Выбрать главу

Je suis à peine dehors que je compose le numéro de Francis Lambotte.

Il répond dans la seconde.

— Bonsoir, Jean.

— J’ai l’indice.

Il ne se formalise pas de ma brusquerie.

— Manifestement, tu n’as pas perdu de temps. Je t’écoute.

— Akim Bachir a allumé le gâteau d’anniversaire.

— Pardon ?

Comme je m’y attendais, il ne comprend pas. Le rapport de forces vient de s’inverser.

Je répète, agacé.

— Akim Bachir a allumé le gâteau d’anniversaire. Tu peux répéter mot à mot, s’il te plaît.

Il prend quelques instants pour digérer l’affront.

— Je ne suis pas sourd. J’ai entendu. C’est Akim Bachir qui a allumé le gâteau d’anniversaire.

— Transmets ce message à ton client et donne-moi de tes nouvelles s’il veut en savoir plus.

Sur ce, je raccroche.

Je ferme les yeux et inspire longuement. J’imagine son air outré, ses joues qui s’empourprent, les jurons qui retentissent.

Ma mauvaise humeur vient de s’évaporer.

La situation me rappelle une vieille blague juive. Salomon ne parvient pas à dormir. Inquiète, sa femme l’interroge. Il lui avoue avoir emprunté de l’argent à Isaac, son voisin, mais il ne voit pas comment il va pouvoir le rembourser.

Sa femme se lève, ouvre la fenêtre et appelle Isaac en criant. Celui-ci, à moitié endormi, ouvre la fenêtre à son tour.

— Qu’est-ce qui se passe ?

— Il paraît que Salomon te doit de l’argent ?

— Oui.

— Eh bien, il ne pourra pas te rembourser.

Là-dessus, elle referme la fenêtre et s’adresse à Salomon.

— Voilà, maintenant, c’est lui qui ne dort plus.

En tout état de cause, je viens de reprendre le dessus.

51

L’aventure est terminée

La société Securitis profita de la période estivale pour tenter de contrecarrer la série de braquages dont elle avait été victime.

La majorité des tournées fut modifiée et bon nombre de parcours furent inspectés avec minutie. En outre, les fourgons furent progressivement équipés d’une barre fixée sous la face avant pour protéger la crémaillère de direction.

Lors d’un dîner organisé en octobre, Julie fit part de ses conclusions aux membres de l’équipe.

— Je n’ai pas eu l’occasion de voir cette barre de près, je ne connais ni sa composition ni son diamètre exact, mais si nous ne changeons rien à notre méthode, le résultat dépendra de la vitesse du fourgon. En dessous de cinquante kilomètres heure, le choc l’arrêtera, mais la crémaillère de direction tiendra le coup, donc risque de marche arrière et de sauve-qui-peut. Au-dessus de cinquante, les convoyeurs seront secoués, mais le fourgon passera.

Sergio haussa les épaules.

— On n’a qu’à mettre un pilier plus épais.

Elle hocha la tête.

— J’y ai pensé, mais il y a un hic.

— Lequel ?

Elle prit un bloc de papier et inscrivit quelques symboles.

Ec = H m × v2

Sergio examina le papier d’un air sceptique.

— C’est quoi ?

Elle tapota la formule du doigt.

— Tout objet en mouvement possède ce qu’on appelle de l’énergie cinétique. Si la masse en mouvement augmente, l’énergie cinétique augmente proportionnellement. Si la masse est multipliée par le facteur k, l’énergie cinétique est multipliée par le même facteur k. Si la vitesse V augmente, l’énergie cinétique augmente aussi. Si la vitesse est multipliée par k, l’énergie cinétique est multipliée par k au carré. Si la vitesse est doublée, l’énergie cinétique est multipliée par quatre. Tu suis ?

Sergio leva la tête et cligna des yeux.

— Qu’est-ce que ça veut dire ?

Les autres masquèrent leur amusement.

Julie reprit de plus belle.

— Considérons un fourgon qui pèse cinq tonnes et roule à soixante kilomètres heure, le calcul est vite fait, ça donne une énergie cinétique d’environ sept cent mille joules, c’est-à-dire deux morts. Garantis.

Alex intervint.

— Qu’est-ce que tu proposes ?

— Il n’y a que deux solutions. Soit on arrête et on cherche une autre méthode, soit on continue.

— On continue. Les fourgons ne sont pas tous équipés de cette saloperie de barre. Il suffit d’en filer quelques-uns, de repérer ceux de l’ancienne génération et de tracer leurs itinéraires.

Sergio et Laurent signifièrent leur accord, mais Franck se montra plus réservé.

— D’accord pour les repérages. Après, on verra.

La reconnaissance, pilotée par Alex, commença dès le lendemain et se poursuivit jusqu’en décembre.

En fin de compte, seules trois tournées répondaient aux critères. Après discussion, ils optèrent pour le convoi qui quittait Seneffe et se rendait à Halle. Le lieu de l’intervention était dégagé, la longue montée à la sortie de Braine-le-Château offrait un poste d’observation idéal et le secteur comprenait plusieurs routes secondaires et chemins vicinaux.

Franck donna son aval pour l’attaque, à condition qu’ils laissent un intervalle de trois semaines entre le carottage et le braquage.

Alex s’en étonna auprès de lui.

— Pourquoi attendre ?

Franck balaya la question.

— Ce n’est peut-être pas un hasard s’ils n’ont pas sécurisé toutes les tournées. On laissera quelques repères sur le terrain et on ira de temps à autre contrôler si rien n’a bougé.

Sergio profita de leur divergence de vues pour mettre de l’huile sur le feu.

— C’est vrai, pourquoi pas agir tout de suite ? Chaque jour qui passe augmente le risque qu’ils découvrent l’ouverture.

Alex comprit où il voulait en venir.

— Ferme ta gueule, Sergio, et fais ce qu’on te dit.

Le carottage eut lieu le 28 décembre et plusieurs contrôles eurent lieu durant les jours suivants. Comme rien ne laissait supposer que la brèche avait été découverte, le braquage fut programmé pour le vendredi 20 janvier 1995.

Cinq véhicules avaient été préparés pour l’opération : deux Peugeot 405, une pour l’attaque, l’autre pour servir de leurre, un Toyota Land Cruiser pour Julie et deux Golf GTI pour le décrochage. Ces deux dernières avaient été garées à l’aube sur l’aire de Halle, le long du Ring en direction de Paris, à un kilomètre à vol d’oiseau du lieu du braquage.

Peu avant 8 heures, Julie arrêta le Toyota au sommet de la côte, à l’entrée d’un chemin forestier qui s’enfonçait dans le bois de Halle où était la voiture leurre, cinq cents mètres plus loin.

Elle prit les jumelles, descendit de voiture et alla se poster derrière un massif d’arbres. Elle avait senti la nervosité qui régnait avant le départ. La trêve de l’été et les facteurs de risques supplémentaires avaient décuplé la tension.

Alors que le jour commençait à peine à se lever, le fourgon apparut au pied de la côte. Elle attendit qu’il franchisse le premier repère. Lorsqu’il parvint au deuxième, elle prit le talkie-walkie.

— Alpha.

Dans quelques secondes, elle verrait passer Franck et Alex à sa hauteur. Ils descendraient la route à cent kilomètres heure et pileraient face au fourgon, quatre cents mètres plus bas.

— Bravo.

À cet instant, elle vit passer la Peugeot.

Franck donna un bref coup de klaxon. Bien qu’il ne puisse la voir, elle lui adressa un signe de la main avant de retourner à ses jumelles.