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Moulin se roula subitement par terre, en hurlant.

— Merde, qu'est-ce qui se passe ? Où êtes-vous, Moulin ? cria l'inspecteur, se retournant et le cherchant à tâtons.

Infectés par une terreur invisible, Neil et Warren se paralysèrent.

— Ici, sur le sol !! J'ai une saloperie dans les cheveux !!

Ils respirèrent un peu, il leur avait fait une peur primale. Neil se pencha puis plongea sa main à l'écorce charnue dans sa chevelure.

— C'est une chauve-souris ! Elle s'est emmêlée dans ses cheveux ! Ne… ne bougez pas, vous allez faire pire que mieux !!

L'inspecteur s'approcha de l'oreille de Warren.

— Il a crié fort… Vous croyez qu'ils ont pu entendre ?

— Je… j'en sais rien… Mais de toute évidence, son cri a dû atteindre la ferme… Espérons qu'il n'y avait personne dehors…

— Bordel, elle m'arrache les cheveux !!

— Ne bougez pas, je la tiens, s'écria Neil en serrant les dents. Et gueulez moins fort, nom de Dieu !

Il attrapa le corps velouté de la cousine du vampire, tout en tentant de l'autre main de démêler les cheveux de ses griffes.

Mais une touffe rebelle était bien accrochée.

— Je vais tirer d'un coup sec… Essayez de ne pas trop crier ou mettez-vous la main devant la bouche. Attention… Un… deux… et trois…

Il arracha, et une bonne cinquantaine de cheveux se firent la malle au moment même où Moulin lâcha un cri étouffé.

L'oiseau aux oreilles démesurées s'envola avant de disparaître, couinant toute sa réserve d'ultrasons. Constellé de larmes, le jeune policier se dressa et sanglota silencieusement. En d'autres circonstances, cette histoire aurait pu prêter à rire…

6

Une demi-heure plus tard, ils atteignaient l'orée du bois, n'ayant plus qu'à traverser le champ et la route pour accéder au chemin de terre qui courait jusqu'au porche.

— Merde, mais il y avait une route juste ici, bordel, gronda Moulin. On aurait pu se garer plus en amont, et longer les champs !!

— Oui, mais ceux qui rentrent auraient pu voir la voiture, le calma l'inspecteur… Ils se seraient posé des questions…

Ils étaient tapis sur le sol, camouflés bien mieux que des bérets verts avec la boue qui leur couvrait le visage.

— Qu'est-ce qu'on fait, on y va ? S'impatienta Neil.

— Non, attendons quelques instants, ordonna l'inspecteur. Il faut que l'on prévoie un plan. Bon… Nous devons traverser cette parcelle de champ. Puis la route, et nous arrivons à l'entrée de la ferme. Je… n'y vois pas grand-chose… Vous vous souvenez comment c'est à l'intérieur, Warren ?

— Une fois sous le porche, il faut traverser la cour pour aller normalement dans le lieu d'habitation, chuchota-t-il, inquiété par la forêt qui ne se lassait pas de craquer derrière lui.

— Et dans la cour, on peut avancer sans être vu ?

— Euh… pas réellement. Il y a une espèce de grange à l'entrée, puis des bâtiments sur le côté… Un… un abattoir…

Moulin, qui continuait à avoir les yeux rivés dans le bois, paniqua de plus belle.

— Un… un abattoir ??

Immédiatement, il s'imagina sur une table de torture. Ces gens, avec leurs jambes coupées, leur cœur arraché… Le type qui faisait ça était là-dedans, et s'ils avaient le malheur de se faire prendre, Dieu seul sait les souffrances qu'il leur ferait endurer. L'inspecteur, qui voyait à la lueur de la Dame Blonde son visage fondre de peur, le raisonna.

— Allons Moulin, soyez fort, bordel ! Ne nous claquez pas dans les pattes maintenant, on a tous besoin les uns des autres. Nous y allons à quatre ou alors pas du tout… Vous êtes toujours avec nous ?

— O… oui, je… je vous suis, se força-t-il à répondre, constatant que de toute façon il ne pouvait plus faire marche arrière.

— Bon… Nous allons courir accroupis jusqu'au bord de la route… Il y a un fossé, on se rejoint là-dedans…

Il leva les yeux vers la maîtresse des marées, perchée haute dans le ciel. Heureusement que tu es là, toi, pour nous guider un peu…

Ils parlaient tous en éteignant leur voix.

— Je pars premier… Moulin, vous me suivez, puis Neil et Wallace… Allez, on y va…

Une fois la butte dévalée, il s'enfonça dans le champ gorgé d'eau de pluie. Le reste du groupe l'imita, chevauchant les ornières et évitant tant bien que mal les longues flaques parallèles. Un bruit de moteur se fit entendre, suivi par des phares qui pointèrent vers leur direction.

— Merde, baissez-vous !! cria l'inspecteur, dont le visage furtivement éclairé par le faisceau trahissait un complet désarroi.

Ils plongèrent dans la boue. Neil s'allongea dans une flaque et se retrouva trempé jusqu'aux os.

— Neil, ça va ? demanda Warren, qui avait le nez au ras de sa semelle ainsi que les deux mains enfoncées de dix centimètres dans la glaise.

— Pas terrible… Je suis gelé… Cette boue est si froide…

Warren n'avait plus que les dents de visibles, le reste était charbonneux et la gadoue s'appliquait à lui durcir le visage. Ils baissèrent la tête à la limite de manger de la terre. La boîte à croque-morts sortit du chemin qui bordait la ferme pour tourner vers la droite. Hors d'atteinte des phares, l'inspecteur releva le buste comme une marmotte.

— Regardez-moi ces fumiers… Ils… ils sont trois là-dedans… Ils sont partis… à la chasse…

Anesthésiés par le froid de l'eau et la bise glaciale qui s'était soudainement jointe à la partie, ils progressèrent péniblement jusqu'au fossé. Au loin, dès que le grondement du moteur fut inaudible, un autre naissait dans la direction opposée. Une aurore boréale, générée par les deux feux de croisement, se profila à l'horizon.

— En revoilà une, tout au fond, là-bas… Regardez… Elle va arriver… Baissez-vous !!

Ils s'embusquèrent en urgence, tout en laissant une moitié de front dépasser à la manière des indiens dans un mauvais western. Le quatre-roues s'approcha puis s'engagea dans l'allée. Les phares, qui éclairaient désormais en direction de la ferme, leur permirent de dresser un état des lieux.

— Bon, il n'y a qu'une seule voiture garée. Une simca…

— Oui, celle de Sam, compléta Warren, ôtant tout ce qu'il pouvait de boue sous ses yeux et sur son nez.

— Et avec celle-là, ça fait deux… Ils… ils sont deux dans cette bagnole… Celui qui sort porte un sac… Merde, ça y est, on n'y voit plus rien, ils ont éteint.

Deux portières claquèrent. Ils entendirent des sons graves, des voix d'hommes. Puis plus rien.

— Ça y est, ils sont entrés, souffla Sharko, crachant un mélange noirâtre.

— Qu'est-ce qu'on va faire, inspecteur ? s'inquiéta Warren.

— Ils sont au moins trois à l'intérieur. Nous avons trois revolvers… Moulin a le sien… Et moi, j'en ai deux… Vous savez utiliser ça, Warren ?

Il secoua la tête.

— Donnez, moi je sais, intervint Neil.

L'inspecteur lui tendit le revolver par le canon.

— Ça devrait aller, ajouta-t-il. Nous bénéficions de l'effet de surprise… Ils ne doivent pas avoir d'arme sur eux. L'autre fois, chez moi, ils n'avaient rien d'autre que des pavés et des couteaux… On va y aller…

Moulin, tétanisé, s'interposa.

— Attendez, inspecteur… Si ça sent le roussi, on fait quoi ? Je… je veux dire, si on doit fuir…

— On… on ne doit pas se quitter… Mais si ça devait arriver, direction le bois… On essaie de retrouver la voiture, et on se rejoint là-bas…

— On… on ne retrouvera jamais le chemin ! ajusta Warren.

— Bon, alors on se cache dans la forêt, et on attend l'aube… Oui, à l'aube, on devrait la retrouver… Dans tous les cas, ne fuyez jamais sur cette route, ou alors ils vous coinceront… Espérons que nous n'en arriverons pas là…