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– Cela, dit le mari, je le ferai avec plaisir!

Et le soir, quand ils eurent tout fini, ils déposèrent leurs cadeaux sur l’établi, à la place du cuir découpé qui s’y entassait d’habitude, et ils allèrent se cacher de nouveaux pour voir comment ils recevraient leur présent. À minuit, les lutins arrivèrent en sautillant pour se mettre au travail; quand ils trouvèrent sur l’établi, au lieu du cuir, les petits vêtements préparés pour eux, ils marquèrent de l’étonnement d’abord, puis une grande joie à voir les jolies petites choses, dont ils ne tardèrent pas à s’habiller des pieds à la tête en un clin d’œil, pour se mettre aussitôt à chanter:

– Maintenant nous voilà comme de vrais dandys!

Pourquoi jouer encor les cordonniers ici?

Joyeux et bondissants, ils se mirent à danser dans l’atelier, à gambader comme de petits fous, sautant par-dessus chaises et bancs, pour gagner finalement la porte et s’en aller, toujours dansants. Depuis lors, on ne les a plus revus; mais pour le cordonnier tout alla bien jusqu’à son dernier jour, et tout lui réussit dans ses activités comme dans ses entreprises.

II

Il y avait une fois une pauvre servante qui était travailleuse et propre, qui balayait soigneusement chaque jour la maison et portait les ordures sur un grand tas devant la porte. Un matin, de bonne heure, comme elle arrivait déjà pour se mettre au travail, elle y trouva une lettre; mais comme elle ne savait pas lire, elle laissa son balai dans un coin, ce matin-là, et alla montrer la lettre à ses maîtres. C’était une invitation des lutins qui demandaient à la servante de servir de marraine à l’un de leurs enfants. Elle n’était pas décidée et ne savait que faire, mais à la fin, après beaucoup de paroles, ses maîtres réussirent à la convaincre qu’on ne pouvait pas refuser une invitation de cette sorte, et elle l’admit. Trois lutins vinrent la chercher pour la conduire dans une montagne creuse où vivaient les petits hommes. Tout y était petit, mais si délicat, si exquis qu’on ne peut pas le dire. L’accouchée reposait dans un lit noir d’ébène poli, à rosaces de perles, avec des couvertures brodées d’or; le minuscule berceau était d’ivoire et la baignoire d’or massif.

La servante tint l’enfant sur les fonts baptismaux, puis voulut s’en retourner chez ses maîtres, mais les lutins la prièrent instamment de demeurer trois jours avec eux. Elle accepta et demeura ces trois jours, qu’elle passa en plaisir est en joie, car les petits hommes la comblèrent de tous ce qu’elle aimait. Quand enfin elle voulut prendre le chemin du retour, ils lui bourrèrent les poches d’or et l’accompagnèrent gentiment au bas de la montagne. Arrivée à la maison, comme elle pensait avoir perdu assez de temps, elle s’en alla tout droit chercher le balai qui était toujours dans son coin. Elle commençait à balayer, quand des gens qu’elle n’avait jamais vus descendirent et virent lui demander qui elle était et ce qu’elle désirait. Parce que ce n’étaient pas trois jours, mais bien sept ans qu’elle avait passés chez les petits hommes de la montagne; et ses anciens patrons étaient morts dans l’intervalle.

III

Une mère avait eu son enfant enlevé du berceau par les lutins qui avaient mis à sa place un petit monstre à grosse tête avec le regard fixe, occupé seulement de boire et de manger. Dans sa détresse, elle alla demander conseil à sa voisine, qui lui dit de porter le petit monstre à la cuisine, de l’installer devant la cheminée et d’allumer le feu pour faire bouillir de l’eau dans deux coquilles d’œuf:

– Le monstre ne pourra pas s’empêcher de rire, lui dit-elle, et dès l’instant qu’il rit, c’en est fini de lui.

La femme fit tout ce que sa voisine lui avait dit de faire, et Grosse-Tête, en la voyant mettre l’eau à bouillir dans des coquilles d’œufs, parla:

– Moi qui suis vieux pourtant

Comme les bois de Prusse,

Je n’avais jamais vu cuisiner et dans un œuf!

Et le voilà qui éclate de rire, et il riait encore quand déjà surgissait toute une foule de lutins qui rapportèrent le véritable enfant, l’installèrent devant le feu et emportèrent avec eux le monstre à grosse tête.

La Maisonnée

– Toi, où tu vas? – Moi? Mais à Walpe. – Tu vas à Walpe, je vais à Walpe, alors ça va, on y va donc ensemble.

– Es-tu mariée aussi? Comment s’appelle ton mari? – Henri, c’est mon mari. – Ton mari c’est Henri, mon mari c’est Henri, tu vas à Walpe, je vais à Walpe, alors ça va, on y va donc ensemble.

– Et tu as un enfant aussi? Comment s’appelle ton petit? – Mon petit? Bris. – Ton petit, Bris; mon petit, Bris; ton mari c’est Henri, mon mari c’est Henri; tu vas à Walpe, je vais à Walpe, alors ça va, on y va donc ensemble.

– Un berceau, t’en as un? Comment s’appelle ton berceau? – Hippoleau. – Hippoleau ton berceau, Hippoleau mon berceau; ton petit Bris, mon petit Bris, et ton mari Henri et mon mari Henri; tu vas à Walpe, je vais à Walpe, alors ça va, on y va donc ensemble.

– Et un valet? Comment s’appelle ton valet? – Son nom c’est Bienlefait. – Bienlefait ton valet, Bienlefait mon valet; Hippoleau ton berceau, mon berceau Hippoleau -, ton petit Bris, mon petit Bris, et ton mari Henri et Henri mon mari, tu vas à Walpe, je vais à Walpe, alors ça va, on y va donc ensemble, jusque-là.

La Mariée blanche et la mariée noire

Une pauvre paysanne s’en alla dans les champs pour couper le fourrage. Elle y alla avec ses filles – sa propre fille et sa belle-fille. Soudain, Dieu se présenta devant elles sous l’apparence d’un homme pauvre et demanda:

– Pouvez-vous m’indiquer le chemin pour aller au village?

– Il faudra le trouver vous-même, rétorqua la mère.

Et la fille renchérit:

– Quand on a peur de s’égarer, on part accompagné.

Mais la belle-fille proposa:

– Venez, brave homme, je vous guiderai.

Dieu se fâcha contre la mère et la fille, se détourna d’elles, et les fit devenir noires comme la nuit et laides comme le péché. La belle-fille en revanche entra dans ses bonnes grâces; il se laissa accompagner et lorsqu’ils s’approchèrent du village, il la bénit et dit:

– Prononce trois vœux, ils seront exaucés.

– Je désire être belle et pure comme le soleil, dit la jeune fille.

Et immédiatement, elle devint blanche et belle comme une journée de soleil.

– Ensuite, je voudrais une bourse pleine d’écus qui ne désemplirait jamais.

Dieu la lui donna mais il ajouta:

– N’oublie pas le meilleur.

La jeune fille dit alors:

– Mon troisième vœu est la joie éternelle après ma mort.

Dieu l’en assura et se sépara d’elle.

La mère et sa fille rentrèrent à la maison et constatèrent qu’elles étaient toutes les deux laides et noires comme le charbon, tandis que la belle-fille était belle et immaculée. Une plus grande cruauté s’empara alors de leurs cœurs et elles n’eurent plus qu’une idée en tête: lui faire du mal. Or, l’orpheline avait un frère qui s’appelait Régis. Elle l’aimait par-dessus tout. Un jour, Régis lui dit:

– Ma petite sœur, j’ai envie de dessiner ton portrait pour t’avoir toujours à mes côtés. je t’aime tant que je voudrais pouvoir te contempler à tout instant.