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Jusque-là, ça allait. Pas génial et avec une marge d’erreur encore beaucoup trop grande, mais, si les unités mobiles bouclaient rapidement leur tâche, il n’aurait pas à gaspiller un surcroît de cellules d’énergie en freinant davantage la vélocité de la flotte.

Il se rejeta en arrière et constata que le capitaine Desjani s’efforçait de dissimuler sa curiosité. « Les Syndics ont laissé leur matériel en activité dans l’installation minière, lui expliqua-t-il.

— Les salauds ! répondit-elle en fronçant les sourcils. Ils savaient que nous les supposerions piégés.

— Ouais. Mais le Titan dispose de deux machins mobiles d’extraction qu’il envoie récupérer les réserves. » Geary se tourna vers Rione pour la faire participer à la discussion. « Les fusiliers sont en train de couper l’équipement syndic. »

Rione secoua la tête. « Il y a de fortes chances pour qu’ils n’aient pas eu le temps de concevoir des pièges très élaborés, mais nous devons agir comme si c’était effectivement le cas.

— Ils nous ont tendu des chausse-trappes partout où nous les avons croisés. » Geary regarda la trajectoire des navettes du Titan s’incurver vers la lune, en regrettant que l’ennemi ne fût pas un peu moins tortueux et sa propre flotte dans une situation un peu moins périlleuse.

La voix du sous-officier qui supervisait les MEU du Titan se fit empreinte de respect obséquieux quand il eut la surprise d’entendre Geary s’adresser directement à lui. « C’est un honneur de vous parler, capitaine. »

Geary tenta de masquer le mécontentement que lui inspiraient l’adulation et la vénération du héros qu’elle trahissait. Les spatiaux de la flotte étaient encore plus enclins que leurs officiers à se persuader qu’il avait été envoyé par les vivantes étoiles pour sauver l’Alliance, et cette flotte en particulier ; et qu’il était bel et bien le légendaire « Black Jack » Geary du passé. Mais, bien que lui-même s’efforçât de son mieux de ne pas s’en persuader, il devait respecter leur conviction. « Vous avez une minute, chef ? Pour discuter de votre matériel ? » Un calme plat régnait par ailleurs, mais Geary se sentait obligé de rester sur la passerelle jusqu’à la fin de ce bazar, et, de toute façon, les MEU piquaient sa curiosité.

La vue retransmise par le casque du chef montrait un des flancs de l’installation minière. Les grandes portes donnant accès aux réserves de minerai extrait et raffiné avaient été arrachées de leurs gonds par les fusiliers, ravis de prendre une tête d’avance sur la destruction de l’installation syndic. Les silhouettes massives des deux MEU avaient labouré de leurs chenilles la surface de la lune, broyant ou bousculant au passage quelques barrières de sécurité des Syndics, et elles attendaient à présent devant ces accès.

« Oui, capitaine, répondit le chef. Les équipes des meuh-meuh sont en train de manœuvrer leurs vaches, et je ne suis là qu’en cas de besoin. »

Leurs vaches. Le sobriquet n’était pas plus absurde qu’un autre pour désigner un engin dont l’acronyme officiel était MEU. « Je ne suis pas très informé de votre matériel, chef. Que pouvez-vous m’en dire ? » Il avait déjà tenté de chercher des informations dans la bibliothèque en ligne de l’Indomptable mais s’était retrouvé noyé dans une masse énorme de documents dont aucun ne semblait contenir un seul schéma limpide ou explication claire sur les capacités de ces MEU. Après avoir vainement pataugé dans un fatras de données complexes, il avait décidé de s’en remettre à son entraînement de jeune aspirant : quand vous avez besoin d’un renseignement, demandez à un sous-off.

Celui-là ne semblait pas croire qu’on pût enseigner quelque chose au grand Black Jack Geary. « La technologie n’a pas beaucoup évolué depuis… euh… depuis…

—… le siècle dernier ? suggéra sèchement Geary. Je n’en étais guère informé à l’époque, chef. Je n’en voyais pas la nécessité.

— Oh… oui, capitaine. Eh bien, comme je l’ai dit, la technologie n’a pas beaucoup changé. Ce sont des engins simples et robustes. Tout ce qu’on a essayé à la place était plus compliqué, plus cher, plus fragile et… vous voyez, quoi ?

— Certainement, chef », convint Geary en se remémorant nombre « d’améliorations » qui, apportées aux systèmes des vaisseaux, l’exaspéraient déjà un siècle plus tôt parce qu’elles créaient de nouveaux problèmes à un matériel fonctionnant à la perfection avant d’être amendé et transformé en un tas de ferraille aussi capricieux que sujet à la panne. « Content qu’on vous ait au moins laissé un matos qui marche bien. Que font vos “vaches” pour l’instant ? Elles attendent l’autorisation d’entrer dans l’installation ?

— Non, capitaine ! Elles n’auront pas besoin de s’y enfoncer plus profondément. Elles envoient des vers, capitaine. Une fois qu’ils sont…

— Des vers ?

— Oui, capitaine. »

La vue transmise par le casque du chef changea, pour se focaliser sur l’avant d’une des meuh-meuh et zoomer ensuite dessus. S’en éloignait ce qui ressemblait à un faisceau de câbles extrêmement ténus qui s’enfonçaient dans les bâtiments de stockage. « Vous voyez ces fils, capitaine ? Chacun est connecté à un ver. On les appelle comme ça parce qu’ils ont à peu près la même taille et opèrent de la même façon. Ils mangent la terre. Ou la roche.

— Comment font-ils pour traverser la roche ? s’enquit Geary.

— Leur orifice frontal… leur bouche… est armé de petits canons générateurs d’ondes de choc. Les vers identifient la structure de la roche et envoient des vibrations puisées qui la pulvérisent devant eux. En l’occurrence, bien sûr, le minerai est déjà extrait, de sorte qu’ils traversent des amas de métal solide. Les vers mangent la poussière et continuent de progresser en opérant de la même manière. À l’intérieur des vers, cette poussière est analysée au niveau moléculaire par des senseurs, puis ressort à l’autre bout. Exactement comme un lombric, comme je l’ai dit, capitaine.

— À quoi servent les câbles ?

— À les manœuvrer, les contrôler et les alimenter en énergie, capitaine. Un ver extracteur doit pouvoir se déplacer beaucoup plus vite qu’un lombric et sans discontinuer, si bien qu’il a besoin de beaucoup plus d’énergie qu’il ne pourrait en contenir, compte tenu de sa taille. Et nous ne tenons pas à répandre dans cet environnement des radiations incontrôlées… à cause des gaz explosifs, des détonateurs et ainsi de suite, vous voyez… ni à ce que notre connexion aux vers soit bloquée par des métaux ou d’autres obstacles, aussi toutes les communications avec eux passent-elles par ces câbles. » La vue transmise par le chef pivota encore pour se fixer sur les fils qui s’introduisaient dans les bâtiments. « Lors d’une opération d’extraction ordinaire, les vers sortent, creusent sous la surface et trouvent les veines ou les filons de minerai requis. Ici, nous savons déjà où se trouvent les stocks, de sorte que les vers forent des tunnels dans ces réserves, identifient le contenu de chacune et décèlent une éventuelle contamination ou des morgellons. »

Des morgellons. Ou des nanobugs. Geary savait au moins cela : il s’agissait de minuscules insectes technologiques implantés dans le matériel pour créer des pannes quand la chaleur ou la pression les activaient. « Je croyais les morgellons interdits parce que trop difficiles à contrôler ? »

Le haussement d’épaules du chef ne lui échappa pas. « En effet, capitaine. Mais un tas de choses sont interdites, si vous voyez ce que je veux dire.

— Oui, chef. Parfaitement. » Interdites mais pas inemployées. Ni par les Syndics ni par l’Alliance, ainsi que Geary l’avait appris avec stupéfaction. Une guerre longue d’un siècle n’engendre que trop aisément un mépris de la loi et de la vie humaine. « A-t-on repéré des problèmes jusque-là ?