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Le commandant Yin de l’Orion fixait Midea avec une horreur mal dissimulée. Celui du Majestic secoua tristement la tête. « Nous sommes encore loin de pouvoir combattre en première ligne. Le Guerrier non plus.

— Le Guerrier est tout à fait prêt à combattre », rectifia promptement et fermement le capitaine Suram.

Impressionné par son attitude, Geary le lui montra d’un regard approbateur.

« Depuis quand la flotte de l’Alliance a-t-elle besoin de la supériorité numérique pour affronter l’ennemi ? s’enquit Midea. Le Guerrier est prêt à combattre, donc les vaisseaux lourds syndics ne seraient que deux fois plus nombreux que ceux de Cinq Cinq, même en mettant de côté Orion et Majestic. Et les bâtiments de l’Alliance peuvent aisément triompher d’une force deux fois plus importante. » Elle se tourna vers Geary et lui décocha un regard accusateur. « Celle qu’a vaincue Black Jack Geary était dix fois supérieure à la sienne. »

S’était-il vraiment retrouvé seul contre dix à Grendel ? Curieux qu’il ne parvînt pas à se rappeler les grands traits de la bataille. Uniquement des détails.

Il se rendit brusquement compte que Midea n’était pas seulement une épine dans son flanc, mais qu’elle le serait pour tout amiral. Quand elle n’affrontait pas une menace immédiate, elle se montrait vétilleuse et insubordonnée, et elle avait tendance à charger bille en tête face à l’ennemi. Certes, il ne doutait pas de son courage, mais la témérité en toutes circonstances n’est jamais la plus haute qualité d’un officier. Il se demanda comment Numos s’était débrouillé pour lui tenir la bride haute.

Cette chance infime d’atteindre le portail de l’hypernet méritait-elle qu’on décuplât le risque de perdre un ou plusieurs auxiliaires ? Après tout, si la flotte rentrait chez elle par l’hypernet, elle n’aurait pas l’usage de leurs capacités de réassort.

Mais, bon sang, s’il croyait sincèrement que sacrifier les auxiliaires et les bâtiments endommagés était une bonne idée, pourquoi se donner la peine d’adjoindre à cette formation les trois cuirassés valides de la septième division, au lieu de se borner à n’envoyer au massacre que les premiers pendant qu’il rapatrierait le reste de la flotte ?

Il secoua la tête. « Je veux attirer les Syndics loin du portail, mais pas exposer Écho Cinq Cinq à l’anéantissement. Il faut lui assurer une protection efficace.

— Les spatiaux de l’Alliance sont prêts à périr pour leur patrie », insista Midea. Cette rodomontade lui valut un certain nombre de regards sourcilleux, laissant entendre que tous n’étaient pas si pressés de mourir, même s’ils étaient volontaires.

« Mon objectif personnel serait plutôt d’exaucer le vœu de tous les Syndics prêts à mourir pour leur patrie », déclara Geary. Quelques sourires et mines soulagées fleurirent. Il se demanda ce qu’il avait bien pu faire pour que ces officiers justement rassurés le croient capable de sacrifier aussi allègrement ses vaisseaux. « Je compte procéder à des simulations pour tenter de déterminer toutes les issues possibles, mais, pour l’heure, je refuse de laisser Cinq Cinq prendre plus de trois minutes-lumière de retard sur le corps principal. Est-ce bien clair ?

— Le Paladin peut-il se joindre à elle ? demanda Midea. Deux bâtiments de ma division en font déjà partie. »

Le regard de Geary se reporta sur le capitaine Casia. « Vous êtes le commandant de la division du Paladin. Qu’en pensez-vous ? »

Casia coula un regard noir vers Midea. « Bien entendu. Il peut se joindre à l’Orion et au Majestic.

— Capitaine Mosko ? interrogea Geary. Vous êtes à la tête d’Écho Cinq Cinq. Avez-vous besoin du Paladin ? »

Mosko haussa les épaules. « Besoin ? Non. Mais l’Infatigable, l’Audacieux et le Rebelle seront toujours disposés à accueillir un vaisseau frère, sous mon commandement. » Il avait souligné ces trois derniers mots, si bien que Midea le fixa, les yeux plissés, sans toutefois élever d’objection.

« Et le Conquérant ? s’enquit innocemment le capitaine Duellos. S’il se joignait à Cinq Cinq, la troisième division de cuirassés serait reconstituée et ils pourraient de nouveau combattre de conserve. »

Si les yeux de Casia avaient été des revolvers, le regard qu’il jeta à Duellos l’aurait tué. « Le Conquérant devrait plutôt rester en position pour… pour opérer la coordination avec le commandant de la flotte. »

Geary le scruta en s’efforçant de déterminer si mettre autant de pommes pourries dans la troisième division de cuirassés n’était pas chercher à s’attirer des ennuis et si y adjoindre Casia ne risquait pas d’encore les aggraver. D’une certaine façon pourtant, Duellos n’avait pas tort. Adjoindre le Paladin à Cinq Cinq et maintenir le Conquérant dans Cinq Quatre serait absurde.

Non. Si j’y dépêchais aussi Casia, il me faudrait le tenir constamment à l’œil. Je ne peux pas me permettre une telle déconcentration.

Mosko sourcilla légèrement. « La participation du capitaine Casia à Cinq Cinq risque de créer une certaine confusion dans la chaîne de commandement. »

Reconnaissant à Mosko de lui fournir une nouvelle raison de décliner la malicieuse proposition de Duellos, Geary opina judicieusement. « C’est exact. Et nous ne pouvons pas trop la renforcer, de crainte que les Syndics n’y voient plus une proie séduisante. Le Paladin se contentera donc de veiller à ce qu’elle ne soit pas submergée sous le nombre. D’autres questions ?

— Qu’en est-il des Syndics que nous avons laissés à Ixion ? » demanda le commandant Neeson de l’Implacable. Question sans doute subsidiaire mais bien réelle. « Quatre cuirassés et quatre croiseurs de combat. Ils ne sont pas encore réapparus mais ne devraient plus tarder.

— Ils patientent », déclara le capitaine Tulev. Tous le regardèrent, se demandant visiblement ce qui le poussait à l’affirmer, de sorte qu’il haussa les épaules, le visage impassible, et poursuivit son raisonnement. « Lakota n’était pas notre destination la plus plausible, n’est-ce pas ? Peut-être croient-ils que, pour les abuser, nous n’y sommes pas allés pour de bon, que nous nous sommes contentés de sauter jusqu’ici avant de regagner Ixion. »

Duellos hocha la tête. « De sorte qu’ils nous y attendraient encore ?

— Oui, appuya Tulev. Cinq jours et demi pour gagner Ixion, autant pour en revenir. Mettons… douze jours en tout et pour tout. Si nous ne réapparaissons pas à Ixion dans ce délai, ils sauteront à leur tour.

— Nous pourrions avoir déjà quitté Lakota, objecta le capitaine Cresida.

— Et alors ? Une flottille syndic monte la garde près du portail. Sans même parler des installations extraplanétaires et de la planète habitée. Si nous nous contentons de traverser le système avant de sauter vers un autre, ils le sauront, mais si nous y restons assez longtemps pour semer la zizanie, ils nous rattraperont aussi.

— Ils pourraient aussi attendre que les renforts espérés soient arrivés à Ixion », fit observer le capitaine Badaya.

Tulev se renfrogna puis opina. « En effet. D’une façon ou d’une autre, ils finiront par débarquer, mais pas sur nos talons.