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— Parfait. J’y serai.

Le lendemain, il était arrivé à 18 h 30 au Villon.

L’espace d’un instant, il avait pensé revêtir l’un de ses costumes, mais il s’était ravisé. Le restaurant était fréquenté par la population estudiantine et il aurait détonné dans le décor.

Il s’était installé à l’une des tables du fond pour guetter sa venue et confirmer l’impression qu’elle lui avait faite la veille.

Elle avait débarqué à l’heure précise et s’était dirigée vers lui d’un pas déterminé.

— Julie Narmon, enchantée.

Il s’était levé et lui avait tendu la main. Elle mesurait trente centimètres de moins que lui.

— Franck Jammet, très heureux.

Il avait tenu sa main quelques secondes de plus que de raison et avait dû se rendre à l’évidence : en l’espace d’une poignée de minutes, il s’était épris d’elle.

Elle s’était assise et l’avait dévisagé d’un œil inquisiteur.

— Prêt pour l’interrogatoire ? Âge, état civil, signe particulier ?

Excepté ses antécédents de braqueur, il lui avait fait un résumé de sa biographie en mettant un accent particulier sur ses talents de pianiste.

— À vous.

Comme lui, elle avait vingt-quatre ans. Elle était née à Woluwe et avait grandi dans la capitale. Elle avait un frère plus jeune, aussi féru de sciences qu’elle. Elle suivait sa cinquième et dernière année à l’école polytechnique de Bruxelles et briguait un diplôme d’ingénieur civil.

— J’aimerais obtenir un master en ingénierie civile des constructions, ça me permettrait de bâtir des tours à Bahreïn, de creuser des tunnels en Suède ou de construire des ponts en Australie.

— Vous voulez quitter la Belgique ?

— Il n’y a pas de grands projets dans ce pays. Mon rêve serait d’inventer quelque chose, d’innover, de faire du jamais vu, une tour de mille mètres ou une ville sous la mer. Et vous, quel est votre rêve le plus fou ?

Il la connaissait depuis moins d’une heure, mais il lui avait confié son secret.

— J’aimerais racheter une ancienne salle de spectacle dans une capitale européenne, Paris, Berlin ou Londres, la rénover et y inviter les orchestres philharmoniques les plus prestigieux, les solistes les plus époustouflants, les divas les plus célèbres. Mon idée la plus folle serait de me produire à leurs côtés.

Elle avait hoché la tête.

— Rien que ça ? En plus d’être talentueux, il faut beaucoup d’argent pour réaliser ce genre de rêves.

— J’y travaille. J’aurais aimé être aussi doué que l’était Liszt et devoir composer mes propres œuvres pour satisfaire ma virtuosité.

Ils avaient embrayé sur d’autres sujets et avaient parlé sciences, littérature, cinéma, politique. Elle avait un avis sur chaque sujet et le défendait avec brio.

Après deux ou trois verres, ils étaient passés au tutoiement et s’étaient commandé quelque chose à manger.

Franck se sentait bien en sa compagnie et ne voyait pas le temps passer. Il appréciait son sens de l’humour, son intelligence et l’intensité avec laquelle elle le regardait. À la fin du repas, tous deux avaient les yeux qui flamboyaient de désir.

Franck s’était lancé.

— Tu me plais, Julie. Je trouve que tu es une femme fascinante. Je suis très attiré par toi.

Elle avait pris un air dégagé.

— Toi non plus, tu n’es pas mal. Un peu grand et trop sûr de toi, mais d’une compagnie agréable.

— Où habites-tu ?

— À deux pas d’ici.

— Si on allait chez toi ?

Elle s’était penchée vers lui en plissant les yeux.

— Je vais te faire une confidence. Ça fait quatre mois que je n’ai plus commis le péché de chair et ça ne m’a pas manqué, mais depuis hier après-midi, je ne rêve que d’expérimenter la loi de Hooke avec toi. Je préfère te prévenir, ça risque d’être plus qu’un verre.

À peine sortis du Villon, ils avaient échangé un long baiser qu’ils avaient renouvelé tous les vingt mètres, jusqu’à leur arrivée devant l’immeuble où elle habitait. Elle l’avait à moitié déshabillé pendant qu’ils montaient l’escalier.

Leur première étreinte, impulsive, fougueuse et libératrice, avait eu lieu contre la porte d’entrée.

À peine remis de leurs émotions, ils avaient continué à faire l’amour durant une bonne partie de la nuit. Au petit matin, ils s’étaient réveillés dans les bras l’un de l’autre, épuisés, comblés et passionnément amoureux.

Julie s’était mise à califourchon sur son ventre et l’avait fixé dans les yeux.

— Il y a un truc qui m’intrigue dans ton histoire.

— Dans quelle histoire ?

— Ta superbe maison hors de Bruxelles, le virage, la barrière, la résistance des métaux. Il y a un paramètre que tu ne m’as pas donné.

Il avait fait une grimace, ne sachant quelle question elle allait aborder et de quelle manière il allait s’en sortir.

— Je t’écoute.

— À tout hasard, il ne transporterait pas du fric, ton camion ?

34

C’est dingue

Alex arriva avec plus d’une demi-heure de retard chez Julie, ce que Franck interpréta comme une nouvelle façon d’exprimer ses réticences.

La jeune femme l’accueillit avec décontraction et lui fit la bise comme si elle le connaissait depuis toujours.

— Salut Alex. Enlève ton manteau et viens voir.

Elle lui tourna le dos et se dirigea vers le salon où Franck l’attendait, assis dans un fauteuil, plongé dans la lecture d’un cahier d’écolier.

Décontenancé par son aisance, Alex la suivit.

Franck le héla au passage, sans lever le nez de son livret.

— Salut.

Julie ne laissa pas à Alex le temps de réagir.

— C’est par ici que ça se passe.

Elle lui indiqua un écran d’ordinateur posé sur une planche, entre deux tréteaux.

— Plutôt que de te casser les pieds avec des tableurs Excel, j’ai préféré te concocter une démo qui te permettra de saisir l’idée en moins de trois minutes.

Elle alluma l’écran.

Le dessin d’un fourgon occupé par deux hommes apparut.

Alex reconnut au premier coup d’œil la marque du véhicule et le logo de son entreprise sur le flanc. Le trait, blanc sur fond noir, était précis et les dimensions étaient respectées.

Julie le questionna.

— Tu es prêt ?

Sa curiosité eut raison de sa défiance.

Il se pencha vers l’écran.

Elle enfonça une touche du clavier.

Le fourgon s’ébranla et se lança sur une route représentée par deux lignes parallèles.

Alex était stupéfait.

— C’est dingue ! C’est Walt Disney qui a fait ça ?

Elle répondit avec désinvolture.

— Une animation en 3D, réalisée sur Videoscape. C’est un peu rudimentaire, je dois encore apprivoiser la bête, mais pour une première esquisse, je pense que ça devrait aller.

Elle posa ses fesses contre le mur, croisa les bras et jeta un regard complice à Franck. L’animation était assez explicite pour ne pas nécessiter de commentaires.

Scotché à l’écran, Alex n’en croyait pas ses yeux.

Quand la séquence prit fin, il se tourna vers Franck et désigna Julie du doigt.

— C’est elle qui a fait ça ?

Franck acquiesça.

— Toute seule.

— Où tu l’as trouvée ?

Franck leva les yeux au ciel.

— Il me l’a envoyée.

Julie vint s’asseoir sur les genoux de Franck, passa un bras autour de son cou et s’adressa à Alex.

— Julie Narmon, enchantée.

Elle tendit sa main droite, paume ouverte.