– Tu vois ce grand arbre là-bas? il y a dans son tronc une petite serrure; si tu l’ouvres avec cette petite clef, tu trouveras de la nourriture en suffisance pour ne plus souffrir de la faim. Elle alla jusqu’à l’arbre, ouvrit sa serrure et trouva à l’intérieur du lait dans une petite jatte et du pain blanc pour tremper dans le lait; ainsi put-elle manger son content. Sa faim passée, elle songea. «Voici l’heure où les poules rentrent se coucher, et je me sens si fatiguée, si fatiguée… Comme je voudrais pouvoir me mettre dans mon lit!» Elle vit alors la colombe blanche revenir vers elle, tenant une autre petite clef d’or dans son bec.
– Ouvre l’arbre que tu vois là-bas, dit la colombe en lui donnant la petite clef d’or. Tu y trouveras un lit. Elle ouvrit l’arbre et y trouva un beau lit bien doux; elle demanda dans sa prière au bon Dieu de la garder pendant la nuit, se coucha et s’endormit aussitôt. Au matin, la colombe revint pour la troisième fois lui apporter une petite clef. Si tu ouvres cet arbre là-bas, tu y trouveras des robes, dit la colombe. Et quand elle l’eut ouvert, elle trouva dedans des robes brodées d’or et de pierres précieuses, des vêtements d’une telle magnificence que même les princesses n’en possèdent pas d’aussi beaux. Alors elle vécut là pendant un temps, et la colombe revenait tous les jours et s’occupait de tout ce dont elle pouvait avoir besoin, ne lui laissant aucun souci; et c’était une existence calme, silencieuse et bonne. Puis un jour, la colombe vint et lui demanda:
– Voudrais-tu me rendre un service?- De tout cœur! répondit la jeune fille
– Je vais te conduire à une petite maison, dit alors la colombe; tu entreras et il y aura là, devant la cheminée, une vieille femme qui te dira bonjour; mais tu ne dois à aucun prix lui répondre un seul mot. Pas un mot, quoi qu’elle dise ou fasse; et tu iras sur ta droite où tu verras une porte, que tu ouvriras pour entrer dans une petite chambre, où il y a un tas de bagues de toutes sortes sur une table: une énorme quantité de bagues parmi lesquelles tu en verras de très précieuses, de merveilleux bijoux montés de pierres fines, de brillants extraordinaires, de pierres les plus rares et les plus éclatantes; mais tu les laisseras de côté et tu en chercheras une toute simple, un anneau ordinaire qui doit se trouver dans le tas, Alors tu me l’apporteras, en faisant aussi vite qu’il te sera possible. La jeune fille arriva devant la petite maison, poussa la porte et entra; il y avait une vieille femme assise, qui ouvrit de grands yeux en la voyant et qui lui dit: «Bonjour, mon enfant!» Sans lui répondre, la jeune fille alla droit à la petite porte. «Où vas-tu?» lui cria la vieille femme en essayant de la retenir par le pan de sa robe. «Tu es chez moi ici! C’est ma maison, et nul n’y doit entrer sans mon consentement. Tu m’entends?» Toujours sans souffler mot, la jeune fille se dégagea d’un coup de reins et pénétra dans la petite chambre. -Mon Dieu! quelle fantastique quantité de bagues s’entassait donc sur l’unique table, jetant mille feux, étalant mille splendeurs sous ses yeux! Mais elle les dédaigna et se mit à fouiller pour chercher l’anneau tout simple, tournant et retournant tout le tas sans le trouver. Elle le cherchait toujours quand elle vit, du coin de I’œil, la vieille femme se glisser vers la porte en tenant dans ses mains une cage d’oiseau qu’elle voulait emporter dehors. D’un bond, elle fut sur elle et lui enleva des mains cette cage, dans laquelle elle vit qu’il y avait un oiseau; et cet oiseau avait la bague dans son bec! Elle s’empara de l’anneau qu’elle emporta, tout heureuse, en courant hors de la maison, s’attendant à voir la colombe arriver pour le recevoir. Mais la colombe n’était pas là et ne vint point. Alors elle se laissa tomber au pied d’un arbre, un peu déçue, mais décidée en tout cas à l’attendre; et alors il lui sembla que l’arbre se penchait sur elle et la serrait tendrement dans ses branches. L’étreinte se fit insistante et elle se rendit compte, soudain, que c’étaient bien deux bras qui la serraient; elle tourna un peu la tête et s’aperçut que l’arbre n’était plus un arbre, mais un bel homme qui l’enlaçait avec amour et l’embrassait de tout son cœur avant de lui dire avec émotion.:
– Tu m’as délivré du pouvoir de la vieille, qui est une méchante sorcière. C’est elle qui m’avait changé en arbre, et pendant quelques heures, chaque jour, j’étais une colombe blanche; mais tant qu’elle gardait l’anneau en sa possession, je ne pouvais pas reprendre ma forme humaine. Le sort avait également frappé les serviteurs et les chevaux du jeune seigneur, qui furent délivrés en même temps que lui, après avoir été, tout comme lui, changés en arbre à ses côtés. Ils reprirent leur voyage avec la jeune fille et chevauchèrent jusque dans leur royaume, car le jeune seigneur était le fils d’un roi. Alors, ils se marièrent et ils vécurent heureux.
La Vieille mendiante
Il était une fois une vieille femme comme tu en as certainement vu déjà. une vieille femme qui mendiait. Celle-là mendiait donc, et à chaque fois qu’on lui donnait quelque chose, elle disait: «Dieu vous le rende!» Mais elle vint un jour sur le seuil d’un gai luron qui se réchauffait au coin du feu et qui lui dit gentiment, en la voyant trembler à la porte: «Mais entrez donc, grand-mère, et réchauffez-vous!» La pauvre vieille s’avança et s’approcha si près du feu que ses loques s’enflammèrent et commencèrent à brûler, sans qu’elle s’en aperçût. Le jeune et gai luron s’en aperçut fort bien, lui qui se trouvait là, au coin du feu. Il aurait dû éteindre. N’est-ce pas qu’il aurait dû éteindre? Et s’il n’avait pas d’eau sous la main, il pouvait pleurer toutes les larmes de son cœur et éteindre le feu avec les deux rigoles ruisselant de ses yeux.
Le Renard et le cheval
Un paysan avait un vieux cheval fidèle, mais si vieux qu’il n’était plus bon à rien; alors son maître, qui ne voulait plus nourrir cette bouche inutile, lui parla comme ceci:
– Il est clair que je ne peux plus me servir de toi, et bien que j’aie pour toi les meilleurs sentiments, je ne pourrai te garder et continuer à te nourrir que si tu te montres assez fort pour m’amener un lion ici. Fn attendant, tu vas sortir immédiatement de l’écurie! Le pauvre cheval s’en alla tristement à travers les prés, se dirigeant vers la forêt, où il pourrait au moins trouver un abri contre le mauvais temps. Sur son chemin, il rencontra le renard qui lui demanda pourquoi il avait ainsi la tête basse, le pas lent et l’air si abandonné.
– Hélas! dit le cheval, lésine et loyauté ne sauraient partager le même toit! Mon maître a vite oublié les nombreuses années pendant lesquelles j’ai trimé pour lui, et parce que je ne puis plus guère labourer, maintenant que j’ai vieilli, il me chasse et ne veut plus me nourrir.
– Comme cela, sans la moindre consolation? s’informa le renard.
– Piètre consolation que la sienne! Il m’a dit que si je me montrais assez fort pour lui amener un lion, il me garderait; mais il sait fort bien que j’en suis incapable.