Выбрать главу

Leur mésaventure de janvier les avait confortés dans leur choix. La bastide était située à l’écart du village. Il fallait quitter la route départementale et parcourir un chemin étroit sur un kilomètre pour parvenir à l’entrée de la propriété. De là, une allée caillouteuse menait à la première dépendance.

La situation permettait d’habiter la maison sans attirer l’attention. La présence d’occupants serait d’autant plus discrète une fois les garages aménagés.

La première rencontre depuis le braquage raté eut lieu en octobre, dans l’arrière-salle du restaurant de Sergio, le jour de fermeture hebdomadaire. Pour l’occasion, il avait demandé à son chef de venir et de mettre les petits plats dans les grands.

Laurent était conscient qu’il était le plus exposé des cinq. La police détenait ses empreintes et le moindre accroc le précipiterait en prison.

D’entrée de jeu, il avait pris l’initiative de dissiper le malaise latent.

— De mon côté, vous ne risquez rien. Si les flics me chopent, jamais, je dis bien jamais, je ne lâcherai vos noms. Je peux vous le jurer.

L’annonce avait été accueillie par un silence respectueux.

Suite à cette déclaration, le repas avait pris la forme de joyeuses retrouvailles entre amis. L’ambiance était décontractée et l’antipathie qui animait Sergio et Laurent avait fait place à des évocations humoristiques de leurs échanges acerbes.

Avant de se quitter, ils reconnurent que l’inaction leur pesait et qu’ils étaient en manque d’adrénaline.

Franck ouvrit une perspective.

— En tout cas, les fourgons, c’est terminé, mais je propose de rester attentif. Si l’un d’entre nous flaire un coup juteux, on en reparle.

Le samedi 20 janvier 1996, un an jour pour jour après la déroute de Halle, Laurent invita les membres de la bande au Comme chez Soi, l’un des meilleurs restaurants de la capitale. Pour une raison inconnue, il demanda aux hommes de revêtir une tenue de businessman et Julie était priée d’arborer le look d’une présidente de groupe international.

Il n’en fallait pas plus pour que Franck, amusé, s’offre une visite dans les boutiques bruxelloises et en ressorte avec un costume Brioni et un ensemble Chanel pour Julie.

Les mets furent succulents, le vin généreux et l’addition vertigineuse.

Laurent attendit la fin du repas pour dévoiler l’objet de la rencontre.

— Vous vous demandez pourquoi je vous ai invités ?

Les autres acquiescèrent.

— Comme vous le savez, je me suis lancé dans la vente de vins. Le marché des vins français étant plutôt saturé, je me suis spécialisé dans les vins italiens et suisses, et mes affaires marchent plutôt bien.

Sergio s’impatienta.

— Accouche.

Laurent lui adressa un clin d’œil.

— Minute, Pomodore. Pour cette raison, je vais souvent en Suisse pour acheter des lots, surtout dans le Valais. Je peux vous parler des cépages, si vous voulez, le cornalin, l’amigne, la petite arvine.

Franck, Alex et Sergio soupirèrent en chœur.

L’impatience des trois hommes amusait Julie.

— J’ai deviné. Tu as rencontré une Suissesse ?

Laurent ouvrit de grands yeux.

— Exactement.

Franck le titilla.

— Raconte.

Laurent haussa les épaules.

— Pour tout dire, elle n’est pas très jolie et elle est un peu rondouillarde. Elle a deux ans de plus que moi et travaille dans une compagnie d’assurances. En plus, elle est mariée et a un enfant.

Sergio frappa du poing sur la table, incrédule.

— Qu’est-ce que tu fous avec cette connasse ?

— C’est le coup du siècle.

— Quoi ? Tu déconnes ? Tu nous as fait venir ici pour nous dire que tu baises un boudin suisse ?

Laurent leva les yeux au ciel.

— Quand je dis que c’est le coup du siècle, ce n’est pas de la nana dont je parle.

53

Les conséquences directes

Dans son édition du 9 mars 2013, la Télégazette, un hebdomadaire à gros tirage, publia un dossier qui revenait sur le casse de Zaventem, près de trois semaines après les événements.

Après avoir procédé à un rappel des faits, le chroniqueur faisait le point sur l’état de l’enquête et mettait l’accent sur la rapidité apparente dont les policiers avaient fait preuve. Le cadavre d’un des braqueurs avait été identifié et le deuxième ne tarderait pas à l’être.

Si les conjectures de la police se vérifiaient et que le deuxième corps était bien celui de Laurent Nagels, cela signifiait que les deux hommes avaient appartenu à la bande de Franck Jammet.

De plus, quelques pierres provenant du casse avaient été retrouvées à Genève et deux suspects, dont un avocat, étaient interrogés par la police suisse dans le cadre de cette même affaire.

Si ces résultats semblaient de prime abord encourageants, le journaliste tempérait l’optimisme affiché par les autorités.

Selon lui, le fait que la police suisse n’ait trouvé qu’une petite quantité de diamants laissait penser qu’il s’agissait plutôt d’un artifice destiné à brouiller les pistes.

Le rédacteur regrettait également que les enquêteurs se soient satisfaits de l’alibi avancé par Franck Jammet et n’aient pas approfondi leurs recherches.

Preuves à l’appui, il démontrait que Franck Jammet et sa compagne avaient suivi un stage de pilotage d’hélicoptère à Temploux, entre mars et juillet 1996. La photocopie d’un document précisait que l’apprentissage avait été réalisé sur un appareil de type Robinson R44.

Il rappelait par ailleurs qu’entre le moment où il avait été photographié à la station-service de Berchem, le lundi 18 février à 18 h 17, et son apparition dans les rues d’Oppède-le-Vieux le mardi 19 février en fin de matinée, Franck Jammet avait disparu de la circulation, soit un laps de temps de seize heures.

Après avoir formulé les réserves d’usage, le chroniqueur se lançait dans une extrapolation.

Selon son scénario, Franck Jammet aurait troqué son 4 × 4 contre la voiture d’un complice après avoir quitté la station-service luxembourgeoise. Il aurait demandé à ce dernier de se rendre dans le Lubéron en veillant à dissimuler son visage lors des passages aux péages.

Il aurait ensuite rejoint un hangar où était parqué un hélicoptère, le Grand-Duché étant réputé pour regorger d’endroits propices à cet usage.

Pour appuyer sa thèse, le rédacteur précisait que ce type d’appareil était facilement accessible sur le marché allemand de l’occasion, à des sommes variant entre cent cinquante et deux cent mille euros.

La vitesse de croisière d’un Robinson R44 s’élevant à près de deux cent vingt kilomètres heure, Franck Jammet aurait rejoint Zaventem en une heure, ce qui lui aurait permis de participer au braquage.

Peu après l’attaque, il aurait quitté les lieux et parcouru les mille kilomètres qui séparent Zaventem de son domicile d’Oppède-le-Vieux en organisant un ravitaillement à mi-chemin. De la sorte, il serait arrivé dans le Lubéron avant le lever du jour.

Pour assurer cet alibi, Franck Jammet aurait confié la préparation du braquage à Alex Grozdanovic et ne serait venu que pour le finaliser. Cette supervision insuffisante expliquerait la confusion qui avait suivi le braquage.

En effet, Franck Jammet avait bâti sa réputation sur le soin qu’il portait aux moindres détails de ses opérations.

La peur d’être une nouvelle fois arrêté et incarcéré l’aurait poussé à la faute. La disparition du butin et le règlement de comptes en seraient les conséquences directes.