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Le visage du colonel s’illumina. « Pourriez-vous ordonner un tir de barrage nourri, capitaine ? À mesure que mes gars se retireront, les vaisseaux pourront bombarder l’installation derrière eux, en prenant de l’avance sur sa démolition et en décourageant toute poursuite.

— Excellente suggestion, colonel. Je vais transmettre aux vaisseaux. » Un nouveau message s’afficha : « Les vaches ont ramassé tout ce dont nous avions besoin et se dirigent vers les navettes.

— Je vais préparer les fusiliers à se replier sur elles. » L’image de Carabali salua et disparut.

Geary appela les deux cuirassés de reconnaissance, s’assura qu’ils avaient bien compris ses ordres et ajouta une exigence : l’installation minière devrait être entièrement détruite à l’exception de quelques salles et de leurs supports vitaux. Sans doute la vie ne serait-elle pas facile pour les Syndics qui resteraient, du moins tant que la planète habitée n’aurait pas envoyé des bâtiments pour les récupérer, mais, dans la mesure où ils auraient pu être massacrés jusqu’au dernier par les vaisseaux de l’Alliance, Geary se persuadait qu’ils n’avaient pas trop à se plaindre.

L’activité reprenait donc mais à une allure d’escargot, apparemment, si l’on en jugeait par la lenteur avec laquelle les symboles représentant les vaches et les fusiliers regagnaient leurs navettes respectives. Habitué à des vélocités mesurées en dixièmes de celle de la lumière, Geary s’étonna du temps qu’exigeait le franchissement de quelques centaines de pas à la surface d’une planète.

Les Syndics ne mirent pas longtemps à comprendre que les fusiliers se retiraient : des silhouettes éparses se déversèrent bientôt par les puits d’accès aux galeries de la mine. Or les plus proches fusiliers de l’Alliance se trouvaient encore à trois cents mètres. Geary croisa les doigts, mais les deux cuirassés de reconnaissance retinrent leur tir quand les Syndics se lancèrent à la poursuite des derniers, qui battaient lentement en retraite.

À ce train, jamais ils ne mettraient trois cents mètres entre eux et l’ennemi.

Mais peu importait peut-être. L’Exemplaire puis le Cœur de Lion ouvrirent le feu ; leurs lances de l’enfer labourèrent en dansant la zone proche des puits d’accès, leurs javelots chargés de particules lacérant métal, roche et corps humains. Geary fixait l’écran et voyait disparaître en rapide succession les symboles représentant les Syndics à mesure que les lances de l’enfer touchaient chaque individu de plein fouet et le vaporisait avec tout ce qui se trouvait dans le voisinage.

Trois cents mètres séparaient encore les Syndics des fusiliers les plus proches, mais leur progression s’interrompit quand ils prirent conscience de l’enfer qui se déchaînait derrière eux. Réaction sans doute parfaitement naturelle mais aussi la pire de toutes. Les fusiliers continuèrent de se replier et leurs poursuivants se retrouvèrent hors de la zone de sécurité de trois cents mètres : les lances de l’enfer les atomisèrent.

Les senseurs de la flotte ne repéraient plus aucune présence syndic à la surface. Quelques-uns de ceux qui s’étaient lancés à la poursuite des fusiliers avaient peut-être survécu, planqués sous les décombres de l’installation pendant que l’Exemplaire et le Cœur de Lion s’acharnaient frénétiquement à la réduire en miettes. Mais peu importait, puisque rien ne bougeait plus dans la zone de tir, sinon des édifices qui s’effondraient ou les débris expulsés des points d’impact.

Douillettement éloignées de ce champ de dévastation, les navettes qui emportaient les vaches commencèrent de décoller. Tout autour, les fusiliers continuaient de se replier vers leurs véhicules en sections bien ordonnées. Pendant que Geary observait le spectacle sur son écran, ils bondirent dans l’espace derrière les gros appareils à charge lourde rapportant au Titan, qui les répartirait ensuite entre les autres auxiliaires, les éléments trace requis.

Deux minutes de plus et Geary aurait dû ordonner à la flotte de ralentir pour leur permettre de la rattraper. Mais la jonction était encore jouable.

Il expira longuement. Encore une crise de surmontée.

Je me demande quel visage prendra la prochaine.

« Félicitations à tous ceux qui ont contribué au succès de la dernière opération. » Geary indiqua d’un signe de tête le colonel Carabali, les capitaines Tyrosian et Lommand, et les commandants de l’Exemplaire et du Cœur de Lion. « Le capitaine Tyrosian m’informe que les éléments trace exigés sont d’ores et déjà redistribués, pendant que nous nous entretenons, sur les quatre auxiliaires. Les munitions et cellules d’énergie déjà manufacturées ont été livrées aux vaisseaux. Dès les dernières livraisons effectuées et les navettes récupérées, nous piquerons vers le point de saut pour quitter le système de Baldur. »

Tous ne semblaient pas partager l’opinion de Geary sur Tyrosian et Lommand. Les commandants Casia du Conquérant et Yin de l’Orion avaient adressé un sourire approbateur à ceux des cuirassés de reconnaissance mais montré un visage de marbre aux officiers du génie. Geary prit le temps de balayer les deux flancs de la très longue table virtuelle du regard, en s’efforçant d’estimer le nombre de ses officiers qui prenaient modèle sur Casia et Yin. Peu d’entre eux, apparemment, mais on pouvait difficilement en juger, et Geary soupçonnait ses plus dangereux adversaires de ne pas manifester leur hostilité aussi ouvertement que ces deux-là.

Néanmoins, savoir que les individus qui refusaient de reconnaître son autorité sur la flotte tentaient de se servir des deux ingénieurs comme d’un moyen de le brouiller avec ses autres commandants n’en restait pas moins aussi exaspérant que critique.

« Capitaine Geary », l’interpella une voix qu’il ne connaissait pas encore. Il mit un bon moment à identifier son propriétaire malgré l’assistance du logiciel qui présidait à la réunion et avait obligeamment, surligné le nom d’un officier installé non loin à la table : Badaya, commandant de l’Illustre ainsi que du reliquat de la sixième division de croiseurs de combat, laquelle ne se composait plus que de ce vaisseau et de l’Incroyable. « Capitaine Geary, répéta lentement Badaya, comme s’il réfléchissait en même temps. Avant que nous n’abordions d’autres sujets, j’aimerais personnellement en soulever un. Nous devons affronter d’énormes difficultés pour regagner l’espace de l’Alliance et nous ne pouvons guère nous permettre de perdre notre temps à réfléchir à des moyens de frapper le plus durement possible les Syndics. Comme à Sancerre. J’ai réfléchi à ce qui s’était passé là-bas. »

Ça pouvait signifier nombre de choses et Badaya n’avait pas l’air de remettre en question son autorité, de sorte que Geary se contenta d’acquiescer d’un coup de tête et d’attendre la suite.

« Le portail de l’hypernet de Sancerre… reprit Badaya. Quand il s’est effondré, la décharge d’énergie a mis les boucliers de nos vaisseaux à rude épreuve. Je crois comprendre que les opérations entreprises par l’Indomptable, le Diamant et l’Audacieux en ont restreint la violence. » Il marqua une pause.

Ses paroles prenaient un chemin que Geary aurait préféré éviter, mais il voyait mal comment imposer le silence à cet officier sans attirer davantage l’attention sur ce sujet. Pour une fois, Geary s’estimait heureux que la coprésidente Rione n’assistât point aux réunions stratégiques. Si elle avait été présente, il n’aurait pas pu s’empêcher de couler un regard dans sa direction, ce qui aurait sans doute persuadé certains que Rione et lui détenaient des informations qu’ils ne partageaient pas avec autrui. « C’est exact, répondit-il calmement.