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— Il vous a également promis qu’il laisserait la vie sauve à l’assassin de son fils ?

La question l’embarrasse.

— C’est une affaire entre eux.

Je cherche une échappatoire.

— Pourquoi jouez-vous au médiateur ? Vous ne connaissez pas Bachir, vous vous fichez de ce qu’ils vont lui faire.

Il hausse les épaules.

— Bachir est un pion, il ne mérite pas la mort. Alex et moi avions un code d’honneur. Ceux qui travaillaient avec nous devaient le respecter. Jamais une goutte de sang ne devait couler. Nos armes n’étaient jamais chargées à balles réelles. Lors de son évasion, son flingue était chargé à blanc. En lui rappelant ces règles, je suis parvenu à le raisonner. Il ne fera pas couler de sang inutile, mais pour les assassins d’Alex, je ne peux rien faire.

— Il a cité Dieu, tout à l’heure. Ce n’est pas à Dieu qu’il appartient de juger les hommes ?

Il grimace un sourire.

— Il est certainement d’accord sur le principe. Il vous dira que son rôle est d’organiser la rencontre.

— Et vous, si vous trouvez le chef d’orchestre, vous comptez respecter votre code d’honneur ?

Il me regarde droit dans les yeux.

— Je peux vous le jurer. Pépé a ses méthodes, j’ai les miennes.

Je suis fait comme un rat.

Si je refuse d’aider Pépé, j’envoie Bachir à une mort certaine. Si j’accepte de l’aider, j’enfreins les règles fondamentales de ma profession et je deviens un avocat véreux. Dans les deux cas, je m’en voudrai pour le reste de mes jours.

65

On a besoin de toi

Quelques jours après leur brève rencontre dans la planque de la rue Keyenveld, Alex prit la route vers la France. Il prétendait que Paris était l’endroit idéal pour les fugitifs, les criminels recherchés et les détenus en cavale.

— Là-bas, les flics ne savent pas qui je suis. Paris est la plus belle ville du monde et les Parisiennes sont les nanas les plus bandantes de la planète. Tu viendras me dire bonjour de temps en temps, je t’en mettrai une de côté. En plus, j’aurai un chouette appart, Pépé en a acheté plusieurs avec le fric de ses casses.

Le père d’Alex n’était pas un braqueur de la même envergure qu’eux.

Les attaques de fourgons et les coups de haute volée n’étaient pas son domaine de prédilection. L’argent-papier ne l’intéressait pas, il soutenait que c’était encombrant, délicat à transporter et périssable. Il avait une préférence pour les bijoux, les montres haut de gamme et les pierres précieuses.

Pour prouver le bien-fondé de ses arguments, il avait demandé à Alex quelle était la meilleure façon de se promener avec cent mille dollars sans se faire prendre. Après avoir démonté les différentes options qu’Alex lui proposait, il avait pris un diamant entre son pouce et son index et l’avait avalé.

— Tu peux le mettre autre part, si tu veux. Essaie de faire la même chose avec une valise pleine de billets.

Selon ses dires, il aurait braqué avec succès une quinzaine de bijouteries, tant en Belgique qu’à l’étranger.

Il disait s’appuyer sur une équipe fiable et une grande rapidité d’action. De plus, il connaissait les filières pour écouler la marchandise.

Alex rejoignit aussitôt sa bande. Auréolé par sa réputation et ses antécédents, il leur proposa de revoir leurs ambitions à la hausse et d’adapter leur mode opératoire en conséquence.

Comme il s’y attendait, sa suggestion fit l’unanimité.

La première opération qu’il dirigea fut le braquage d’une bijouterie de luxe située place Vendôme, à Paris.

Le 6 juillet, en fin de matinée, il se présenta à l’entrée de la joaillerie, habillé avec élégance. Dès que l’accès fut déverrouillé, il entra dans la boutique et maintint la porte entrebâillée. Dans l’instant, Pépé et six hommes se ruèrent à l’intérieur, armés de haches, de pieds-de-biche et de pioches.

Pendant qu’Alex tenait les employés en respect avec une arme de poing, ils s’attaquèrent aux vitrines à grands coups de barres de fer. En moins de deux minutes, ils firent main basse sur de nombreuses pièces prestigieuses qu’ils firent disparaître dans de grands sacs de toile.

Ils prirent la fuite en se dispersant, chacun partant dans une direction différente. Deux autres complices couvrirent leur retraite à l’aide de bombes fumigènes.

Le butin fut évalué à huit cent mille francs. Pépé l’estima à deux millions.

Fort de ce succès, Alex prit contact avec Franck et lui proposa de se joindre à eux.

— Ces types n’ont peur de rien, ils sont prêts à tout. Avec toi, on peut monter en puissance et envisager des gros coups.

Franck l’avait écouté jusqu’au bout avant de lui donner sa réponse.

— Désolé, ce sera sans moi. Si ces types sont prêts à tout, ça tournera mal un jour ou l’autre. En plus, tu sais que je ne travaillerai jamais sous les ordres de quelqu’un.

Il s’abstint de lui donner les véritables raisons de son refus.

Il trouvait que le braquage de la place Vendôme était loin d’être glorieux. L’intervention ressemblait plus à un déferlement de barbares qu’à un braquage de haut vol. De plus, il n’avait qu’une confiance limitée en Pépé, qu’il voyait comme un excité de la gâchette. Pour finir, il ne voulait pas avouer à son ami qu’il se sentait bien dans sa nouvelle vie.

Même s’il était encore dans leur collimateur, la police et les journalistes le laissaient tranquille.

Au niveau professionnel, Vert d’experts se portait à merveille. Il venait d’ouvrir une succursale à Liège, il employait une soixantaine de personnes et donnait satisfaction à une quarantaine de clients, dont neuf administrations communales.

En outre, Antoine était devenu sa priorité. Il ne voulait pas que son fils ait un père en prison et connaisse les affres des visites au carreau.

Fin juillet, il partit à Oppède-le-Vieux avec Julie et Antoine.

Ils passèrent six semaines faites de travaux dans la maison, de farniente, de soleil, de soirées au calme et de jeux avec Antoine.

Julie était heureuse, détendue, épanouie par sa maternité.

Lors d’un passage à Avignon, il fit l’acquisition d’un demi-queue Schimmel d’occasion. Dès la semaine suivante, le piano trônait dans le salon et il travaillait les dernières sonates de Beethoven, les plus riches et les plus complexes. Sa fibre artistique, son attachement à Julie et son statut de père avaient pris le dessus sur son âme d’aventurier.

Vingt mois plus tard, le 30 avril 2001, Laurent fut libéré.

Franck vint le chercher à sa sortie de prison et l’accueillit chez lui en attendant qu’il retrouve ses marques.

Très rapidement, il comprit que la prison ne l’avait pas découragé. Le premier soir, il avait attendu que Julie s’éclipse pendant quelques instants pour adopter un ton de connivence.

— Alors, vous êtes sur quoi pour l’instant ?

La réponse de Franck l’avait refroidi.

— Je m’occupe de mon entreprise et de mon fils. Alex est à Paris. On parle régulièrement de ses exploits dans les journaux.

Il avait grimacé.

— Dans ce cas, je crois que je vais aller lui dire bonjour. J’ai toujours adoré cette ville.

Dès la semaine suivante, Laurent rejoignit Alex dans la capitale française. Ce dernier le présenta à Pépé et à ses équipiers.

S’ils se montrèrent imperméables à ses pitreries et à son humour caustique, ses connaissances en explosifs leur firent entrevoir des perspectives prometteuses.