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– Si j’ai cru tout le reste, je ne puis pourtant pas croire cela, et je parie volontiers ma maison et ma cour.

Le chasseur tira de sa poche une bourse où se trouvaient mille pièces d’or; il la plaça sur la table et dit:

– Voici mon enjeu. Lorsque le roi revit sa fille au dîner, il lui dit:

– Que te voulaient toutes ces bêtes qui sont venues te trouver et qui ont parcouru en tous sens mon palais? Elle répondit:

– Je ne puis point le dire, mais dépêchez quelqu’un et faites chercher le maître de ces animaux; si vous faites cela, vous ferez bien.

Le roi envoya un de ses gens à l’auberge avec mission d’inviter l’étranger; le serviteur du roi arriva juste au moment où le chasseur venait de parier avec l’aubergiste.

– Vous le voyez, monsieur l’hôte, s’écria le chasseur, voilà que le roi m’envoie un ambassadeur afin de m’inviter.

Le chasseur se rendit auprès du roi. Celui-ci, le voyant venir, dit à sa fille:

– Comment dois-je le recevoir?

Elle répondit:

– Allez à sa rencontre; si vous faites cela, vous ferez bien.

Le roi alla donc à sa rencontre, le fit monter avec lui dans les appartements où les bêtes du chasseur le suivirent. Le roi lui indiqua une place entre lui et sa fille, le maréchal en sa qualité de fiancé prit place de l’autre côté. En ce moment, on apporta en face d’eux les sept têtes du dragon, et le roi dit:

– Ces sept têtes, c’est le maréchal qui les a coupées au monstre; voilà pourquoi je lui donne aujourd’hui ma fille.

Alors le chasseur se leva, ouvrit les sept gueules et dit:

– Où sont les sept langues du dragon?

À ces mots, le maréchal devint pâle il dit dans son trouble:

– Les dragons n’ont point de langue.

Le chasseur reprit:

– Les menteurs devraient n’en point avoir, mais les langues de dragon sont les vrais signes du vainqueur.

Et il ouvrit le mouchoir où se trouvaient les sept langues et il en mit une dans chacune des sept gueules. Cela fait, il prit le mouchoir sur lequel était brodé le nom de la princesse, et le montrant à la jeune fille, il lui demanda à qui elle l’avait donné. Elle répondit:

– Je l’ai donné à celui qui a tué le dragon.

Puis il appela ses animaux, leur enleva à chacun leur collier ainsi qu’au lion son fermoir d’or, et les montrant à la jeune fille, il lui demanda à qui cela appartenait. Elle répondit:

– Le collier et le fermoir d’or étaient à moi, je les ai partagés entre les animaux qui ont contribué à dompter le dragon.

Le chasseur dit alors:

– M’étant endormi de fatigue après le combat, le maréchal est arrivé, m’a coupé la tête, a enlevé la princesse et déclaré que c’était lui qui avait tué le dragon; en quoi il a menti, comme le prouve par ces langues, par ce mouchoir et par ce collier.

Le roi s’adressant alors à sa fille:

– Est-il vrai, lui dit-il, que c’est lui qui a tué le dragon?

Elle répondit:

– Oui, c’est vrai; et maintenant il m’est permis de dévoiler toute l’infamie du maréchal qui m’avait fait donner ma parole que je garderais le silence. C’était aussi pour cela que j’avais exigé que les noces n’eussent lieu qu’après un an et un jour.

Après avoir entendu cette déposition, le roi fit appeler douze conseillers qu’il chargea de juger le maréchal. Ceux-ci le condamnèrent à avoir les membres déchirés par quatre bœufs. Ainsi fut puni le maréchal. Ensuite, le roi donna sa fille au chasseur qui fut de plus reconnu dans tout le pays pour son héritier. Le jeune roi et la jeune reine vécurent désormais heureux et contents. Le jeune roi allait souvent à la chasse qu’il aimait, et ses animaux devaient l’accompagner. Or il y avait à peu de distance de là une forêt qui, d’après le bruit général, n’était pas sûre. Celui, disait-on, qui s’y risquait une fois, n’en revenait pas facilement. Depuis longtemps le jeune prince nourrissait un grand désir d’aller y chasser, et il ne laissa pas de repos au vieux roi qu’il lui en donna la permission. Il sortit donc un jour avec une nombreuse escorte, et quand il fut arrivé près de la forêt, il aperçut à travers les arbres une biche blanche comme de la neige, et il dit à ses gens:

– Attendez ici mon retour; je veux poursuivre cette bête. Et il s’enfonça sur sa trace dans la forêt, où ses animaux seuls l’escortèrent.

Ses gens l’attendirent jusqu’au soir; mais comme il ne revenait pas, ils retournèrent au palais et dirent à la jeune princesse:

– Le jeune prince s’est aventuré dans la forêt enchantée à la poursuite d’une blanche biche, et il n’est point revenu.

À ces mots, la princesse fut saisie d’une grande inquiétude; quant au prince, il n’avait pas cessé de poursuivre la belle bête sans jamais pouvoir l’atteindre. A la fin, il s’aperçut qu’il s’était égaré bien avant dans la forêt; il sonna du cor, mais il ne reçut aucune réponse, car ses gens ne pouvaient l’entendre. Et comme la nuit tombait, il vit bien qu’il ne pourrait revenir ce jour là au palais; il descendit de cheval, alluma du feu au pied d’un arbre, et résolut d’y passer la nuit. Comme il était assis à côté du feu, et que ses animaux s’étaient étendus autour de lui, il crut entendre les sons d’une voix humaine et regarda autour de lui, mais il ne put rien apercevoir. Bientôt après, il lui sembla entendre comme une toux qui venait d’en haut; il leva la tête et aperçut une vieille femme assise sur l’arbre, et qui se plaignait en criant:

– Hu! hu! hu! que j’ai froid!

Le jeune prince lui dit:

– Descends et viens te chauffer, puisque tu as froid.

Mais elle répondit:

– Non, car tes animaux me mordraient.

Il reprit:

– Ils ne te feront rien, vieille mère, descends seulement.

Or cette vieille était une sorcière. Elle répondit:

– Je vais te jeter une verge du haut de cet arbre; si tu leur en donnes un coup sur le dos, ils ne me feront pas de mal.

Elle lui jeta donc une verge, et il en frappa ses animaux. À peine l’eut-il fait qu’ils furent métamorphosés en pierres. Et quand la sorcière vit qu’elle n’avait plus rien à craindre des animaux, elle se laissa couler en bas de l’arbre, et le toucha, lui aussi, avec une verge et lui aussi fut métamorphosé en pierre. Cela fait, la vieille se mit à rire et elle le cacha ainsi que les animaux dans une caverne où se trouvaient déjà beaucoup de pierres pareilles. Cependant, comme le jeune prince ne revenait pas, l’inquiétude de la princesse augmentait. Il se trouva qu’en ce même temps l’autre frère qui, lors de la séparation, s’était dirigé vers l’orient, arriva dans le royaume. Il avait cherché, mais en vain, un service; ne sachant que faire, il s’était mis à courir le monde avec ses animaux qui dansaient devant les gens. L’idée lui vint d’aller consulter le couteau que son frère et lui avaient enfoncé dans l’arbre au moment de se quitter, afin de connaître le sort l’un de l’autre. Quand il arriva au pied de l’arbre, le côté du couteau qui concernait son frère avait une moitié déjà couverte de rouille; mais l’autre était encore blanche. L’inquiétude s’empara de lui, et il se prit à penser: «Il faut qu’un grand malheur menace la vie de mon frère mais peut-être que je puis le sauver, car la moitié du couteau est encore blanche.» Cela dit, il se dirigea avec ses animaux vers le couchant. Quand il arriva à la porte de la ville, le factionnaire vint à sa rencontre et lui demanda s’il devait aller l’annoncer à son épouse: il ajouta que son absence plongeait depuis quelques jours la jeune princesse dans une profonde inquiétude, qu’elle craignait qu’il ne lui fût arrivé malheur dans la forêt enchantée. Le factionnaire lui parlait ainsi, parce qu’il le prenait pour le jeune prince, tant son frère lui ressemblait, et à cause des animaux qui le suivaient. Celui-ci, entendant parler de son frère, se dit en lui-même: «Il vaut mieux que je me laisse prendre pour lui; il me sera plus facile ainsi de le sauver.» Il se laissa donc accompagner par le factionnaire jusque dans le palais, où il fut reçu avec de grandes démonstrations de joie. La jeune princesse ne douta pas un moment que ce fût son époux; il lui raconta qu’il s’était égaré dans la forêt, et qu’il lui avait été impossible de retrouver plus tôt son chemin. Il demeura quelques jours au château, s’informant de tout ce qui se trouvait dans la forêt enchantée. À la fin, il dit: