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Quelques temps après, le roi revint dans son palais, et trouva que la prédiction était accomplie, et que l’enfant né coiffé avait épousé sa fille. «Comment cela s’est-il fait?» dit-il, «j’avais donné dans ma lettre un ordre tout différent.» La reine lui montra la lettre, et lui dit qu’il pouvait voir ce qu’elle contenait. Il la lut et vit bien qu’on avait changé la sienne.

Il demanda au jeune homme ce qu’était devenue la lettre qu’il lui avait confiée, et pourquoi il en avait remis une autre. «Je n’en sais rien», répliqua celui-ci, «il faut qu’on l’ait changée la nuit, quand j’ai couché dans la forêt.»

Le roi en colère lui dit: «Cela ne se passera pas ainsi. Celui qui prétend à ma fille doit me rapporter de l’enfer trois cheveux d’or de la tête du diable. Rapporte-les moi, et ma fille t’appartiendra.» Le roi espérait bien qu’il ne reviendrait jamais d’une telle commission.

Le jeune homme répondit: «Le diable ne me fait pas peur; j’irai chercher les trois cheveux d’or.» Et il prit congé du roi et se mit en route.

Il arriva devant une grande ville. À la porte, la sentinelle lui demanda quel était son état et ce qu’il savait.

«Tout», répondit-il.

«Alors», dit la sentinelle, «rends-nous le service de nous apprendre pourquoi la fontaine de notre marché, qui nous donnait toujours du vin, s’est desséchée et ne fournit même plus d’eau.»

«Attendez», répondit-il, «je vous le dirai à mon retour.»

Plus loin il arriva devant une autre ville. La sentinelle de la porte lui demanda son état et ce qu’il savait.

«Tout», répondit-il.

«Rends-nous alors le service de nous apprendre pourquoi le grand arbre de notre ville, qui nous rapportait des pommes d’or, n’a plus de feuilles»

«Attendez», répondit-il, «je vous le dirai à mon retour.»

Plus loin encore il arriva devant une grande rivière qu’il s’agissait de passer. Le passeur lui demanda son état et ce qu’il savait.

«Tout», répondit-il.

«Alors», dit le passeur «rends-moi le service de m’apprendre Si je dois toujours rester à ce poste, sans jamais être relevé.»

«Attends», répondit-il, «je te le dirai à mon retour.»

De l’autre côté de l’eau il trouva la bouche de l’enfer. Elle était noire et enfumée. Le diable n ‘était pas chez lui; il n’y avait que son hôtesse, assise dans un large fauteuil. «Que demandes-tu?» lui dit-elle d’un ton assez doux.

«Il me faut trois cheveux d’or de la tête du diable, sans quoi je n’obtiendrai pas ma femme.»

«C’est beaucoup demander» dit-elle, «et, Si le diable t’aperçoit quand il rentrera, tu passeras un mauvais quart d’heure. Cependant tu m’intéresses, et je vais tâcher de te venir en aide.»

Elle le changea en fourmi et lui dit: «Monte dans les plis de ma robe; là tu seras en sûreté.»

«Merci», répondit-il, «voilà qui va bien; mais j’aurais besoin en outre de savoir trois choses: pourquoi une fontaine qui versait toujours du vin ne fournit plus même d’eau; pourquoi un arbre qui portait des pommes d’or n’a plus même de feuilles; et Si un certain passeur doit toujours rester à son poste sans jamais être relevé.»

«Ce sont trois questions difficiles», dit-elle, «mais tiens-toi bien tranquille, et sois attentif à ce que le Diable dira quand je lui arracherai les trois cheveux d’or.»

Quand le soir arriva, le diable rentra chez lui. À peine était-il entré qu’il remarqua une odeur extraordinaire. «Je sens, je sens, la chair humaine». Et il alla fureter dans tous les coins, mais sans rien trouver. L’hôtesse lui chercha querelle: «Je viens de balayer et de ranger», dit-elle, «et tu vas tout bouleverser ici; tu crois toujours sentir la chair humaine. Assieds-toi et mange ton souper.»

Quand il eut soupé, il était fatigué; il posa sa tête sur les genoux de son hôtesse, et lui dit de lui chercher un peu les poux; mais il ne tarda pas à s’endormir et à ronfler. La vieille saisit un cheveu d’or, l’arracha et le mit de côté. «Hé!» s’écria le diable, «qu’as-tu donc fait?»

«J’ai eu un mauvais rêve», dit l’hôtesse. «et je t ai pris par les cheveux.»

«Qu ‘as-tu donc rêvé?» demanda le diable.

«J ‘ai rêvé que la fontaine d’un marché, qui versait toujours du vin, s’était arrêtée et qu’elle ne donnait plus même d’eau: quelle en peut être la cause?»

«Ah, Si on le savait!» répliqua le diable, «il y a un crapaud sous une pierre dans la fontaine; on n’aurait qu’à le tuer, le vin recommencerait à couler.»

L’hôtesse se remit à lui chercher les poux; il se rendormit et ronfla de façon à ébranler les vitres.

Alors elle lui arracha le second cheveu. «Heu, que fais-tu?» s’écria le diable en colère.

«Ne t’inquiète pas», répondit-elle, «c’est un rêve que j’ai fait.»

«Qu’as-tu rêvé encore?» demanda-t-il.

«J’ai rêvé que dans un pays il y a un arbre qui portait toujours des pommes d’or, et qui n’a plus même de feuilles: quelle en pourrait être la cause?»

«Ah, Si on le savait!» répliqua le diable, «il y a une souris qui ronge la racine; on n’aurait qu’à la tuer, il reviendrait des pommes d’or sur l’arbre; mais si elle continue à le ronger, l’arbre mourra tout à fait. Maintenant laisse-moi en repos avec tes rêves. Si tu me réveilles encore, je te donnerai un soufflet.»

L’hôtesse l’apaisa et se remit à lui chercher ses poux jusqu’à ce qu’il fût rendormi et ronfla. Alors elle saisit le troisième cheveu d’or et l’arracha. Le diable se leva en criant et voulait la battre; elle le radoucit encore en disant: «Qui peut se garder d’un mauvais rêve?»

«Qu’as-tu donc rêvé encore?» demanda-t-il avec curiosité.

«J’ai rêvé d’un passeur qui se plaignait de toujours passer l’eau avec sa barque, sans que personne le remplaçât Jamais.»

«Hé, le sot!», répondit le diable, «le premier qui viendra pour passer la rivière, il n’a qu’à lui mettre sa rame à la main, il sera libre et l’autre sera obligé de faire le passeur à son tour.»

Comme l’hôtesse lui avait arraché les trois cheveux d’or, et qu’elle avait tiré de lui les trois réponses, elle le laissa en repos, et il dormit jusqu’au matin.

Quand le diable eut quitté la maison, la vieille prit la fourmi dans les plis de sa robe et rendit au jeune homme sa figure humaine. «Voilà les trois cheveux», lui dit-elle, «mais as-tu bien entendu les réponses du diable à tes questions?»

«Très bien», répondit-il «et je m’en souviendrai.»

«Te voilà donc hors d’embarras», dit-elle, «et tu peux reprendre ta route.»

Il remercia la vieille qui l’avait si bien aidé, et sortit de l’enfer, fort joyeux d’avoir si heureusement réussi.

Quand il arriva au passeur, avant de lui donner la réponse promise, il se fit d’abord passer de l’autre côté, et alors il lui fit part du conseil donné par le diable: «Le premier qui viendra pour passer la rivière, tu n’as qu’à lui mettre ta rame à la main.»

Plus loin il retrouva la ville à l’arbre stérile; la sentinelle attendait aussi sa réponse: «Tuez la souris qui ronge les racines», dit-il, «et les pommes d’or reviendront.» La sentinelle, pour le remercier, lui donna deux ânes chargés d’or.