– je leur ai dit simplement:
Supportez-moi, les marches, souffrez que je vous emprunte,
De la mariée qui n’en est pas une, écoutez la complainte.
– Cela te coûtera la vie, l’avertit la mariée, mais elle retourna vite auprès du prince pour lui expliquer:
– Ça y est, je sais ce que j’ai dit à l’escalier!
Et elle répéta ce que la jeune fille lui avait dit.
– Et qu’as-tu dit à la porte de l’église?
– À la porte de l’église? s’affola la mariée. je ne parle pas aux portes.
– Tu n’es donc pas la vraie mariée.
Elle sortit en courant et elle harcela Méline à nouveau:
– Servante! Qu’avais-tu à raconter à la porte de l’église?
– Je ne lui ai rien raconté, j’ai dit seulement:
Ô toi, la grande porte! Que je passe, supporte!
De la mariée qui n’en est pas une, écoute la demande infime.
– Tu me le paieras, tu auras la tête coupée, dit la mariée, folle de rage; mais elle se dépêcha de revenir auprès du prince pour lui dire:
– Je me souviens maintenant ce que j’avais dit à la porte.
Et elle répéta les paroles de Méline.
– Et où est le collier que je t’ai donné devant la porte de l’église?
– Quel collier? dit-elle. Tu ne m’as pas donné de collier.
– Je te l’ai moi-même passé autour du cou. Si tu ne le sais pas, tu n’es pas la vraie mariée.
Il lui arracha son voile et vit son visage incroyablement laid. Effrayé, il fit un bond en arrière.
– Comment es-tu arrivée là? Qui es-tu?
– Je suis ta fiancée promise, mais j’avais peur que les gens se moquent de moi en me voyant dans la rue. C’est pourquoi j’ai ordonné à la petite souillon de mettre ma robe et d’aller à l’église à ma place.
– Où est cette fille? demanda le prince. Je veux la voir. Va la chercher!
La mariée sortit de la chambre et dit aux serviteurs que sa femme de chambre était une faussaire, et qu’il fallait sans tarder l’amener dans la cour et lui couper la tête. Les serviteurs attrapèrent Méline et voulurent l’emmener. Mais Méline se mit à crier et à appeler au secours si fort que le prince entendit sa voix et arriva en courant. Il ordonna qu’on relâche la jeune fille sur-le-champ. On apporta la lumière et le prince put voir que la Jeune fille avait autour du cou le collier en or qu’il lui avait donné.
– C’est toi la vraie mariée, dit-il, c’est toi que j’ai amenée à l’autel. Viens dans ma chambre.
Et une fois seuls, le prince demanda:
– Pendant le trajet vers l’église, tu as parlé de la princesse Méline à laquelle j’ai été fiancé. Si Je pouvais espérer que cela fût possible, je penserais qu’elle est devant moi; tu lui ressembles tant!
Et la jeune fille répondit:
– Je suis Méline, celle qui, par amour pour toi, fut emprisonnée pendant sept ans dans un cachot obscur, celle qui a souffert de faim et de soif et qui a vécu si longtemps dans la misère et la détresse. Mais aujourd’hui enfin le soleil a de nouveau brillé pour moi. On nous a mariés à l’église et je suis ta femme légitime. Ils s’embrassèrent et vécurent heureux jusqu’à la fin de leurs jours.
Le Puits enchanté
Une veuve, qui s’était remariée, avait deux filles très belles dont l’une était travailleuse, et l’autre plutôt paresseuse. Elle avait pour préférée cette dernière parce que c’était sa propre fille. Quant à l’autre fillette, elle n’était pas beaucoup appréciée: on la faisait travailler dur toute la journée et on la traitait comme une servante.
La pauvre fillette devait chaque jour se rendre au bord du puits et filer jusqu’à ce qu’elle en ait le bout des doigts en sang. Un jour, alors que la bobine était toute tachée, la fillette se pencha au-dessus du puits pour la nettoyer. Mais la bobine lui glissa des mains et tomba tout au fond. Elle courut en pleurant chez sa belle-mère et lui raconta son malheur, mais la marâtre, impitoyable, la réprimanda violemment et lui dit: «Tu as laissé tomber la bobine au fond du puits, alors tu devras aller la reprendre!» La fillette, bouleversée, retourna au puits sans savoir comment elle allait s’y prendre. Son cœur en détresse lui commanda de sauter; ce qu’elle fit. En atteignant le fond du puits, elle perdit connaissance.
Lorsqu’elle reprit ses esprits, un soleil radieux brillait au-dessus d’elle, et un champ merveilleux rempli de millier de fleurs l’entourait. La fillette se mit à marcher et arriva près d’un four dans lequel beaucoup de pains cuisaient. Les pains lui crièrent: «Hé, sors-nous du four, sors-nous du four, nous allons brûler! Nous cuisons depuis bien trop longtemps déjà.» La fillette s’approcha du four, et en sortit toutes les miches les unes après les autres. Elle poursuivit sa route et arriva près d’un pommier qui ployait sous le poids de ses fruits. L’arbre lui cria: «Hé! Secoue-moi, secoue-moi, mes pommes vont se gâter! Elles sont mûres depuis bien trop longtemps déjà.» La fillette secoua le pommier et les pommes tombèrent sur le sol comme une pluie. Lorsqu’elle les eut rassemblées en un tas, elle reprit son chemin.
Finalement, elle parvint à une petite maison et y aperçut une vieille femme. Quand elle vit que la vieille avait de très longues dents, elle s’effraya et voulut s’enfuit à toutes jambes, mais la vieille femme lui dit: «N’aie pas peur chère enfant, reste avec moi. Si tu tiens ma maison en ordre, alors tu ne manqueras de rien. Tu dois seulement t’assurer de bien faire mon lit et de secouer assidûment mon oreiller à la fenêtre, de sorte que les plumes s’en échappent et qu’ainsi il puisse neiger sur la Terre. Car c’est moi qui fait la neige: je suis la Dame Neige.» Elle la persuada si bien que la fillette se calma, consentit et se rendit à son service. Jour après jour, la jeune fille secoua fidèlement l’oreiller pour que des flocons de neige s’en échappent et elle fit tout ce qu’il fallait pour satisfaire la vieille dame. La vie était douce auprès d’elle: jamais de réprimandes et chaque jour de bons repas.
Alors qu’elle servait la Dame Neige depuis un bon moment déjà, la fillette en vint à se sentir triste. Au début, elle ne sut pas exactement ce qui pouvait la rendre ainsi, mais elle finit par comprendre qu’elle avait le mal du pays: bien qu’ici elle fut traitée mille fois mieux qu’à la maison, son chez-soi lui manquait. Un jour, elle alla voir la vieille dame et lui dit: «J’ai le mal du pays, et même si tout va très bien ici, je ne peux rester plus longtemps. Je dois retourner parmi les miens.» La Dame Neige répondit: «Je suis heureuse que tu veuilles retourner chez-toi. Et comme tu m’as servie si fidèlement, je vais te raccompagner.» Elle prit la fillette par la main et la conduisit devant un grand portail. Au moment même où la fillette franchissait le seuil, une pluie d’or s’abattit sur elle; tout cet or se fixa sur ses vêtements et il en tomba tant qu’elle en fut complètement recouverte. Puis, le portail se referma, et la fillette se retrouva sur la Terre, non loin de sa demeure.
Quand elle entra dans la court, le coq, qui se tenait sur le rebord du puits, se mit à crier: «Cocorico! Notre précieuse jeune fille est de retour!» La fillette entra dans la maison et, parce qu’elle était toute recouverte d’or, fut bien accueillie par sa mère et sa sœur. Elle leur raconta alors tout ce qu’elle avait vécu. Lorsque la mère entendit comment elle avait reçu tant de richesse, elle voulut que sa première fille, celle qui était paresseuse, aille se procurer le même bonheur. Celle-ci dut s’asseoir auprès du puits et se mettre à filer. Trop paresseuse, elle ne fila pas: pour qu’il y ait du sang sur la bobine, elle se mit plutôt les mains dans les églantiers et se piqua les doigts. Elle lança ensuite la bobine au fond du puits et s’y jeta elle-même.