Le 4 juin 2001, à 5 heures du matin, Alex et sa bande attaquèrent le centre-fort d’une société de transports de fonds à Orly-Ville. Dans un premier temps, Laurent fit sauter la porte d’entrée du bâtiment où l’on triait l’argent. Pendant qu’Alex, Pépé et cinq hommes se chargeaient de neutraliser les employés présents, il ouvrit le coffre-fort à l’aide d’une charge de semtex.
L’explosion balaya la salle et Pépé entra en premier dans la chambre forte. Cette fois, il ne fit pas la fine bouche devant les liasses de billets. Trois hommes le rejoignirent et entassèrent l’argent dans des sacs de sport.
Alors qu’ils prenaient la fuite, l’un des gardiens s’empara de son arme de service et tenta de s’interposer. Pépé ouvrit le feu sans hésiter et l’homme fut atteint à l’épaule.
Six jours plus tard, Pépé, Alex et Laurent, habillés de salopettes blanches de peintres, firent irruption dans l’étude d’un commissaire-priseur, située dans le 9e arrondissement.
Alex et Pépé ordonnèrent aux employés de se mettre à plat ventre, tandis que Laurent fixait une charge sur la porte du coffre-fort. Ils raflèrent plusieurs parures de diamants destinées à une vente aux enchères.
Les assurances estimèrent le montant du vol à six millions d’euros.
Le 31 décembre 2001, Alex et Laurent se rendirent à Oppède-le-Vieux. Franck les avait invités à venir fêter la nouvelle année et les trois ans d’Antoine.
Alex, dont la tête était mise à prix par la police, multiplia les précautions pour que son arrivée passe inaperçue. Laurent en fit de même. Il était soupçonné d’être l’un des complices d’Alex, conjecture d’autant plus fondée qu’il avait disparu de la circulation dès sa sortie de prison.
Julie était heureuse de les revoir, mais elle les trouva tendus et ténébreux. Les années de prison et les récents braquages les avaient endurcis.
Pendant le repas, l’atmosphère se détendit peu à peu et ils parlèrent du bon vieux temps. Après les effusions de minuit et quelques coupes de champagne, Julie partit se coucher.
Alex se racla la gorge et entra dans le vif du sujet.
— Franck, nous avons besoin de toi.
Franck pensait qu’il s’agissait d’une plaisanterie.
— Je vois où tu veux en venir. Pas question. En plus, il n’y a pas de bordel au village.
Alex prit un ton sérieux.
— Je ne déconne pas.
— D’accord. Je t’écoute.
— Tu as déjà entendu parler du Diamond Center ?
— Le centre diamantaire, à Anvers ?
— Exactement. À première vue, c’est un immeuble insignifiant. Tu pourrais passer cent fois devant sans le remarquer. Le plus grand complexe du quartier des diamantaires se trouve dans cet immeuble. Les dix étages sont occupés par des courtiers, des grossistes et des négociants en diams. Au deuxième sous-sol se trouve la salle des coffres. Au bas mot, il y a là-dedans deux cents coffres bourrés de diams, de quoi remplir une piscine.
Malgré lui, Franck ressentit l’excitation qui montait.
— Continue.
— Nous avons un cheval de Troie dans la place. Le type à qui Pépé fourgue ses cailloux loue un bureau dans cet immeuble. Je l’ai rencontré, on a un peu parlé et l’idée est venue.
Franck leva les yeux au ciel.
— L’idée de forcer la salle des coffres ?
Alex ouvrit de grands yeux.
— Yes ! Et de rafler la mise.
Franck se fit cynique.
— Avec des pioches, des marteaux et des pieds-de-biche ? C’est Fort Knox, ce truc, non ?
— Ni pioches ni pieds-de-biche. Laurent va t’expliquer.
Laurent déplia plusieurs feuilles de papier.
— Je te fais le topo. Le contact de Pépé a un coffre là-bas, ce qui lui permet de voir comment ça se présente. L’immeuble se trouve dans une ruelle sécurisée du quartier des diamantaires.
Il montra l’emplacement sur le croquis.
— On a compté quatre-vingts caméras dans la rue, plus celles qu’on a sans doute loupées. Trente poulets en uniforme et en civil patrouillent en permanence dans le quartier. Un poste de police est implanté à vingt mètres de l’immeuble. Deux flics y sont de faction vingt-quatre heures sur vingt-quatre et des plots empêchent les voitures non autorisées d’entrer dans la rue.
Franck se pencha sur le croquis.
— Comment font les locataires pour entrer dans ce bunker ?
— Ils ont un badge magnétique. Chaque entrée est filmée. Le centre occupe dix agents de sécurité à temps plein.
Franck émit un sifflement.
— Ça se présente bien. Le pire reste à venir, je suppose. Parle-moi de la salle des coffres.
Les compères échangèrent un regard entendu.
Alex s’empara d’une photo.
— Voilà la bête. Elle n’est accessible que pendant les jours ouvrables et le centre est fermé le week-end. Le blindage de la porte a une épaisseur de soixante centimètres. Des contacts magnétiques sont fixés sur la porte, une ouverture anormale déclenche une alarme. Seuls les gardiens possèdent la clé et connaissent la combinaison.
Franck l’interrompit.
— Elle ressemble à quoi, la clé ?
— Fabrication spéciale, on oublie la contrefaçon.
— La combinaison ?
— Une molette de comptage à cent positions.
— Tout va bien. Tu as d’autres nouvelles réjouissantes ?
— Six caméras couvrent les angles du hall qui conduit à la salle des coffres. Dans ce hall se trouvent également des détecteurs de mouvements, des détecteurs de chaleur et des détecteurs de lumière.
Franck éclata de rire.
— La totale. Il manque les dobermans.
Alex secoua la tête.
— Qu’est-ce que tu en penses ?
— Je pense que c’est un coup phénoménal et qu’il y a une chance sur deux cent mille de le réussir.
Alex et Laurent répondirent en chœur, sans sourire.
— C’est pour ça qu’on a besoin de toi.
66
Le goût de la défaite
Le dilemme est une situation où il faut choisir entre deux possibilités contradictoires qui comprennent toutes deux des désavantages.
La définition m’est revenue cette nuit, je l’avais étudiée pendant mon cursus de droit.
— Café ou thé ?
— Café.
La maison est silencieuse. Il est à peine 6 heures, le jour n’est pas encore levé.
Jammet me sert un café brûlant dans un grand bol.
— Départ dans un quart d’heure. Il faut compter quarante-cinq minutes pour Avignon, un peu plus pour moi, vous savez que je roule lentement.
— Mes valises sont prêtes.
Il me sourit, pour la forme.
La nuit était censée me porter conseil. Les heures de veille que je viens d’endurer font mentir le dicton. J’ai tourné et retourné cent fois la question sans parvenir à sortir de l’impasse.
Une chose est sûre, je dois refuser d’aider Pépé. Je trahirais le serment que j’ai fait et que je respecte depuis.
Je jure fidélité au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du Peuple belge, de ne point m’écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités publiques, de ne conseiller ou défendre aucune cause que je ne croirai pas juste en mon âme et conscience.
De plus, je piétinerais les règles de déontologie qui parlent de l’indépendance, de la loyauté et du secret professionnel que l’on est en droit d’attendre de tout avocat. En divulguant la date du transfert d’Akim, je rejoindrais Francis Lambotte dans le cercle fermé des avocats pourris.
Une autre chose est tout aussi sûre, je ne peux pas refuser d’aider Pépé. Ce cinglé serait capable d’intervenir dans les heures qui viennent, de faire parler Bachir et de l’éliminer dans la foulée. Hormis jouer à la balance et prévenir les flics pour qu’ils renforcent la surveillance, je ne pourrais rien faire pour les en empêcher.