Выбрать главу

En refusant, je condamne Akim d’une autre manière. Les détenus se chargeront de lui, quelle que soit la prison où il sera transféré.

Dans les deux cas, Bachir est un homme mort.

Lui donner la date du transfert de Bachir ne suffira pas. Je ne suis pas dupe. Ma mission ne s’arrêtera pas là. J’aurai encore un rôle à jouer. Je devrai prévenir Bachir, lui transmettre des instructions, lui dire où et quand aura lieu l’intervention, lui donner des consignes de sécurité, préparer le terrain, m’impliquer jusqu’à la moelle.

— J’ai mis des croissants au four. Vous en voulez ?

Je secoue la tête.

— Non merci, je n’ai pas faim.

Hier soir non plus, je n’ai pas réussi à avaler grand-chose.

Nous n’avons pas eu l’honneur d’avoir Pépé à notre table. Jammet n’a pas justifié son absence et il ne me serait pas venu à l’idée de réclamer sa venue.

Dans d’autres circonstances, j’aurais apprécié le repas. Julie est une femme charmante, drôle et pétillante. Pendant le dîner, elle a remarqué qu’un changement s’était opéré dans mon attitude.

Elle ne connaît sûrement pas le fin mot de l’histoire, mais à force de côtoyer Jammet, elle a acquis une certaine habitude des situations de tension.

Il me lance un clin d’œil.

— Vous voulez que je vous en prépare pour la route ? Vous devez vous taper cinq heures de train, vous allez être mort de faim.

— Je mangerai à Bruxelles.

Privé de sa console, Antoine s’est montré curieux, drôle et cultivé. Le métier d’avocat le passionne. Il aimerait suivre des études de droit.

À la fin du repas, Jammet m’a conduit à ma chambre.

— Il est trop tard pour voir les jardins et les annexes. Vous les verrez une autre fois.

Une autre fois ?

Je ne suis pas pressé de revenir.

Sur le chemin, il m’a brossé l’inventaire des travaux qu’il a réalisés. Un nœud dans le ventre, l’esprit embrouillé, j’ai fait mine de m’intéresser à son récit. En écoutant son discours en bruit de fond, je me torturais les méninges pour chercher à me sortir de ce dilemme.

— Vous avez réfléchi à la question que je vous ai posée hier. Nous pouvons compter sur vous, oui ou non ?

Je sors de ma torpeur.

Comme si un inconnu parlait en mon nom, je m’entends sceller le pacte de ma trahison.

— Je vous communiquerai la date.

En mon for intérieur, j’espère qu’une solution à laquelle je n’ai pas pensé viendra illuminer les ténèbres.

Il hoche la tête en signe d’approbation.

— C’est noté.

Il a obtenu ce qu’il voulait. Qu’importe le bourbier dans lequel il me plonge.

Je tente un baroud d’honneur.

— Vous m’avez demandé de choisir entre la peste et le choléra. Qu’auriez-vous fait à ma place ?

Il se penche vers moi.

— Je suis conscient que je vous mets dans une merde pas possible. Derrière Pépé, il y a cinq enragés qui sont prêts à tout pour venger Alex et laver l’affront qu’ils ont subi. J’ai retourné le problème dans tous les sens. C’est la solution la moins mauvaise que j’ai trouvée.

Je le regarde au fond des yeux.

J’y lis un mélange de détermination et d’embarras. Cette situation lui empoisonne la vie autant que moi.

— Je vous crois.

Il se relève.

— Je vous sers encore un café ?

— Non merci.

Le premier m’a laissé un mauvais goût dans la bouche. Un goût qui ne m’est pas familier.

Le goût de la défaite.

67

Le cadavre d’un chat

Le dimanche 10 mars 2013, la police fédérale fit deux découvertes majeures dans le cadre de l’enquête sur le casse de Zaventem.

En fin de matinée, deux adolescents qui se promenaient à vélo dans les sentiers du Hellebos tombèrent sur la carcasse calcinée d’une voiture. Le véhicule était dissimulé dans la cour intérieure d’un manège laissé à l’abandon, à l’entrée du village de Perk, à un kilomètre à vol d’oiseau de la tour de contrôle de l’aéroport et à moins de trois cents mètres d’un poste de police.

Dépêchés sur place, les enquêteurs constatèrent que le véhicule était l’Audi S8 qui avait servi lors de l’attaque du 18 février.

Ils relevèrent de nombreuses traces de pneus imprimées dans la terre de la cour, ce qui indiquait que plusieurs véhicules s’étaient rendus à cet endroit peu accessible.

Ils en déduisirent que la cour du manège avait servi de point de chute aux braqueurs après le casse. Sa situation isolée et sa proximité avec l’aéroport en faisaient un emplacement idéal.

D’après eux, les malfrats avaient mis le feu à l’Audi avant de repartir avec trois autres véhicules dont le Mercedes Vito qui avait été retrouvé incendié à Tubize le 26 février.

Dans l’après-midi, à cinquante kilomètres de là, une équipe de la police judiciaire força la porte d’un hangar situé près du barrage de Ronquières.

Ils y trouvèrent une BMW 730 qui avait été volée le 16 février à Bruxelles et une Ford S Max immatriculée au nom du propriétaire du hangar, un homme suspecté de faire partie de la bande à Huzo Grozdanovic, dit Pépé, auteur de nombreux braquages et père d’Alex Grozdanovic.

Dans le coffre de la S Max, ils trouvèrent un lot de fausses plaques d’immatriculation, des gyrophares, des cagoules, des gants et des gilets pare-balles.

Dans une autre partie du hangar, ils mirent la main sur un véritable arsenal : des fusils d’assaut Kalachnikov, des fusils à pompe, des pistolets-mitrailleurs, des grenades à plâtre, de nombreuses munitions et deux kilos de semtex.

Ils remarquèrent que les parois du hangar étaient constellées d’impacts de balles. Des traces de sang sur le sol témoignaient d’un échange de tir nourri.

Le hangar se trouvait à quelques centaines de mètres de l’endroit où l’on avait retrouvé les deux corps dans la camionnette Mercedes. Les enquêteurs en déduisirent que les deux hommes avaient été tués dans l’entrepôt avant d’être transportés à Tubize.

Une équipe de la police judiciaire se rendit au domicile du propriétaire dans la soirée. Ils n’y trouvèrent que le cadavre d’un chat.

68

Ni violence ni haine

Le lundi 17 février 2003, la presse rivalisa de superlatifs pour annoncer le casse qui s’était produit au Diamond Center d’Anvers dans la nuit du 15 au 16.

Si quelques titres mirent l’accent sur l’habileté dont les auteurs avaient fait preuve, la plupart se focalisèrent sur le butin astronomique, qui dépassait les cent millions d’euros.

Franck n’avait pas choisi cette date sans raison. Après une année de préparation, il aurait pu lancer l’opération dès le mois de janvier. Malgré l’insistance d’Alex et de Pépé, il avait refusé de précipiter les choses.

À intervalles réguliers, il avait dû leur rappeler qu’il n’avait accepté de sortir de sa retraite que s’il pouvait monter le coup de A à Z.

Le vendredi 14, il avait réuni l’équipe dans l’appartement de Léonard Finkel, le contact de Pépé, l’homme qui louait un bureau au Diamond Center.

— Demain, Kim Clijsters et Justine Henin, les deux meilleures joueuses belges de tennis, s’affrontent en demi-finale d’un tournoi au Sportpaleis. Tout Anvers fera le déplacement ou passera la soirée devant la télé. La ville sera déserte. Nous lancerons l’opération à 22 heures.