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Malgré le mode opératoire utilisé par le ou les tueurs pour ralentir l’identification, ils réussirent à exploiter les empreintes digitales d’une des deux victimes, un Belge âgé de quarante-cinq ans, bien connu de la justice.

Considéré comme l’ami intime et le bras droit de Franck Jammet, Alex Grozdanovic avait été accusé d’avoir participé à plusieurs braquages, tant en Belgique qu’à l’étranger. Il avait été arrêté à Bruxelles en 2008 et condamné à dix ans de prison.

En novembre 2010, il s’était évadé de manière spectaculaire de la prison d’Andenne.

Trois mois plus tard, il avait été localisé à Barcelone par la police, mais il était parvenu à leur échapper après une course-poursuite en voiture dans les rues de la ville.

Depuis, il avait disparu.

L’identification de l’autre homme s’annonçait plus problématique et risquait de prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

Comme pour Alex Grozdanovic, l’autopsie avait révélé la présence de plusieurs impacts de balles, mais le corps était dans un tel état que les spécialistes ne purent extraire d’ADN nucléaire.

Ils parvinrent néanmoins à prélever dans la moelle des os de l’ADN mitochondrial, moins précis que l’ADN nucléaire. Les médecins légistes estimèrent que la mort des deux hommes remontait à une huitaine de jours, soit aux alentours du 19 février.

En tout état de cause, cette découverte permettait de faire progresser l’enquête autour du casse de Zaventem.

La mort violente d’Alex Grozdanovic confortait la piste du grand banditisme belge et relançait la question de l’implication de Franck Jammet.

Le jeudi 28 février, les enquêteurs rendirent une nouvelle visite à ce dernier dans sa propriété d’Oppède-le-Vieux.

Il fut affligé d’apprendre le décès de son ami, mais s’en tint à sa première déclaration et répéta qu’il se trouvait à Luxembourg le jour de l’attaque et n’avait rien à voir avec cette affaire.

Le vendredi 1er mars, en fin d’après-midi, la presse fut informée qu’Alex Grozdanovic était l’une des deux victimes retrouvées dans le véhicule incendié à Tubize et qu’il n’était pas encore possible de révéler l’identité de la deuxième personne.

37

Enculés

La société anonyme Vert d’experts fut créée le jeudi 8 juillet 1993.

Franck aurait pu se contenter de fonder une société privée à responsabilité limitée, mais il estimait que les lettres S.A. qui jouxtaient la raison sociale étaient un gage de sérieux pour la clientèle qu’il visait.

Il avait installé le siège de l’entreprise dans un immeuble industriel qu’il avait loué à la sortie de Nivelles. Dans la foulée, il avait acheté deux camionnettes de seconde main qu’il avait fait peindre aux couleurs de l’entreprise.

Il avait dressé la liste d’une centaine de communes qui possédaient leur propre service d’entretien. Son objectif était de les convaincre de leur sous-traiter ce travail. Les premières visites de prospection qu’il fit se révélèrent peu productives. Soit l’échevin chargé de la tâche rechignait à le rencontrer, soit il lui prêtait une oreille distraite avant de lui signifier qu’il était satisfait du mode de gestion actuel.

De son côté, Alex avait remis sa démission à la fin du mois de mars et venait de terminer sa période de préavis. Il avait rejoint Franck et tournait en rond dans les bureaux.

Franck, qui ne le voyait ni se mêler de gestion financière ni se lancer dans l’élagage des arbres, lui avait attribué une autre mission.

— À part tondre les pelouses, tu n’as aucune expérience. En attendant d’avoir notre premier client, inscris-toi dans un club de tir et prends contact avec ton ancien camarade pour notre projet.

Alex n’eut aucun mal à retrouver la trace de Cirilli.

Il lui proposa une rencontre dans un bistrot du centre de Charleroi.

Après avoir parlé pendant quelques minutes du bon vieux temps, il lui exposa le plan dans les grandes lignes, sans lui parler de la méthode qu’ils avaient mise au point.

Assis de travers, les bras croisés, Cirilli l’écoutait en le fixant de ses yeux globuleux. Il portait un collier de barbe et ne souriait jamais. Sa carrure imposante le faisait paraître plus petit qu’il n’était.

À la fin de la présentation, il se montra sceptique.

— On est déjà venu me proposer un tas de coups foireux. Chaque fois, c’est le coup gagnant, c’est un jeu d’enfants, tout est sous contrôle et on va se faire des couilles en or. Quand tu grattes un peu, tu constates que tu as affaire à des amateurs et que tu as toutes les chances de te retrouver avec les flics au cul.

Alex se remémora la course-poursuite de décembre, mais continua de faire bonne figure.

— Avec nous, ça ne risque pas d’arriver. Nous sommes des pros et nous avons une technique infaillible.

— Ils disent tous ça. Dans ce business, la vraie faille, c’est pas le côté technique, c’est le facteur humain. Je ne veux pas de votre greluche dans les pattes. Par la même occasion, dis à ton ami que si j’accepte, je veux un MP5 chambré en dix millimètres et un gilet pare-balles en kevlar, sinon, il peut aller se faire foutre.

Alex n’insista pas.

— Je propose que tu lui en parles toi-même. Je suis sûr que vous trouverez un arrangement et qu’il parviendra à te convaincre.

— Organise un rendez-vous, mais dis-lui que je ne suis pas prêt à me faire enculer.

En attendant de convaincre Cirilli, Franck passait ses listes en revue à longueur de journée pour tenter de contacter des responsables.

Julie passait le matin pour lui donner un coup de main.

— Ne te décourage pas, tu vas y arriver.

— Il y a six cents communes dans ce pays. Ne me dis pas qu’il n’y en a pas une qui soit prête à travailler avec nous.

Il songeait à se rabattre sur de plus petites cibles, quand le hasard vint lui prêter main-forte. Alors qu’il feuilletait la brochure d’information d’une commune du sud de Bruxelles, Julie posa un index sur l’une des photos.

— C’est qui, ce mec ?

— Jean-Luc Bradfer, le bourgmestre. Ils lancent un appel d’offres pour sous-traiter l’entretien de leurs espaces verts. Le marché est gigantesque, mais un chantier de cette importance demande du personnel à gogo et une grosse infrastructure. On n’a aucune chance. Pourquoi ?

— Je le connais. Il baise une de mes copines.

Franck bondit.

— Tu es sûre que c’est lui ?

Julie soupira.

— Marjorie habite à deux pas d’ici. J’ai fait une partie de mes études avec elle. Elle me parle de lui chaque fois que je la croise. Je l’ai aperçu quelques fois, quand il vient la chercher dans sa grosse bagnole. Il met des lunettes de soleil pour passer incognito. C’est bien la peine, je l’ai reconnu au premier coup d’œil.

— Il est marié ?

— Marié, deux enfants. Il lui a promis qu’il allait quitter sa femme pour elle. Ça fait deux ans que ça dure et rien n’a bougé, mais elle continue à y croire. Quand elle me parle de lui, elle l’appelle Chouchou ou des trucs du genre. Elle m’a juste dit qu’il avait un poste important en politique.

— Ils se voient souvent ?

— Une ou deux fois par semaine.

Dans l’après-midi, Franck examina avec attention le cahier des charges et entama la rédaction d’une offre. Le lendemain, Julie téléphona à Marjorie pour lui proposer un déjeuner.

Dès qu’elle eut raccroché, elle se tourna vers Franck.

— Je déjeune avec elle vendredi. Je lui ai d’abord proposé jeudi, mais elle voit Chouchou à midi.