– Et maintenant, ricana la reine, je suis de nouveau la plus belle femme au monde. Et elle quitta rapidement la maisonnette.
Le soir, en rentrant, les sept nains furent épouvantés à la vue de Blanche neige gisant à terre, sans vie. Apercevant le corselet tellement serré, ils coupèrent immédiatement les lacets. Blanche neige peu à peu revint à la vie.
Dessin de Arthur Rackham
Elle leur raconta ce qui s'était passé. Les nains lui dirent alors:
– Cette vieille marchande devait être ta belle-mère. Fais bien attention désormais et ne laisse entrer absolument personne.
Cependant, la reine, revenue dans son palais, prit son miroir et le consulta. Elle apprit ainsi que Blanche neige était toujours en vie, et entra dans une violente fureur. «Il faut pourtant qu'elle disparaisse» pensa-t-elle. Elle enduisit un peigne de poison, prit un autre déguisement, partit à travers la montagne et arriva à la maison des sept nains. Elle frappa à la porte et cria:
– Belle marchandise à vendre, belle marchandise!
Blanche neige se pencha à la fenêtre, mais ne voulut pas la laisser entrer.
– Vous pouvez toujours regarder, lui dit-elle. Cela ne vous engage à rien. Et elle tendit le peigne empoisonné à la jeune fille. Il était si beau que Blanche neige ne put résister à la tentation. Elle entrebâilla la porte et acheta le peigne.
– Laissez-moi donc vous coiffer joliment, lui dit la marchande. Mais à peine avait-elle passé le peigne dans les cheveux de la jeune fille que le poison commença à agir et que Blanche neige tomba à terre sans connaissance.
Par bonheur, ce jour-là, les nains revinrent plus tôt que de coutume. En voyant Blanche neige étendue à terre, pâle comme une morte, ils comprirent que sa belle-mère était encore venue. Ils découvrirent le peigne empoisonné, l'arrachèrent, rendant ainsi la vie à la jeune fille.
Puis ils lui firent promettre de ne plus ouvrir la porte sous aucun prétexte.
La reine, arrivée au palais, demanda à son miroir:
– Miroir, miroir en bois d'ébène, dis-moi que je suis la plus belle. Et le miroir répondit à nouveau que Blanche neige était une merveille.
Cette réponse fit trembler la reine de rage et de jalousie. Elle jura que Blanche neige mourrait, dut-elle mourir elle-même. Elle alla dans son cabinet secret et prépara une pomme empoisonnée. Celle-ci était belle et appétissante. Cependant, il suffisait d'en manger un petit morceau pour mourir. La reine se maquilla, s'habilla en paysanne et partit pour le pays des sept nains. Arrivée à la maisonnette, elle frappa à la porte.
Dessin de Tuvia Kurtz
– Je ne peux laisser entrer personne, on me l'a défendu, dit Blanche neige.
– J'aurais pourtant bien aimé ne pas remporter mes pommes, dit la paysanne. Regarde comme elles sont belles. Goûtes-en une.
– Non, répondit Blanche neige, je n'ose pas.
– Aurais-tu peur? Tiens, nous allons la partager…
Dessin de Walter Crane
La reine n'avait empoisonné la pomme que d'un seul côté, le côté rouge, le plus appétissant: Elle la coupa en deux et tendit la partie empoisonnée à Blanche neige, tout en mordant dans l'autre. Rassurée, la jeune fille la porta à sa bouche. Elle ne l'eut pas plutôt mordue qu'elle tomba comme morte. La reine eut alors un rire diabolique.
– Blanche comme la neige, rouge comme le sang, noire comme l'ébène, tu es bien morte cette fois et les nains ne pourront pas te redonner la vie.
De retour au palais, elle interrogea son miroir qui lui répondit:
– En cherchant à la ronde, dans tout le vaste monde, on ne trouve pas de plus belle que toi.
Et son cœur jaloux fut apaisé.
Quand les sept nains revinrent à leur demeure, ils trouvèrent Blanche neige étendue sur le sol. Cette fois, elle semblait bien morte. Désespérés, ils la pleurèrent sans arrêt pendant trois jours et trois nuits. Ils voulurent l'enterrer, mais comme ses joues demeuraient roses et ses lèvres fraîches, ils décidèrent de ne pas la mettre sous terre, mais de lui fabriquer un cercueil de cristal et de la garder près d'eux.
Ils placèrent le cercueil sur un rocher, à côté de la maisonnette, et ils montèrent la garde à tour de rôle. Les années passèrent. Blanche neige semblait toujours dormir tranquillement dans son cercueil de cristal, fraîche et rose.
Un jour, un prince jeune et beau traversa la forêt et s'arrêta chez les sept nains pour y passer la nuit. Quand il vit le cercueil de cristal et la belle jeune fille endormie, il fut pris d'un tel amour pour elle, qu'il dit aux nains:
Dessinateur inconnu
– Faites m'en cadeau! Je ne peux plus vivre sans voir Blanche neige.
Les nains, émus, lui donnèrent le cercueil de cristal. Le prince le fit porter à dos d'homme jusqu'à son palais. Chemin faisant, un des porteurs trébucha et la secousse fut telle que le morceau de pomme resté dans la gorge de la jeune fille en sortit. Elle ouvrit les yeux, souleva le couvercle du cercueil, et regardant autour d'elle, dit:
– Où suis-je?
Tout joyeux, le prince lui répondit:
– Tu es en sécurité avec moi. Je t'aime plus que tout au monde, viens au palais du roi, mon père et je t'épouserai.
Blanche neige consentit avec joie. Leurs noces furent célébrées avec une splendeur et une magnificence dignes de leur bonheur.
On invita tous les rois et toutes les reines. Quand la belle-mère se fut parée de ses plus beaux atours, elle posa à son miroir l'éternelle question.
Hélas, le miroir lui répondit:
– Reine tu étais la plus belle, mais la fiancée brille d'une splendeur sans pareille.
A ces mots, la reine entra dans une violente fureur. Tout d'abord, elle ne voulut plus aller aux noces. Puis elle ne put résister au désir de voir cette jeune princesse qui était si belle. Quand elle reconnut Blanche neige, elle fut prise d'une telle rage qu'elle tomba terrassée par sa propre jalousie.
La Bonne bouillie
Il était une fois une pieuse et pauvre fille qui vivait seule avec sa mère. Elles n'avaient plus rien à manger, et la fillette s'en alla dans la forêt, où elle fit la rencontre d'une vieille femme qui connaissait sa misère et qui lui fit cadeau d'un petit pot, auquel il suffisait de dire. «Petit pot, cuis!», pour qu'il vous cuise une excellente et douce bouillie de millet; et quand on lui disait. «Petit pot, cesse!», il s'arrêtait aussitôt de faire la bouillie. La fillette rapporta le pot chez sa mère, et c'en fut terminé pour elles et de la pauvreté et de la faim, car elles mangeaient de la bonne bouillie aussi souvent et tout autant qu'elles le voulaient. Une fois, la fille était sortie et la mère dit: «Petit pot, cuis!» Alors il cuisina, et la mère mangea jusqu'à n'avoir plus faim; mais comme elle voulait maintenant que le petit pot s'arrêtât, elle ne savait pas ce qu'il fallait dire, et alors il continua et continua, et voilà que la bouillie déborda; et il continua, et la bouillie envahit la cuisine, la remplit, envahit la maison, puis la maison voisine, puis la rue, continuant toujours et continuant encore comme si le monde entier devait se remplir de bouillie que personne n'eût plus faim. Oui, mais alors commence la tragédie, et personne ne sait comment y remédier. La rue entière, les autres rues, tout est plein; et quand il ne reste plus, en tout et pour tout, qu'une seule maison qui ne soit pas remplie, la fillette rentre à la maison et dit tout simplement. «Petit pot, cesse!» Et il s'arrête et ne répand plus de bouillie. Mais celui qui voulait rentrer en ville, il lui fallait manger son chemin.