 20 heures, ce n’est pas un cas de force majeure, j’ai plus de vingt-cinq ans et je la connais à peine.

Elle décroche et ne me laisse pas le temps de présenter les excuses de circonstance.

— Bonsoir, Jean. Comment vas-tu ?

— Bonsoir, Leila. Je sais qu’il est tard, mais j’ai un service à te demander.

J’aurais dû commencer par échanger quelques civilités, lui demander comment elle allait, revenir sur la soirée de samedi chez Patrick, la questionner sur son week-end ou lui parler du baiser qu’elle m’a offert.

— Bien sûr. Comment puis-je t’aider ?

Je fais un effort pour paraître détendu.

— Ma question va te paraître étrange.

— On verra bien.

— En arabe, le mot alex veut-il dire quelque chose ?

— Alex ?

— Oui.

Elle répète plusieurs fois le mot.

— Tu es sûr que c’est un x à la fin ?

— Je pense bien.

— Rien devant, rien derrière ?

— Non. Alex.

Elle soupire.

— Alex, sans rien de plus, je ne vois pas. Je n’ai pas l’impression que c’est de l’arabe. C’est peut-être le prénom, tout simplement. Tu me donnes quelques éléments sur le contexte ?

Je lui retrace l’affaire dans les grandes lignes, en mettant l’accent sur la disparition de la femme d’Akim, l’agression dont il a été victime, ma visite de ce soir à l’hôpital et son geste vers la télévision.

— C’est peut-être un de ses amis. Il faudrait voir s’il y a un Alex dans la liste des personnes qui l’ont visité en prison. Cela dit, je ne vois pas de rapport avec la télévision.

— Les deux ont l’ait d’être liés. Alex et télévision.

— Bizarre. C’est étrange que sa femme ne donne pas signe de vie. D’après ce que tu me dis, elle est partie avec son fils. Je ne comprends pas pourquoi son beau-père et son beau-frère prétendent ne pas savoir où elle est.

— C’est un mystère. Ils savent sûrement quelque chose, en tout cas le frère, mais il ne veut pas m’en parler.

J’ai à peine terminé ma phrase qu’une idée me vient.

Elle suit le cours de ma pensée.

— Tu veux que j’aille le voir ? En lui parlant en arabe, il va peut-être en dire davantage.

— Ce n’est pas ce que j’avais en tête en t’appelant, mais ça me paraît une bonne idée.

— On ne risque rien, mais je ne peux pas débarquer chez lui à l’improviste. Il faudrait qu’on y aille ensemble.

— Le père tient une épicerie, Youssef, le frère d’Akim, travaille avec lui. Nous pourrions débarquer tous les deux. Je parlerais au père pendant que tu essaierais d’amadouer le frère. Je suis gêné, c’est du boulot en plus.

Son rire retentit.

— Ce n’est pas du boulot, c’est un service. À charge de revanche. Quand veux-tu y aller ?

— Pas pendant la journée, ils sont trop occupés. Ils ferment à 20 heures. On pourrait se donner rendez-vous quinze minutes avant la fermeture.

— D’accord, envoie-moi l’adresse par mail.

— Je t’envoie ça. Merci, Leila.

Elle ne semble pas pressée de conclure l’entretien.

— Jean ?

— Oui ?

— Tu aimes le couscous ?

— J’adore.

— Tu connais le Tizi Ouzou ?

Il lui sera difficile de trouver un endroit qui ne soit pas hanté par le fantôme d’Estelle.

— Oui, je connais.

— Demain, si tu veux, on peut aller dîner là-bas après l’entretien.

Je fais défiler mon agenda dans ma tête.

Demain, nous serons le mercredi 27 février. J’ai accepté ce dîner chez Katja où j’ai autant envie d’aller que de me pendre.

— Marché conclu.

29

La une des journaux télévisés du soir

Le mardi 26 février 2013, à 15 h 20, le commissariat de police d’Ittre reçut l’appel d’un homme en proie à une grande agitation.

En promenant son chien, il avait fait une découverte macabre le long d’un sentier peu fréquenté à travers champs qui reliait les hauteurs de Tubize au village de Virginal.

Sur le bas-côté, il avait aperçu les restes d’une camionnette partiellement incendiée. Il s’était approché et avait constaté que deux corps se trouvaient dans la cabine arrière du véhicule.

Dépêchée sur place, une patrouille identifia d’emblée ce que les policiers appellent un « homicide barbecue ». Les agents de la police technique et scientifique arrivèrent sur les lieux et procédèrent aux premières constatations.

Celles-ci révélèrent que le véhicule était un Mercedes Vito noir, ce qui leur permit d’établir un lien avec le casse de Zaventem. Grâce au numéro de châssis et à la présence d’outils dans la cabine, ils purent confirmer qu’il s’agissait bien de la camionnette volée à Grammont et utilisée lors de l’intervention du lundi 18 février.

Ils relevèrent également la présence de plusieurs impacts de balle dans la voiture presque détruite.

Les deux hommes avaient vraisemblablement été abattus à un autre endroit et transportés sur le sentier avant que l’on mette le feu à la Mercedes.

Au vu de l’état dégradé des corps, rien ne permettait à ce stade de les identifier.

Le parquet déclara qu’une autopsie serait réalisée dans les prochains jours et qu’elle permettrait sans doute d’obtenir des éléments de comparaison génétiques.