Выбрать главу

Elle conclut son article en précisant que Franck Jammet était armé, dangereux, et lui prédisait une fin similaire à celle de Jacques Mesrine.

En colère après avoir lu l’article, Franck entama des recherches sur la journaliste. Plusieurs sites Internet parlaient de Christine Ferjac en des termes plutôt élogieux. Certains publiaient des photos d’elle. Brune, la quarantaine, elle était partie en guerre contre le crime organisé et saisissait la moindre occasion pour fustiger le laxisme de la police.

La semaine suivante, Franck retourna à Paris et planqua à proximité des bureaux du Parisien, à Saint-Ouen.

Après quelques jours, il avait cerné l’horaire de Christine Ferjac : elle arrivait le matin vers 10 heures et ressortait vers 13 heures pour prendre son déjeuner dans une brasserie située non loin de là. Le soir, elle quittait le bureau entre 20 et 21 heures.

Un midi, alors qu’elle déjeunait en prenant quelques notes, il s’assit en face d’elle.

Elle leva la tête et fixa l’inconnu aux cheveux longs et à la barbe fournie qui s’était invité sans son autorisation.

— Cette place est prise, monsieur.

Franck sourit.

— Non, Christine, ce midi, vous déjeunez avec moi.

Elle parut surprise, mais pas inquiète.

— Qui êtes-vous ?

— Votre ennemi public numéro 1, Franck Jammet.

Elle tressaillit, jeta un coup d’œil à gauche et à droite, mais garda son calme.

— Que voulez-vous ?

— Vous parler.

— Me parler de quoi ?

— Je n’ai rien à voir dans le braquage de Marseille. J’étais à l’autre bout de la France à cette heure-là.

Elle se détendit peu à peu.

— Je suis censée vous croire sur parole ?

— Si je prends le risque de venir vous parler en plein jour, ce n’est pas pour vous raconter des bobards.

Elle le dévisagea longuement.

— En tout cas, vous semblez porter une vraie barbe et de vrais cheveux. Si je m’en tiens aux faits, vous ne pouvez pas être le braqueur de Marseille. Pour ce coup-là, je vous crois. Pour le reste de votre œuvre, permettez-moi de douter.

— Je suis suspecté d’avoir participé au casse du Diamond Center, c’est tout ce que la police a sur moi.

— Parce que vous êtes intelligent.

Franck se contenta de sourire.

— Je peux vous laisser un message, Christine ?

— Un message qui doit rester entre nous ?

— Au contraire, il est à diffuser aux flics et à vos confrères. Dites-leur que je n’ai rien à voir dans le braquage de Marseille. Dites-leur que je suis contre les armes et que je n’ai jamais tiré sur personne. Si un jour les flics me coincent, qu’ils sachent que je ne serai pas armé. Inutile de me trouer la peau. Ça m’a fait plaisir de vous rencontrer, Christine, à bientôt.

Il se leva et quitta la brasserie.

Le lendemain, la journaliste publia un article dans lequel elle relata sa rencontre avec Franck Jammet et le contenu de leur bref échange.

Elle fit appel à une formule percutante pour résumer le message que Franck destinait aux policiers.

Jammet ne tue jamais Jamais ne tue Jammet

La réaction ne se fit pas attendre.

Une photo anthropométrique de Franck prise en 1997 par la police belge passa au journal télévisé du soir et fut affichée dans tous les commissariats de police du pays.

Malgré cela, Franck resta à Paris. Christine Ferjac avait eu l’élégance de ne pas révéler son changement d’apparence.

Sa cavale dura encore trente mois.

Trente mois faits d’incertitudes et de découragements. Plus d’une fois, il envisagea de se rendre pour répondre de ses actes devant la justice et en finir avec cette vie clandestine.

Le sort allait décider à sa place.

Le 28 mars 2008, alors qu’il sortait d’une brasserie, Franck repéra plusieurs policiers en civil qui faisaient le guet avenue Montaigne. Il retourna aussitôt dans l’établissement, se rassit et épia leurs allées et venues.

Les policiers regardaient dans une autre direction. Il en conclut qu’ils ne l’avaient pas localisé. Il ressortit, partit dans l’autre sens et tomba nez à nez avec un homme d’une cinquantaine d’années qui le fouilla du regard avant de porter la main à son ceinturon.

Franck comprit que ce n’était pas lui qu’ils cherchaient, mais qu’il venait d’être identifié. Il bouscula le policier et se mit à courir à toutes jambes.

Dans son dos, il entendit crier son nom et appeler des renforts.

Après un sprint de deux cents mètres, il déboucha rue Bayard et se mêla à un groupe qui stationnait devant la porte de l’immeuble de RTL.

Des sirènes hurlaient de tous côtés. Franck comprit que le quartier allait être bouclé et qu’il avait perdu la partie.

Il se fraya un passage dans la foule, trompa les gardiens et monta quatre à quatre les marches de l’escalier qui menait à l’étage de la rédaction. Il fit irruption dans une vaste salle occupée par une dizaine de bureaux et s’adressa aux journalistes.

— Je suis Franck Jammet, les flics sont derrière moi, je ne suis pas armé.

Il ôta sa veste pour prouver sa bonne foi.

L’un des journalistes approcha.

— On reste avec vous, vous ne risquez rien.

Plusieurs policiers de l’OCRB épaulés par des hommes du RAID investirent l’immeuble. Un quart d’heure plus tard, ils firent irruption dans le bureau. Deux des journalistes qui entouraient Franck allèrent au-devant d’eux et parlementèrent pendant quelques instants avant de lui adresser un signe d’apaisement.

Franck leva les mains et s’avança.

Le soir même, il fut placé sous mandat d’arrêt et incarcéré à la prison de la Santé.

Le 4 février 2009, il fut condamné à cinq ans de détention pour le braquage du fourgon à Marseille.

Durant sa détention, Christine Ferjac vint lui rendre visite plusieurs fois, mais il la dissuada de rédiger un article dénonçant l’erreur judiciaire dont il était victime.

Il fut libéré le 21 mars 2012, le jour de l’arrivée du printemps.

73

Nous revoir très bientôt

Cléopâtre m’a reconnu. Elle se met à hurler dès mon entrée dans le bureau.

Olga Simon lance un coup d’œil à sa perruche et remue la tête.

— Qui voilà ? Bonsoir, maître. J’ai cru que vous ne viendriez plus.

— Veuillez m’excuser, l’audience s’est terminée plus tard que prévu.

Comme je m’y attendais, elle n’est pas seule.

Un homme d’une quarantaine d’années est assis en face d’elle. Visage émacié, cheveux taillés en brosse, allure décontractée, il sent le flic à plein nez.

Olga Simon fait les présentations.

— Je vous présente le commissaire Jacques Labbé.

L’homme se lève et me tend la main.

La juge entame les mondanités sans prendre le temps de m’expliquer les raisons de sa présence.

— Comment se passe votre procès ?

— On est dans les temps. Cet après-midi a eu lieu l’audition des psychiatres et des psychologues. Demain, c’est la fin de l’instruction et le début des débats sur la culpabilité.

Par chance, elle ne m’a pas demandé comment s’était passé mon week-end. J’aurais éprouvé des difficultés à lui dire qu’il avait été idyllique.