– Lièvre, mon ami, que veux-tu? Il répondit:
– Mon maître, qui a tué le dragon, est ici, et il m’envoie pour que je demande un pain pareil à celui dont mange le roi.
À ces mots, la princesse ne se sentit pas de joie; elle fit venir le boulanger, et lui ordonna d’apporter un pain pareil à ceux dont mangeait le roi. Le lièvre prenant la parole:
– Mais il faut, dit-il, que le boulanger me porte moi-même avec le pain, pour que les chiens ne me fassent pas de mal.
Le boulanger le prit donc dans ses bras et alla ainsi jusqu’à la porte de l’aubergiste; là, le lièvre se posa sur ses pattes de devant et le porta à son maître. Le chasseur dit alors:
– Vous le voyez, monsieur l’hôte, les cent pièces d’or sont à moi. L’aubergiste était au comble de l’étonnement. Cependant le chasseur ajouta:
– J’ai bien le pain, monsieur l’hôte, mais je veux encore de plus, maintenant, manger du rôti du roi. Le chasseur appela le renard et lui dit:
– Renard, mon ami, mets-toi en route et va me chercher du rôti pareil à celui que mange le roi.
Le renard connaissait mieux les détours que le lièvre; il se glissa le long des coins et des angles obscurs des rues sans qu’un seul chien l’aperçût, alla se placer sous le siège de la princesse et lui gratta le pied. La princesse baissa les yeux, reconnut le renard à son collier, le prit dans ses bras, le porta dans son cabinet et lui dit:
– Renard, mon ami, que veux-tu? Il répondit:
– Mon maître, qui a tué le dragon, est ici, et il m’envoie pour que je demande un rôti pareil à celui dont mange le roi. La princesse fit venir le cuisinier.
Celui-ci reçut l’ordre de préparer un rôti pareil à celui que mangeait le roi, de le porter pour le renard jusqu’à la porte de l’aubergiste. Quand ils y furent arrivés, le renard prit le plat et le porta à son maître.
– Vous voyez, monsieur l’hôte, dit le chasseur, nous avons déjà le pain et le rôti; mais je veux encore avoir un plat de légumes comme ceux que mange le roi.
Cela dit, il appela le loup:
– Loup, mon ami, lui dit-il, mets-toi en route et apporte-moi des légumes pareils à ceux que mange le roi.
Le loup, qui n’avait peur de personne, se dirigea tout droit vers le palais, et quand il fut entré dans la chambre de la princesse, il tira cette dernière par le pan de sa robe, ce qui la fit se retourner. Elle reconnut le loup à son collier, et le conduisant dans son cabinet:
– Loup, mon ami, lui dit-elle, que veux-tu? Il répondit:
– Mon maître, qui a tué le dragon, est ici, et il m’a envoyé demander un plat de légumes pareils à ceux que mange le roi.
La princesse fit venir le cuisinier, qui reçut l’ordre de préparer un plat de légumes pareils à ceux que mangeait le roi, et de le porter lui-même pour le loup jusqu’à la porte de l’aubergiste. Le loup prit le plat et le porta à son maître.
– Vous le voyez, dit le chasseur, voilà que j’ai maintenant du pain, du rôti et des légumes; mais il me faut des sucreries semblables à celles que mange le roi.
Il appela l’ours et lui dit:
– Ours, mon ami, tu ne dédaignes pas de lécher quelque chose de doux; va donc et rapporte-moi des sucreries semblables à celles que mange le roi.
L’ours se mit en route vers le palais, et chacun s’enfuit à son approche, et quand il arriva près du fonctionnaire, celui-ci lui présenta le bout de son fusil et ne voulut point le laisser pénétrer dans le palais du roi. Mais l’ours se dressa sur ses pattes de derrière et distribua à droite et à gauche quelques bons soufflets qui firent trébucher tout le poste après cet exploit, il continua son chemin, entra dans la chambre de la princesse, se plaça derrière elle et grogna légèrement. La princesse se retourna, et reconnut l’ours, l’emmena dans son cabinet et lui dit:
– Ours, mon ami, que veux-tu? Il répondit:
– Mon maître, qui a tué le dragon, est ici; je suis chargé de demander des sucreries semblables à celles que mange le roi.
La princesse fit venir le confiseur, qui reçut l’ordre de préparer des sucreries pareilles à celles que mangeait le roi, et de les porter lui-même pour l’ours jusqu’à la porte de l’aubergiste.
– Vous le voyez, monsieur l’hôte, dit le chasseur, voilà que j’ai maintenant du pain, du rôti, des légumes et des sucreries; mais je veux aussi boire du vin pareil à celui que boit le roi. Il appela son lion et lui dit:
– Lion, mon ami, je sais que tu te grises volontiers, va donc et rapporte-moi du vin semblable à celui que boit le roi.
Le lion traversa les rues, et les gens fuyaient à son approche, et quand il arriva près du poste, le factionnaire voulut lui barrer le passage: mais il poussa un rugissement qui mit tous les soldats en fuite. Le lion pénétra jusqu’à la chambre de la princesse, et gratta légèrement avec sa queue à la porte. La princesse vint lui ouvrir, et peu s’en fallut que l’effroi ne s’emparât d’elle à la vue du lion; mais elle le reconnut au fermoir d’or de son collier, et fit entrer avec elle dans son cabinet:
– Lion, mon ami, lui dit-elle, que veux-tu? Il répondit:
– Mon maître, qui a tué le dragon, est ici; je viens demander du vin pareil à celui que boit le roi.
La princesse fit venir le sommelier, et lui ordonna de donner au lion du vin semblable à celui que buvait le roi. Le lion prit le panier et le porta à son maître.
– Vous le voyez, monsieur l’hôte, dit le chasseur, j’ai maintenant du pain, du rôti, des légumes, des sucreries et du vin pareils à ceux qu’on sert au roi; maintenant, je veux donner un banquet à mes animaux.
Et il se mit à table, but et mangea, et donna aussi une bonne part de tout cela au lièvre, au renard, au loup, à l’ours et au lion car la certitude qu’il venait d’acquérir que la princesse l’aimait toujours lui donnait une humeur charmante. Quand le repas fut terminé, il dit à l’hôte:
– Maintenant que j’ai mangé et bu comme boit et mange le roi, je veux aller à la cour du roi, et épouser la fille du roi. L’aubergiste répondit:
– Comment cela pourra-t-il se faire, puisque la princesse a déjà un fiancé, et que ses noces doivent se célébrer aujourd’hui même?
Le chasseur tira de sa poche le mouchoir que la princesse lui avait donné sur la montagne du dragon, et où il avait roulé les sept langues du monstre.
– Ce que j’ai là dans la main m’y aidera, dit-il. L’aubergiste examina le mouchoir et repartit: