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(Les clameurs guerrières recommencent: Marcius charge les Volsques et les poursuit jusqu’aux portes de la ville.)

– Voilà les portes qui s’ouvrent. – Maintenant secondez-moi en braves. C’est pour les vainqueurs que la fortune élargit l’entrée de la ville, et non pour les fuyards: regardez-moi, imitez-moi.

(Il passe les portes et elles se ferment sur lui.)

UN PREMIER SOLDAT. – Audace de fou! Ce ne sera pas moi!

– UN SECOND SOLDAT. – Ni moi.

TROISIÈME SOLDAT. – Vois, les portes se ferment sur lui.

(Les cris continuent.)

TOUS. – Le voilà pris, je le garantis.

TITUS LARTIUS parait. – Marcius! qu’est-il devenu?

TOUS. – Il est mort, seigneur; il n’en faut pas douter.

PREMIER SOLDAT. – Il était sur les talons des fuyards et il est entré dans la ville avec eux. Aussitôt les portes se sont refermées; et il est dans Corioles, seul contre tous ses habitants.

LARTIUS. – Ô mon brave compagnon! plus brave que l’insensible acier de son épée; quand elle plie, il tient bon. Ils n’ont pas osé te suivre, Marcius! – Un diamant de ta grosseur serait moins précieux que toi. Tu étais un guerrier accompli, égal aux vœux de Caton même. Terrible et redoutable, non-seulement dans les coups que tu portais; mais ton farouche regard et le son foudroyant de ta voix faisaient frissonner les ennemis comme si l’univers agité par la fièvre eût tremblé.

(Marcius paraît sanglant, et poursuivi par l’ennemi.)

PREMIER SOLDAT. – Voyez, seigneur. LARTIUS. – Oh! c’est Marcius: courons le sauver ou périr tous avec lui.

(Ils combattent et entrent tous dans la ville.)

SCÈNE V

L’intérieur de la ville.

Quelques Romains chargés de butin.

PREMIER ROMAIN. – Je porterai ces dépouilles à Rome.

SECOND ROMAIN. – Et moi, celles-ci.

TROISIÈME ROMAIN. – Peste soit de ce vil métal! je l’avais pris pour de l’argent.

(On entend toujours dans l’éloignement les cris des combattants. – Marcius et Titus Lartius s’avancent, précédés d’un héraut.)

MARCIUS. – Voyez ces maraudeurs! qui estiment leur temps au prix d’une mauvaise drachme! coussins, cuillers de plomb, morceaux de fers d’un liard, pourpoints que des bourreaux enterreraient avec ceux qui les ont portés; voilà ce que ramassent ces lâches esclaves, avant que le combat soit fini. – Tombons sur eux. – Mais écoutez, quel fracas autour du général ennemi? – Volons à lui! – C’est là qu’est l’homme que mon cœur hait; c’est Aufidius qui massacre nos Romains. Allons, vaillant Titus, prenez un nombre de soldats suffisant pour garder la ville, tandis que moi, avec ceux qui ont du cœur, je vole au secours de Cominius.

LARTIUS. – Digne seigneur, ton sang coule; tu es trop épuisé par ce premier exercice pour entreprendre un second combat.

MARCIUS. – Seigneur, ne me louez point, l’ouvrage que j’ai fait ne m’a pas encore échauffé. Adieu. Ce sang que je perds me soulage, au lieu de m’affaiblir. C’est dans cet état que je veux paraître devant Aufidius, et le combattre.

LARTIUS. – Que la belle déesse de la fortune t’accorde son amour; et que ses charmes puissants détournent l’épée de tes ennemis, vaillant Marcius; que la prospérité te suive comme un page.

MARCIUS. – Ton ami n’est pas au-dessous de ceux qu’elle a placés au plus haut rang. Adieu!

LARTIUS. – Intrépide Marcius! Toi, va sonner ta trompette dans la place publique, et rassemble tous les officiers de la ville: c’est là que je leur ferai connaître mes intentions. Partez.

(Ils sortent.)

SCÈNE VI

Les environs du camp de Cominius.

COMINIUS faisant retraite avec un nombre de soldats.

COMINIUS. – Respirez, mes amis; bien combattu! Nous quittons le champ de bataille en vrais Romains, sans folle témérité dans notre résistance, sans lâcheté dans notre retraite. – Croyez-moi, mes amis, nous serons encore attaqués. – Dans la chaleur de l’action, nous avons entendu par intervalles les charges de nos amis apportées par le vent. Dieux de Rome, accordez-leur le succès que nous désirons pour nous-mêmes! Faites que nos deux armées se rejoignent, le front souriant, et puissent vous offrir ensemble un sacrifice d’actions de grâces! (Un messager paraît.) – Quelles nouvelles?

LE MESSAGER. – Les habitants de Corioles ont fait une sortie et livré bataille à Lartius et Marcius. J’ai vu nos troupes repoussées jusque dans les tranchées et aussitôt je suis parti.

COMINIUS. – Quoique tu dises la vérité, je crois, tu ne parles pas bien. Combien y a-t-il que tu es parti?

LE MESSAGER. – Plus d’une heure, seigneur.

COMINIUS. – Quoi! il n’y a pas un mille de distance. À l’instant nous entendions encore leur tambour. Comment as-tu pu mettre une heure à parcourir un mille, et m’apporter des nouvelles si tardives?

LE MESSAGER. – Les espions des Volsques m’ont donné la chasse, et j’ai été forcé de faire un détour de trois ou quatre milles: sans quoi, seigneur, je vous aurais apporté cette nouvelle une demie-heure plus tôt.

(Marcius arrive.)

COMINIUS. – Quel est ce guerrier là-bas, qui a l’air d’avoir été écorché tout vif. Ô Dieu! il a bien le port de Marcius; ce n’est pas la première fois que je l’ai vu dans cet état!

MARCIUS. – Suis-je venu trop tard?

COMINIUS. – Le berger ne distingue pas mieux le tonnerre du son d’un tambourin, que moi la voix de Marcius de celle de tout homme.

MARCIUS. – Suis-je venu trop tard?

COMINIUS. – Oui, si vous ne revenez pas couvert du sang des ennemis, mais baigné dans votre propre sang.

MARCIUS. – Oh! laissez-moi vous embrasser avec des bras aussi robustes que lorsque je faisais la cour à ma femme, et avec un cœur aussi joyeux qu’à la fin de mes noces, lorsque les flambeaux de l’hymen me guidèrent à la couche nuptiale.

COMINIUS. – Fleur des guerriers, que fait Titus Lartius?

MARCIUS. – Il est occupé à porter des décrets: il condamne les uns à mort, les autres à l’exil; rançonne celui-ci, fait grâce à celui-là ou le menace: il régit Corioles au nom de Rome, et la gouverne comme un docile lévrier caressant la main qui le tient en lesse.

COMINIUS. – Où est ce malheureux qui est venu m’annoncer que les Volsques vous avaient repoussés jusque dans vos tranchées? Où est-il? Qu’on le fasse venir.

MARCIUS. – Laissez-le en paix; il vous a dit la vérité. Mais quant à nos seigneurs les plébéiens… (Peste soit des coquins… des tribuns, voilà tout ce qu’ils méritent), la souris n’a jamais fui le chat comme ils fuyaient devant une canaille encore plus méprisable qu’eux.

COMINIUS. – Mais comment avez-vous pu triompher?

MARCIUS. – Ce temps est-il fait pour l’employer en récits? Je ne crois pas… Où est l’ennemi? Êtes-vous maîtres du champ de bataille? Si vous ne l’êtes pas, pourquoi rester dans l’inaction avant que vous le soyez devenus?