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Tout en tenant en respect les gardiens et les policiers chargés de l’escorte, ils firent sortir Alex des débris du fourgon. Il était commotionné, mais indemne.

L’un des hommes le prit à bras-le-corps et le chargea sur ses épaules. Ils se faufilèrent entre les voitures, enjambèrent le muret central et montèrent dans un puissant tout-terrain qui les attendait sur la voie opposée.

La police boucla aussitôt le quartier, mais les fugitifs réussirent à leur échapper.

Quelques jours plus tard, Franck se rendit dans le centre de Bruxelles en veillant à ne pas être suivi. Il fit plusieurs fois le tour du quartier avant de garer sa voiture dans le parking de la Toison d’or. Il remonta à pied la rue des Chevaliers et continua dans la rue Keyenveld.

Il se retourna pour voir si personne n’était en vue et sonna au numéro 16.

Un homme trapu d’une cinquantaine d’années lui ouvrit la porte et s’écarta pour lui céder le passage. Il le guida vers le premier étage où Alex l’attendait, les bras ouverts.

Ils s’étreignirent longuement.

Franck recula d’un pas.

— Maintenant, explique-moi.

Alex avait mauvaise mine.

— Ma mère va mourir. Il fallait que je la voie une dernière fois.

— Désolé, je ne savais pas. Tu aurais pu demander une visite.

— Ils ne l’auraient pas accordée. Et s’ils me l’avaient accordée, je me voyais mal retourner en taule après lui avoir dit adieu.

Ils entrèrent dans une petite pièce meublée d’une table, de quatre chaises et d’un matelas jeté dans un coin. De toute évidence, il s’agissait d’une planque temporaire.

Ils s’assirent autour de la table. L’homme qui avait ouvert était monté, mais restait à l’écart.

Franck le désigna du pouce.

— D’où ils viennent, les mecs qui t’ont fait sortir ?

— C’est eux qui me l’ont proposé. Enfin lui, surtout.

— C’est qui, lui ?

— Je vais te le présenter.

L’homme avança.

Alex força un sourire.

— Je te présente mon père. Il s’appelle Huzo, mais tout le monde l’appelle Pépé. Il ne s’est pas improvisé braqueur de fourgon cellulaire. Il n’en est pas à son premier coup.

Franck se leva et lui tendit la main.

— Enchanté.

L’homme lui broya les phalanges.

— Très heureux.

Il parlait d’une voix grave.

Franck s’adressa à Alex en se massant la main.

— Comme dit le proverbe, le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre.

64

Le reste de mes jours

Après avoir terminé son verre, le dénommé Pépé se racle la gorge et me regarde dans le blanc des yeux.

— On était huit.

La voix est âpre, rauque.

— À part Alex et son ami, la police ne sait pas qui sont les six autres. Ils le sauront bientôt. Quelques heures, quelques jours. Je ne sais pas.

Il roule ses « r » et parle d’un ton posé, comme un médecin qui annonce à son patient qu’il est atteint d’un cancer incurable.

— On s’est retrouvés après, pas loin de l’aéroport. J’ai mis le feu à l’Audi. Les flics n’ont pas encore retrouvé la carcasse. Quels idiots, elle est sous leurs yeux ! Alex et Laurent ont gardé le Vito. Les flics croyaient qu’il brûlait à Zellik. Nous, on est repartis dans deux autres voitures.

Il s’arrête, regarde ses mains.

Dire qu’on entendrait voler une mouche ne serait pas excessif.

— Alex devait m’appeler dans la soirée.

Il reprend son souffle avant de poursuivre.

— Il devait m’appeler et me dire que tout s’était bien passé. Il devait déposer les pierres au hangar, laisser le Vito et filer. Il n’a pas téléphoné. J’ai compris qu’il y avait eu un problème.

Les images repassent dans sa tête.

— Je suis allé là-bas. Alex et Laurent n’y étaient pas. Le Vito avait disparu. Il y avait des traces de balles sur les murs et du sang partout.

Il serre les poings.

— Alex était suivi depuis un bon bout de temps. Ils savaient où était le hangar. Ils ont attendu là-bas pendant qu’on faisait le boulot. Quand Alex et Laurent sont arrivés, ils ont pris les cailloux et les ont tués.

Je suis tendu comme un arc.

— Ils auraient pu foutre le camp. Mais ils ont mis les corps dans le Vito. Ils savaient où aller. Le chemin n’est pas loin. Ils ont vidé un jerrycan d’essence et l’un d’eux a jeté une allumette.

Il baisse le ton, murmure presque.

— Je veux savoir qui a fait ça et votre client va me le dire. Je le jure devant Dieu.

Il se lève, me lance un regard menaçant et prend la direction de la sortie.

Je reste cloué dans mon fauteuil.

Cette colère rentrée est plus impressionnante que certains affrontements ouverts auxquels j’ai eu l’occasion d’assister.

Jammet attend que la porte se soit refermée.

— Je vous ressers ?

Je libère les vingt mètres cubes d’air qui encombrent mes poumons.

— Vous pouvez m’expliquer ce que je fais ici ?

Sans se départir de son calme, il vide le reste du vin dans nos verres.

— Ses comparses sont dans le même état d’esprit que lui. Tout le monde s’est fait flouer dans cette histoire.

— Vous n’avez pas répondu à ma question. Si vous n’avez rien à voir dans cette affaire, je n’ai rien à y voir non plus. Qu’attendez-vous de moi ?

Il fait tourner le vin dans son verre et l’avale d’un trait.

— J’irai droit au but. Vous avez un choix à faire : vous aidez Pépé ou vous ne l’aidez pas.

Ce jeu de pistes commence à m’énerver.

— L’aider, qu’est-ce que ça veut dire ? Comment ?

— Vous saurez à l’avance quand aura lieu le transfert de Bachir.

Je masque ma stupéfaction.

Malgré mes longues années d’expérience, je suis pris en flagrant délit d’ingénuité.

Ce n’est pas une protection que veut Akim, mais une évasion en bonne et due forme. Il est persuadé que les hommes qui ont aidé Alex autrefois vont se mettre à son service. Jammet l’a compris, il n’est pas aussi naïf que moi.

Ma surprise se mue en colère.

— Vous rigolez ? Vous voulez que je lui donne la date du transfert de Bachir pour qu’il puisse le faire évader ? Je suis avocat, je n’ai aucune intention de me rendre complice d’une évasion.

Il garde un calme olympien.

— Si vous l’aidez, je peux vous donner une garantie.

— De quoi parlez-vous ?

— Je peux vous donner la garantie que Pépé lui laissera la vie sauve. Aucun mal ne lui sera fait. Quand il aura dit ce qu’on attend de lui, il recevra de nouveaux papiers et il pourra quitter la Belgique.

Je me lève, exaspéré.

— Vous savez ce que vous me demandez ? De me suicider professionnellement.

Il se lève à son tour.

Pour masquer sa nervosité, il prend un tisonnier et attise le feu.

— Si vous refusez, il se passera de vous. Il est capable de débarquer à Saint-Pierre avec ses hommes et de déclencher un massacre. Ils l’enlèveront et le feront parler. Pépé est persuadé que le premier violon fait partie des assassins de son fils. Quand Bachir aura parlé, il n’aura plus besoin de lui et l’éliminera comme le traître qu’il est à ses yeux.

À voir la détermination du Pépé, je ne doute pas de ce qu’il avance.

— En deux mots, si je l’aide, il laisse Bachir en vie, si je ne l’aide pas, il le tue. J’appelle ça un chantage.

Il me répond du tac au tac.

— Moi, j’appelle ça un moindre mal. Pépé a débarqué ici comme un fou. Il était prêt à tuer la Terre entière. J’ai dû déployer des trésors de patience pour parvenir à le calmer. En fin de compte, il m’a promis qu’il laisserait la vie sauve à Bachir si vous l’aidez.