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– C'était un charbonnier, dit la vieille.

– Après, j'ai vu un homme vert, dit la fillette.

– Un chasseur dans son uniforme, dit la vieille.

– Après, j'ai vu un homme tout rouge de sang.

– C'était un boucher, dit la vieille.

– Ah! Dame Trude, dans mon épouvante, j'ai regardé par la fenêtre chez vous, mais je ne vous ai pas vue: j'ai vu le Diable en personne avec une tête de feu.

– Oh oh! dit la vieille, ainsi tu as vu la sorcière dans toute sa splendeur! Et cela, je l'attendais et je le désirais de toi depuis longtemps: maintenant tu vas me réjouir.

Elle transforma la fillette en une grosse bûche qu'elle jeta au feu, et quand la bûche fut bien prise et en train de flamber, Dame Trude s'assit devant et s'y chauffa délicieusement en disant:

– Oh! le bon feu, comme il flambe bien clair pour une fois!

La Demoiselle de Brakel

Une demoiselle de Brakel alla un jour à la chapelle de Sainte- Anne, au-dessous d'Hunenbourg. Et comme elle désirait beaucoup trouver un mari, se croyant seule dans la chapelle, elle se mit à chanter:

O sainte Anne bénie,

Trouvez-moi un mari!

Vous le connaissez, oui:

Il est blond, il habite

A Suttmer, près d'ici.

Vous le connaissez, oui!

Le sacristain, qui se trouvait derrière l'autel, entendit cette chansonnette et se mit à crier, en se faisant une toute petite voix de tête très pointue:

«Tu l'auras pas! Tu l'auras pas!»

La demoiselle eut dans l'idée que c'était le petit Enfant Jésus, tout près d'elle dans les bras de la Sainte Vierge, qui lui avait crié cela, et elle lui rétorqua, furieuse:

«Taratata, petit benêt, tu ferais mieux de boucler ton museau et de laisser parler la mère!»

Les Deux frères

Il y avait une fois deux frères, dont l’un était riche, et l’autre pauvre. Le riche était orfèvre, et il avait un mauvais cœur; le pauvre gagnait sa misérable vie à nouer des balais; il était bon et honnête. Il avait deux enfants; c’étaient deux jumeaux qui se ressemblaient comme deux gouttes d’eau. Ces deux enfants avaient coutume de parcourir en tous sens la maison du riche, où on les nourrissait quelquefois avec les restes. Il arriva que le frère pauvre, allant un jour dans la forêt pour y chercher du bouleau, aperçut un oiseau dont le plumage était entièrement couleur d’or, et si beau qu’il n’en avait jamais vu de pareil. Il ramassa aussitôt une petite pierre, la lança après l’oiseau, et réussit à l’atteindre; mais il ne tomba de son corps qu’une plume d’or, et l’oiseau disparut en volant. Le pauvre homme prit la plume et la porta à son frère, qui l’examina et dit:

– C’est de l’or pur. Il lui donna en échange beaucoup d’argent.

Le lendemain, le pauvre homme monta au haut d’un bouleau et il allait en couper quelques rameaux, lorsque le même oiseau sortit des feuilles; le pauvre homme fouilla dans le feuillage, et trouva un nid où il y avait un œuf d’or. Il emporta cet œuf avec lui au logis, et alla le montrer à son frère, qui dit de nouveau:

– C’est de l’or pur, et lui donna une bonne récompense. Puis l’orfèvre ajouta:

– Je voudrais bien avoir cet oiseau.

Le frère pauvre alla une troisième fois dans la forêt, et aperçut de nouveau l’oiseau d’or posé sur la cime de l’arbre; il prit une pierre et visa si juste qu’il l’abattit du coup; il le porta à son frère qui lui donna en retour un grands tas d’or. «Maintenant, pensa celui-ci, je pourrai me tirer d’affaire.» Et il revint tout joyeux à la maison. L’orfèvre, qui était habile et rusé, savait bien quel oiseau précieux était tombé entre ses mains. Il appela sa femme, et lui dit:

– Fais moi rôtir cet oiseau d’or, et aie bien soin qu’il n’en sorte pas le plus petit morceau; je me fais une fête de le manger tout entier.

Cet oiseau était d’une si merveilleuse nature que celui qui en mangerait le cœur et le foie devait trouver tous les matins une pièce d’or sous son oreiller. La femme prépara l’oiseau, le mit à la broche, et le fit rôtir. Il advint que, tandis qu’il était devant le feu et que la femme s’occupait à d’autres ouvrages dans la cuisine, les deux enfants du pauvre faiseur de balais entrèrent, se placèrent en face de la broche, et la tournèrent deux fois ou trois fois; et comme deux petits morceaux de l’oiseau venaient de tomber dans la lèchefrite, l’un des enfants dit à l’autre:

– Mangeons ces deux petits morceaux, je meurs de faim; aussi bien personne ne pourra s’en apercevoir. Ce qui fut dit, fut fait.

La femme arriva sur l’entrefaite, et voyant leurs mâchoires en train de fonctionner, elle leur dit:

– Que mangez-vous donc là?

– Deux petits morceaux qui sont tombés de l’oiseau, répondirent-ils.

– C’étaient le cœur et le foie, dit la femme saisie d’épouvante. Et pour que son mari ne s’aperçût de rien, elle tua aussitôt un coq, en prit le cœur et le foie, et les plaça dans l’oiseau d’or.

Quand celui-ci fut entièrement rôti, elle l’apporta à l’orfèvre, qui le dévora à lui seul, sans rien laisser. Mais, lorsque le lendemain matin il passa la main sous son oreiller, dans l’espoir d’y prendre un morceau d’or, il fut très étonné de n’y n’en trouver. Les deux enfants, au contraire, ne se doutaient pas du bonheur qui leur était arrivé. Le matin suivant, quand ils se levèrent, quelque chose tomba à terre avec un bruit clair, et quand ils le ramassèrent, ils virent que c’étaient deux pièces d’or. Ils les portèrent à leur père, qui fut au comble de la surprise, et leur dit:

– Comment cela a-t-il donc pu arriver? Le même prodige s’étant encore renouvelé le matin suivant et les autres jours, le père des jumeaux alla trouver son frère, et lui raconta la singulière histoire.

L’orfèvre n’eut pas de peine à comprendre la cause de ce résultat merveilleux, et vit bien que les enfants avaient mangé le cœur et le foie de l’oiseau d’or; et pour se venger d’eux en homme envieux et méchant qu’il était, il dit au père:

– Tes enfants sont en relation avec le malin esprit; garde-toi bien de prendre cet or, et chasse ces enfants loin de ta maison, car désormais le diable a du pouvoir sur eux, et il pourrait te perdre toi-même.

Ces paroles consternèrent le pauvre père, et quoique ce fût pour lui une bien douloureuse nécessité, il emmena les deux jumeaux au milieu de la forêt, où il les abandonna, hélas! avec un profond désespoir. Les deux malheureux enfants se mirent à parcourir en tous sens la forêt, cherchant à retrouver le chemin de la maison paternelle, mais au lieu de le trouver, ils s’égarèrent de plus en plus. Ils rencontrèrent enfin un chasseur qui leur demanda: