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— Non, capitaine. Nous laissons aux vers le temps de contrôler convenablement les échantillons avant d’envoyer les taupes.

— Les taupes ?

— Oui, capitaine. De fait, elles sortent, creusent le minerai, le chargent à leur bord et le rapportent à la vache. Les vaches sont dotées de taupes grosses et petites, selon les quantités qu’on cherche à récupérer. Nous pourrions même en atteler une de taille monstrueuse à la vache, mais le Titan n’en a qu’une seule. Celle-là se contente de creuser un énorme trou dans le minerai pour le lui rapporter par un tube convoyeur fixé à son cul. » Le chef garda un instant le silence puis reprit la parole d’une voix légèrement étouffée. « Excusez-moi, capitaine… le minerai est ensuite expédié par son portail d’expulsion arrière.

— J’avais compris, chef. » Geary prit le temps de réfléchir à l’information, tout en regardant des formes sombres s’éloigner en trottinant des vaches pour pénétrer dans la zone de stockage syndic, entraînant chacune derrière elle son câble respectif. « Tout a donc l’air de bien se passer ?

— Oui, capitaine. Nous avons mélangé grosses et petites taupes parce qu’on nous a ordonné de charger le minerai et de ramener le plus vite possible les vaches à bord des navettes.

— Exact. Merci, chef. Je vous suis reconnaissant de cette mise au point. » Geary coupa la communication et cligna des yeux pour accommoder sur l’écran qui montrait sa flotte. Tout allait bien jusque-là, et c’était la première fois qu’il s’en persuadait depuis un bon moment.

Desjani bâilla. « Pardon, capitaine.

— Je suis dans le même état. Au moins ai-je pu m’informer de ces vaches dont se servent les ingénieurs.

— Des vaches ?

— Ouais. Équipées de vers et de taupes. »

Elle sourit. « Vous êtes bien sûr que vous n’étiez pas en train de parler avec les cuistots de ce qu’on nous fait bâfrer ? »

Manger. Depuis quand s’attardait-il sur la passerelle, au fait ? Son estomac grondait.

Desjani sourit de nouveau, chercha dans sa poche et lui tendit une barre énergétique. « J’en porte toujours quelques-unes sur moi.

— Merci. Rappelez-moi de mentionner votre prévoyance quand je procéderai à votre prochaine évaluation. » Il prit la ration, se demanda s’il devait d’abord lire l’étiquette ou se contenter de deviner ce qu’elle contenait, puis décida qu’il préférait ne pas le savoir. Encore autre chose qui n’avait pas changé en un siècle. Dans un effort mal avisé pour satisfaire les goûts de chacun et refléter la grande diversité des cuisines des nombreuses planètes de l’Alliance, les barres énergétiques avaient été prétendument conçues pour respecter le plus large spectre des saveurs. Si bien que celles qu’offraient les réfectoires de la flotte étaient révoltantes pour tout le monde, quel que fût votre monde natal.

Il ôta l’emballage, mordit une bouchée puis se résigna à lire l’étiquette : « Forshukyen Solos ? Qu’est-ce que ça peut bien être, foutredieu ? » Il déchiffra les petits caractères d’imprimerie. « “Le plat favori des planètes du système d’Hokaïden.” Tu parles !

— Efforcez-vous d’éviter les barres Danaka Yoru, lui conseilla Desjani.

— On les fabrique encore ? À leur sortie, on voulait les vendre aux Syndics, mais… » On craignait qu’ils ne nous déclarent la guerre par mesure de représailles. Cette blague était bien plus drôle avant qu’ils ne la déclarent effectivement.

Desjani eut le bon sens de ne pas lui demander pourquoi il ne terminait pas sa phrase. « Il me semble qu’on a cessé de les produire il y a très longtemps, mais qu’on cherche encore à se débarrasser des surplus. » Elle s’esclaffa, et les rides dont ces années avaient strié son visage s’adoucirent, le faisant paraître plus jeune.

Geary lui retourna son sourire, ravi de pouvoir se plaindre de la cuisine de la flotte même devant une femme qui le prenait pour un héros de légende. Ce badinage familier, établissant des passerelles avec des gens et des lieux qu’il avait connus, lui donnait l’impression d’être un peu moins déplacé dans ce monde.

Les éléments trace dont avaient besoin ses auxiliaires s’engouffraient rapidement dans les vaches du Titan. Geary étudia de nouveau les mouvements de sa flotte et sentit poindre une migraine en constatant qu’on se rapprochait très vite de l’heure butoir. Tout retard le contraindrait à perdre du temps et gaspiller des cellules d’énergie en manœuvres de décélération.

Comme à point nommé, un signal d’alarme se mit à clignoter sur celui de ses écrans qui affichait la situation à la surface de la lune. Alors même qu’il concentrait son attention dessus, le visage de Carabali réapparut. « Les Syndics réfugiés dans les galeries tentent une sortie. Ils échangent des coups de feu avec les fusiliers qui gardent les issues. »

Un accrochage au sol était bien la dernière chose dont il avait besoin. Les Syndics l’avaient sans doute pressenti, et ils consentaient à sacrifier quelques-uns des leurs dans le seul but de ralentir un peu plus la flotte de l’Alliance. Il inspira profondément, se rejeta en arrière pour réfléchir, puis son regard se posa sur l’écran où s’affichait la flotte. Oh, bon sang ! Pour une fois, c’est tout simple. « Colonel Carabali, préparez-vous à replier vos fusiliers vers les navettes. Veillez à ce que les vaches du Titan restent protégées du feu ennemi jusqu’à ce qu’elles soient chargées et que leurs navettes aient décollé. »

Le colonel fronça légèrement les sourcils. « Les vaches, capitaine ?

— Les meuh-meuh. » C’était grotesque. « Les mobiles d’extraction unitaires.

— Oh ! Oui, capitaine. Dès que mes fusiliers se replieront, les Syndics sortiront de leur trou.

— Je ne pense pas, colonel. Du moins pas tant que l’Exemplaire et le Cœur de Lion braqueront leurs lances de l’enfer sur eux. De quelle marge de sécurité avez-vous besoin pour soustraire vos hommes au tir de ces vaisseaux ? »

Le front de Carabali se plissa davantage. « Avec tout le respect que je vous dois, nous aimerions autant nous trouver le plus loin possible quand la flotte commencera à bombarder ce secteur. »

Sans doute bien compréhensible mais guère utile. Geary jeta un regard à Desjani. « Quelle précision de tir pourrions-nous obtenir des lances de l’enfer de l’Exemplaire et du Cœur de Lion s’ils recommençaient à tirer sur les Syndics ? Les fusiliers sont inquiets. »

Desjani grogna. « Quand ces deux vaisseaux sont si près de leurs cibles et en position relative pratiquement fixe ? Dans de telles conditions, il serait pratiquement impossible à une lance de l’enfer de les rater avec une marge d’erreur appréciable. De l’ordre de moins d’un centimètre, je veux dire. Ces fusiliers seraient en sécurité même à dix mètres du point visé. »

Pour sa part, Geary n’aurait pas aimé se trouver à dix mètres de la cible d’une lance de l’enfer, mais il se garda bien de le dire à haute voix. « Colonel, une zone de sécurité de deux cents mètres entre vos fusiliers et le bombardement vous semble-t-elle convenable ?

— Pourrait-on l’élargir à trois cents, capitaine ? » Oh, pour… Malgré tout, j’ai ordonné aux fusiliers d’entrer dans l’installation alors qu’il aurait pu s’agir d’un guet-apens. Je leur dois bien ça. « Très bien. Trois cents. Dès que votre fusilier le plus proche des galeries s’en sera éloigné de cette distance, l’Exemplaire et le Cœur de Lion ouvriront le feu sur les Syndics qui tenteraient de s’en échapper. »