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(Fanfares; acclamations redoublées: tous s’écrient Marcius, vive Marcius! en jetant leurs bonnets en l’air et agitant leurs lances. Cominius et Lartius ôtent leur casques, et restent la tête découverte devant toute l’armée.)

– Puissent ces mêmes instruments que vous profanez perdre à jamais leurs sons, si les tambours et les trompettes doivent se changer en organes de la flatterie sur le champ de bataille! Laissez aux cours et aux cités le privilège de n’offrir que les dehors perfides de l’adulation et de rendre l’acier aussi doux que la soie du parasite. Qu’on les réserve pour donner le signal des combats. C’est assez, vous dis-je. Parce que vous voyez sur mon nez quelques traces de sang que je n’ai pas encore eu le temps de laver, – parce que j’ai terrassé quelques faibles ennemis, exploits qu’ont faits comme moi une foule d’autres soldats qui sont ici, et qu’on ne remarque pas vous me recevez avec des acclamations hyperboliques comme si j’aimais que mon faible mérite fût alimenté par des louanges assaisonnées de mensonge!

COMINIUS. – Vous avez trop de modestie, vous êtes plus ennemi de votre gloire que reconnaissant envers nous, qui vous rendons un hommage sincère. Si vous vous irritez ainsi contre vous-même, vous nous permettrez de vous enchaîner comme un furieux qui cherche à se détruire de ses mains; afin de pouvoir vous parler raison en sûreté. Que toute la terre sache donc comme nous, que c’est Caïus Marcius qui remporte la palme de cette guerre: je lui en donne pour gage mon superbe coursier, connu de tout le camp, avec tous ses ornements; et dès ce moment, en récompense de ce qu’il a fait devant Corioles, je le proclame, au milieu des cris et des applaudissements de toute l’armée, Caïus Marcius Coriolanus – Portez toujours noblement ce surnom.

(Acclamations. – Musique guerrière.)

(Toute l’armée répète: Caïus Marcius Coriolanus!)

MARCIUS. – Je vais laver mon visage; et alors vous verrez s’il est vrai que je rougisse ou non. – N’importe! je vous rends grâces. Je veux monter votre coursier, et dans tous les temps je ferai tous mes efforts pour soutenir le beau surnom que vous me décernez.

COMINIUS. – Allons, entrons dans notre tente; avant de nous livrer au repos, il nous faut instruire Rome de nos succès. Vous, Titus Lartius, retournez à Corioles; et envoyez-nous à Rome les citoyens les plus considérables, afin que nous puissions conférer avec eux, dans leur intérêt comme dans le nôtre.

LARTIUS. – Je vais le faire, seigneur.

MARCIUS. – Les dieux commencent à se jouer de moi: moi, qui viens tout à l’heure de refuser les plus magnifiques présents, je me vois obligé de demander une grâce à mon général.

COMINIUS. – Elle vous est accordée. Quelle est-elle?

MARCIUS. – J’ai passé quelque temps ici à Corioles, chez un pauvre citoyen qui m’a traité en ami. Il a poussé dans le combat un cri vers moi: je l’ai vu faire prisonnier. Mais alors Aufidius a paru devant moi, et la fureur a étouffé ma pitié. Je vous demande la liberté de mon malheureux hôte.

COMINIUS. – Ô noble demande! Fût-il le bourreau de mon fils, il sera libre comme l’air. Rendez-lui la liberté, Titus!

LARTIUS. – Son nom, Marcius?

MARCIUS. – Par Jupiter! je l’ai oublié. – Je suis fatigué, et ma mémoire en est troublée: n’avez-vous point de vin ici?

COMINIUS. – Entrons dans nos tentes: le sang se fige sur votre visage; il est temps que vous preniez soin de vos blessures: allons.

(Ils sortent.)

SCÈNE X

Le camp des Volsques.

Bruit d’instruments militaires: TULLUS AUFIDIUS parait tout sanglant avec deux ou trois officiers.

AUFIDIUS. – La ville est prise.

UN OFFICIER. – Elle sera rendue à de bonnes conditions.

AUFIDIUS. – Des conditions! Je voudrais être Romain… car étant Volsque, je ne puis me montrer tel que je suis. Des conditions! Eh! y a-t-il de bonnes conditions dans un traité pour le parti qui est à la merci du vainqueur? – Marcius, cinq fois j’ai combattu contre toi, et cinq fois tu m’as vaincu; et tu me vaincrais toujours, je crois, quand nos combats se renouvelleraient aussi souvent que nos repas! Mais, j’en jure par les éléments, si je me rencontre encore une fois avec lui face à face, il sera à moi ou je serai à lui. Mon émulation renonce à l’honneur dont elle s’est piquée jusqu’ici; et au lieu d’espérer, comme je l’ai fait, de le terrasser, en luttant en brave et fer contre fer, je lui tendrai quelque piège: il faut qu’il succombe ou sous ma fureur, ou sous mon adresse.

L’OFFICIER. – C’est le démon!

AUFIDIUS. – Il a plus d’audace, mais moins de ruse. Ma valeur est empoisonnée par les affronts qu’elle a reçus de lui; elle change de nature. Ni le sommeil, ni le sanctuaire, ni la nudité, ni la maladie, ni le temple, ni le Capitole, ni les prières des prêtres, ni l’heure du sacrifice, aucune de ces barrières qui s’opposent à la fureur, ne pourront élever leurs privilèges traditionnels et pourris contre la haine que je porte à Marcius. Partout où je le trouverai, dans mes propres foyers, sous la garde de mon frère, là, violant les lois de l’hospitalité, je laverai dans son sang ma cruelle main. – Vous, allez à la ville; voyez comment les Romains la gardent, quels sont les otages qu’ils ont demandés pour Rome.

L’OFFICIER. – N’y viendrez-vous pas vous-même?

AUFIDIUS. – On m’attend au bosquet de cyprès, au sud des moulins de la ville. Je vous prie, revenez m’apprendre en ce lieu quel cours suit la fortune afin que je règle ma marche sur celle des événements.

L’OFFICIER. – J’exécuterai vos ordres, seigneur.

(Ils sortent.)

FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE DEUXIÈME

SCÈNE I

La ville de Rome. Place publique. MÉNÉNIUS, SICINIUS ET BRUTUS.

MÉNÉNIUS. – L’augure m’a dit que nous aurions des nouvelles ce soir.

BRUTUS. – Bonnes ou mauvaises?

MÉNÉNIUS. – Peu favorables aux vœux du peuple; car il n’aime pas Marcius.

SICINIUS. – La nature enseigne aux animaux à distinguer leurs amis.

MÉNÉNIUS. – Quel est, je vous prie, l’animal que le loup aime?

SICINIUS. – L’agneau.

MÉNÉNIUS. – Oui, pour le dévorer comme vos plébéiens, toujours affamés, voudraient dévorer le noble Marcius.

BRUTUS. – C’est un agneau, qui bêle comme un ours.

MÉNÉNIUS. – Un ours? soit: mais qui vit comme un agneau. Vous êtes vieux tous les deux; répondez à une question.

TOUS DEUX. – Voyons cette question.

MÉNÉNIUS. – Quel est le vice manquant à Marcius que vous n’ayez vous deux en abondance?

BRUTUS. – Il ne lui manque aucun défaut; il est richement pourvu.

SICINIUS. – D’orgueil en particulier.

BRUTUS. – Et par-dessus tout de jactance.

MÉNÉNIUS. – Voilà qui est étrange! Et vous deux, savez-vous le blâme dont vous êtes l’objet dans la ville? Je veux dire de la part des gens de notre ordre? le savez-vous?

LES DEUX TRIBUNS. – Comment, de quel blâme pouvons-nous être l’objet?