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Parmi les autres choix possibles, restait encore T’negu, accessible depuis Lakota comme depuis Ixion. Son point de saut serait-il miné et surveillé ? La flotte de l’Alliance n’était pas censée gagner ce système depuis Lakota. Celui de Seruta, ignoré par l’hypernet et doté d’une unique planète habitée, monde aride dont la population se chiffrait malgré tout en dizaines de millions et hébergeant un éparpillement d’installations extraplanétaires, ne lui plaisait que moyennement. Il ne présentait aucune menace particulière mais éloignait de nouveau la flotte de l’espace de l’Alliance. Et bien entendu Ixion, d’où ils venaient.

Pas franchement séduisant, mais déjà mieux que tout autre système où il aurait pu conduire la flotte.

« Cinq minutes avant émergence », annonça une vigie, le tirant en sursaut de ses réflexions.

Desjani tapota une touche de l’intercom. « Tout le monde se prépare au combat. Rappelez-vous que le capitaine Geary nous regarde. »

Celui-ci réprima une grimace puis, sur un coup de tête, se tourna vers Rione pour voir sa réaction. Elle lui rendit son regard, le visage indéchiffrable. Mais la nervosité se lisait dans ses yeux.

« Une minute avant émergence. »

Geary s’efforça d’apaiser sa respiration en se concentrant sur l’hologramme qui, suspendu devant lui, affichait à présent Lakota, ainsi que les renseignements des vieilles archives sur cette étoile et la présence syndic dans le système. Dans quelques instants, quand la flotte émergerait dans l’espace conventionnel et que ses senseurs scanneraient des informations ignorées de ces archives, l’écran procéderait à une frénétique mise à jour des données.

« Attention ! Émergence ! »

La grisaille vira au noir profond puis, l’Indomptable venant de négocier le virage serré préprogrammé par les systèmes de manœuvre, Geary se sentit plaqué de côté. Tout autour du vaisseau amiral, les autres bâtiments du corps principal l’imitaient. Plus haut, l’avant-garde l’avait déjà largement entamé et les sous-formations qui le flanquaient épousaient le mouvement. Quelques instants plus tard, l’arrière-garde émergeait à son tour du point de saut et virait elle aussi sur bâbord.

« Où sont les mines ? » s’enquit Desjani avant de sourire avec morosité : les balises d’avertissement commençaient de surgir l’une après l’autre sur les écrans. Un champ de mines compact flottait effectivement le long de la trajectoire d’émergence en ligne droite. La flotte avait pivoté de telle manière que ses formations en disque se déplaçaient comme autant de pièces de monnaie parallèles dont la tranche roulerait sur un plan lisse. Le champ de mines dérivait maintenant par tribord, inoffensif.

Arrachant le regard à la menace la plus immédiate, Geary fouilla l’espace des yeux en quête de vaisseaux ennemis. Aucun à la sortie du point de saut, aucun à proximité. Il chercha plus loin, incrédule, sidéré par l’absence d’une force d’interception, jusqu’à ce que son regard avise le portail de l’hypernet.

La flottille syndic prévue les y attendait bel et bien ; elle croisait juste devant, épousant probablement la trajectoire immuable d’une patrouille. « La formation syndic Alpha se compose de six cuirassés, de quatre croiseurs de combat, de neuf croiseurs lourds, de treize croiseurs légers et de vingt avisos, annonça la vigie des systèmes de combat en même temps que les écrans l’affichaient.

— On les tient, jubila Desjani. On peut les affronter haut la main. » Elle adressa à Geary le sourire féroce d’un coéquipier persuadé que l’ennemi a commis une erreur fatale et que la victoire est assurée.

Geary tenta de se détendre en scrutant les écrans à la recherche d’autres vaisseaux ennemis. Mais, à l’exception de deux avisos qui piquaient sur la planète habitée à cinq heures-lumière de la flotte, tous semblaient rassemblés dans cette flottille rôdant près de la présence écrasante du portail.

« Plus de puissance de feu qu’il n’en faut pour le détruire avant que nous ne l’ayons atteint, fit remarquer Rione d’une voix plate.

— Ouais », acquiesça Geary. Mais pas question de décliner une occasion pareille. Impossible. Desjani ne serait certainement pas la seule à voir une proie facile dans ces Syndics. « Charger directement le portail les inciterait à rester sur place pour le détruire. Il faut d’abord les attirer au loin puis foncer dessus avant leur retour.

— Si nous les anéantissions… commença Desjani.

— Je sais. Mais l’atteindre intact reste notre plus impérieuse priorité. »

Elle opina à contrecœur.

« Comment comptez-vous les attirer ? s’enquit Rione.

— Vous n’auriez pas une suggestion ? »

Elle réfléchit un instant. « En les appâtant ? En leur offrant une proie irrésistible ?

— Oui, convint Desjani. En leur laissant croire que nous ne nous intéressons pas au portail et en leur présentant une cible qu’ils poursuivront forcément. »

Hélas, la flotte n’en avait qu’une seule de cette espèce. « La formation Écho Cinq Cinq. Les auxiliaires et les bâtiments gravement endommagés. » Comme les bêtes malades à l’arrière du troupeau. Mais Geary ne tenait pas à perdre un seul de ces vaisseaux. Les auxiliaires restaient essentiels à la survie de la flotte, et les vaisseaux blessés qui les accompagnaient n’étaient pas seulement importants pour leur aptitude au combat, mais aussi pour la leçon que leur présence enseignait à la flotte : Geary n’abandonnait ni les bâtiments ni les équipages. S’en servir d’appât allait à l’encontre de cette notion.

Il étudia longuement la situation. Après tous les systèmes médiocrement peuplés qu’avait traversés la flotte dernièrement, celui de Lakota semblait relativement prospère. Toutes les indications portaient à croire que la planète habitée – distante pour l’instant de neuf heures-lumière, de l’autre côté de l’étoile – était un monde dynamique en pleine croissance. Des colonies d’une taille conséquente étaient présentes sur deux autres, et des installations diverses parsemaient les lunes ou gravitaient en orbite fixe. En outre, la circulation civile était importante : des vaisseaux marchands croisaient dans tout le système, en sortaient ou y entraient en provenance d’autres étoiles, ainsi que de gros transports de minerai convoyant des matériaux extraits de planètes extérieures et d’astéroïdes inhabitables. Des défenses anti-orbitales fixes ceinturaient quelques sites extraplanétaires, mais Geary n’y prêta que peu d’attention. Tout comme les bases militaires, elles seraient des cibles faciles pour les bombardements cinétiques de sa flotte.

Si seulement il pouvait s’attarder ici assez longtemps pour transborder une partie de la cargaison de ces transports de minerai sur les auxiliaires de la flotte…

Les systèmes de manœuvre n’eurent aucune difficulté à exécuter ce que voulait Geary. « Deuxième et septième escadrons de destroyers, séparez-vous de la formation et interceptez les transports de minerai syndics situés à proximité de la géante gazeuse, à 1,2 année-lumière de la flotte sur tribord. Investissez-les et escortez-les jusqu’aux auxiliaires pour transborder leur cargaison sur ces derniers. »

Il s’interrompit pour tenter de déterminer s’il devait donner d’autres instructions puis décida de réduire ses problèmes à Lakota au strict minimum. Il précisa aux systèmes de combat de l’Indomptable, en les surlignant, les cibles dont il voulait la destruction immédiate, leur apprit comment s’y prendre en choisissant lui-même l’arme qui semblait convenir, et ils répondirent après une fraction de seconde de réflexion. Il étudia quelques instants leur plan puis le transmit au Représailles : « Huitième escadron de cuirassés, procédez au bombardement cinétique des installations militaires syndics tel que décrit dans le plan d’action ci-joint. »