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— Oui, maintenant que vous le dites, acquiesça Geary. Je me demande si la raison n’en est pas que nous nous attendions à des problèmes qui ne se sont pas concrétisés.

— Pas encore, tout du moins, le mit en garde Duellos. Un pressentiment me dit qu’ils ne se cantonneront pas à la salle de conférence dans ce système stellaire.

— Nous devrions pouvoir affronter tous ceux qui se présenteront, fit remarquer Geary. Mais je n’en reste pas moins légèrement inquiet. À propos de problèmes, voyez-vous un moyen de fermer son clapet au capitaine Midea, à part la relever de son commandement ?

— Je m’efforçais déjà d’en trouver un, admit Duellos. Midea était le second de Numos avant d’être promue capitaine et de se voir offrir le commandement du Paladin. Lui savait la tenir, comme je vous l’ai déjà dit à Ixion. Nous pourrions lui poser la question.

— Non, merci. Je ne pense pas pouvoir me fier à ses réponses. Bon sang, il pourrait même lui faire parvenir des messages !

— Ce n’est pas exclu. » Duellos s’interrompit un instant pour réfléchir. « Numos pourrait bien inciter Midea à se conduire de la sorte. Espérons qu’il ne la pousse qu’à formuler des propos désobligeants.

— Ouais. Ça reste assurément un sujet d’inquiétude, mais je vois mal ce que je peux bien y faire. » Geary jeta à Duellos un regard plus grave. « Au fait, tâchez d’éviter de pousser nos adversaires à bout lors de notre prochaine conférence, d’accord ? »

Duellos sourit, salua et disparut.

Rione était toujours assise à sa place. Elle tourna vers Geary un visage apparemment impavide. « Tu devrais me laisser me charger de gens comme cette Midea. Je ne suis pas un officier de la flotte, et je ne peux sans doute pas intervenir sur les mouvements des vaisseaux lors de ces réunions, mais elle joue un jeu politique et, dans ce domaine au moins, je suis parfaitement capable de la battre à plate couture. »

Geary réfléchit puis hocha la tête. « D’accord.

— Et tu devrais aussi veiller à placer plus fermement sous ton contrôle le vaisseau de cette femme. Comme l’a dit Duellos, soit elle s’est départie de l’habitude d’en référer à Numos, soit on la pousse à faire des sottises. Depuis l’arrestation de Numos, elle devient à chaque réunion un peu plus agressive et raisonneuse.

— Elle se comportera de la même façon à son bord, selon toi ?

— J’en ai la conviction. Tu n’aurais pas dû lui permettre de participer à cette formation. Elle désobéira aux ordres, j’en suis sûre. Et elle entraînera d’autres vaisseaux avec elle. »

L’affirmation de Rione ne relevait plus de la seule crainte des agissements d’un trublion, mais suggérait bel et bien un souci majeur. « Bon sang, tu as peut-être raison. Je regrette… » Il réussit à ravaler sa phrase.

Mais Rione avait déjà compris. « Tu regrettes que je me sois exprimée pendant la réunion ? Cette réunion où tu m’as signifié clairement de me rasseoir et me taire ?

— Je n’ai rien fait de tel !

— Tu m’as fait comprendre que je devais la fermer, renchérit-elle d’une voix sans chaleur. Je ne te le reproche pas. Mais je t’aurais volontiers coincé entre un trou noir et une supernova.

— Pourquoi ? » demanda-t-il. Il voyait très bien Rione dans le rôle de la supernova.

« Parce que, si je m’étais opposée à ce que le vaisseau de Midea rejoigne Cinq Cinq, tout acquiescement de ta part aurait été regardé comme la confirmation de la trop grande influence que j’exerce sur toi. » Elle eut un geste courroucé. « Mais, si je ne m’exprime pas, comme ç’a été le cas, tu ne jouis plus d’une perspective appréciable. Tu ne peux pas agir à partir d’un avis que je n’ai pas donné. »

Geary se rassit pour méditer. « Et c’est précisément ce qu’espèrent mes adversaires, n’est-ce pas ? Enfoncer des coins entre moi et ceux qui me prodiguent le soutien et les conseils dont j’ai besoin. Tu en es un exemple frappant. L’exemple même. » Rione esquissa une révérence moqueuse dans son fauteuil. « Et ces rumeurs cherchent à m’interdire de travailler en bonne entente avec Desjani. Comment réagir ?

— Avec le capitaine Desjani ou avec moi ? s’enquit Rione d’une voix de nouveau glacée.

— Avec les deux ! Elle commande mon vaisseau amiral et tu es ma conseillère et ma… euh…

— Mon amante. C’est le terme courtois. Traite-moi de “maîtresse” et tu le regretteras.

— J’en prends bonne note. Alors, que suggères-tu ?

— Veille à ce que ton comportement en présence de Desjani reste si impeccable qu’il ne pourra en aucun cas alimenter des rumeurs auxquelles une personne raisonnable pourrait ajouter foi. J’imagine qu’il existe au moins quelques individus sensés parmi tes commandants. Vis-à-vis de moi, continue de donner la preuve de ton indépendance en public. Je suis loin d’être la seule à m’apercevoir que je me tais quand tu me l’ordonnes, je te l’assure.

— Je n’ai pas…

— Et je suis bien certaine que la plupart de ceux qui l’ont constaté y auront vu ce que j’ai décrit. » Un coin de sa bouche se retroussa. « Plus tu donneras la preuve que tu me domines, plus tu apaiseras les inquiétudes de ceux qui croient que je te contrôle.

— Te dominer ? » Geary ne put réprimer un éclat de rire. « Honnêtement, cette idée ne m’a jamais effleuré. »

Rione arqua un sourcil.

« Tu n’es pas franchement une femme très soumise, ajouta-t-il.

— Tu auras au moins compris cela, fit-elle sèchement remarquer.

— J’ai retenu quelques leçons. » Il se releva. « Je vais me rendre sur la passerelle, je crois, pour étudier encore les données sur l’état de la flotte et procéder à des simulations.

— Pourquoi sur la passerelle ? Tu peux le faire de ta cabine.

— C’est vrai. » Il la fixa, légèrement rembruni, en se demandant pourquoi elle en faisait tellement cas. « Tu vas dans cette direction ? »

Rione haussa les épaules. « Plus tard. J’ai d’autres questions à régler.

— Si jamais on retrouve Midea morte, un couteau dans le cœur, je devrai probablement le faire examiner en quête de tes empreintes et de ton ADN, fit-il remarquer en s’efforçant de dissiper un inexplicable regain de tension.

— Il n’y aura ni empreintes ni ADN sur ce couteau, John Geary, répondit-elle en souriant, mi-moqueuse, mi-sérieuse. Pas si je l’ai tenu moi-même. »

Neuf

Plus de trois jours s’étaient écoulés et les Syndics n’avaient toujours pas bougé. À mesure que la flotte de l’Alliance traversait le système de Lakota, sa distance au portail de l’hypernet diminuait graduellement. Dans deux heures, elle s’en trouverait au plus proche (encore que « proche » soit un terme relatif quand on parle d’une distance de trois heures-lumière et demie) puis s’en éloignerait de nouveau en poursuivant son chemin vers les points de saut.

Geary tenait constamment à l’œil les Syndics et sa propre formation Écho Cinq Cinq. Mais, depuis qu’ils avaient rejoint cette dernière, Midea et son Paladin se comportaient convenablement et maintenaient la position auprès de l’Orion et du Majestic.

Rien de bien excitant ne s’était encore produit, à part le spectacle du lent déploiement à travers le système de Lakota du barrage cinétique lancé par les vaisseaux de l’Alliance : des dizaines de trajectoires filant vers les points d’interception préprogrammés de certaines lunes, planètes et installations en orbite fixe. Chaque fois que le tir de barrage atteignait un de ses objectifs, les senseurs de l’Indomptable fournissaient des images claires et distinctes des impacts sur les dispositifs de défense syndics et leur armement disparaissant dans une éruption de plasma et de débris.