Выбрать главу

— Parce que même les Syndics sont capables d’apprendre si on les punit assez durement. » Rione regardait Geary. « Combien de vaisseaux syndics cette flotte a-t-elle détruits sous votre commandement ? Combien de batailles avez-vous gagnées ? Pas seulement gagnées, mais en recourant unilatéralement à des tactiques ignorées d’ordinaire. À maintes et maintes reprises. » Elle montra d’un geste la représentation sur l’écran de la nouvelle flottille syndic désignée depuis peu sous le nom de code Bravo. « Ils ont retenu la leçon. Ils ont certainement reçu l’ordre de n’engager le combat avec vous que dans des circonstances qui leur seraient favorables, de vous acculer dans une position intenable. Eux sont prêts à patienter, mais nous ne pouvons pas nous permettre le luxe d’attendre qu’ils perdent patience.

— Ils redoutent le capitaine Geary, répéta triomphalement Desjani. Mais leur seule chance d’empêcher cette flotte d’utiliser le point de saut pour Brandevin est une bataille générale. »

Geary étudia la situation. Pour l’heure, tout ce qui avait de l’importance se trouvait peu ou prou dans le plan du système, sans qu’il existât un différentiel important vers le haut ou le bas dans les positions relatives. La flotte de l’Alliance, en adoptant une trajectoire parabolique, se trouvait à présent à mi-chemin du nouveau point de saut et avait même dépassé cette position pour piquer vers l’extérieur du système stellaire de Lakota, les proues de ses vaisseaux orientées vers l’espace profond. Le portail de l’hypernet syndic et la flottille ennemie postée en sentinelle auprès de lui n’étaient qu’à un peu plus de trois heures-lumière sur bâbord arrière. La planète habitée gravitait de l’autre côté du soleil, à près d’une heure-lumière de distance, et la menace qu’elle représentait pour les vaisseaux de l’Alliance était nulle pour l’instant. La nouvelle flottille syndic avait émergé du point de saut de T’negu à trois heures-lumière environ sur tribord et adopté une trajectoire qui la ramènerait lentement vers les proues des bâtiments de Geary. Si aucune des deux flottes ne changeait de cap ni de vélocité, elles se croiseraient à près d’une demi-heure-lumière, et celle des Syndics poursuivrait sa route vers le pont de saut de Brandevin. Mais celle de l’Alliance devrait altérer sa trajectoire. Elle ne pouvait tout bonnement pas continuer de piquer vers le vide interstellaire. Mais l’altérer de quelle façon et vers quelle destination ? Telle était la question.

Tenter une passe vers la planète habitée, afin de voir si les Syndics la suivraient pour s’efforcer de l’empêcher de la bombarder ? Non, il en avait assez vu dans les autres systèmes stellaires pour savoir que leurs dirigeants ne perdraient pas leur temps à s’inquiéter du sort de civils, ni même de celui de l’industrie de ce monde. Ils avaient même essayé plus d’une fois de provoquer un tel bombardement, sans doute dans l’espoir d’entretenir la crainte de l’Alliance dans l’esprit de la population.

Revenir vers le portail de l’hypernet en espérant que la flottille syndic Bravo se lancerait à leur poursuite ? Comme l’avait fait remarquer Desjani, rien ne garantissait que les Syndics marcheraient. Poursuivre vers le point de saut pour Brandevin, sachant que Bravo l’aurait miné et bondirait sur la flotte si Geary tentait réellement de quitter Lakota par ce biais ? Pas besoin de regarder de nouveau Desjani pour comprendre qu’elle attendait qu’il chargeât la plus importante des deux forces ennemies et que la plupart de ses autres commandants observeraient la même attitude. S’il s’avisait de rebrousser chemin, certains, résolus à engager le combat coûte que coûte, risquaient même de poursuivre leur route vers le point de saut.

Son regard se porta sur les relevés de la flotte et plus particulièrement sur ceux faisant état du niveau des cellules d’énergie de chaque bâtiment. Je ne dispose pas des réserves qui me permettraient d’aller et venir à haute vélocité dans le système. Les Syndics n’ont nullement besoin de réagir, sauf si je m’approche trop près du portail, auquel cas ils le détruiront et cette flotte se retrouvera hors de la position requise pour gagner un des deux points de saut. Et si jamais l’effondrement du portail libérait une décharge d’énergie à son plus haut niveau potentiel, le système stellaire et tout ce qu’il contient, dont cette flotte, serait anéanti.

Reste simple. Tâche d’éviter de gaspiller tes cellules d’énergie pour en disposer quand tu en auras réellement besoin. Tu n’as pas vraiment le choix. « Capitaine Desjani, nous allons intercepter la flottille syndic qui pique vers le point de saut de Brandevin. » Desjani sourit, tout comme les vigies de la passerelle. « Pouvez-vous me recommander une trajectoire d’interception ?

— Treize degrés sur tribord, quatre degrés vers le haut, répondit-elle aussitôt. Du moins si nous accélérons jusqu’à 0,07 c pour l’intercepter au moment où elle l’atteindra. Délai avant interception : quarante et une heures et douze minutes.

— Àlerci, capitaine. » Desjani avait déjà dû procéder aux calculs, évidemment. Bien que les vaisseaux de l’Alliance fussent tous orientés actuellement de manière à devoir pivoter sur la gauche (ou bâbord), les commandes des systèmes de manœuvre de la flotte utilisaient le système stellaire externe comme cadre de référence. Sinon, dans l’espace où les bâtiments pouvaient provenir de n’importe quelle direction et de toutes à la fois, un vaisseau n’aurait pas su dire avec certitude ce qu’un autre entendait par gauche, droite, haut et bas. La règle, à l’intérieur d’un système, voulait que bâbord fût toujours le côté le plus éloigné du soleil et tribord le plus proche, tandis que haut et bas se référaient au plan du système. Dans la mesure où la trajectoire d’interception exigeait de la flotte de l’Alliance qu’elle pivotât d’un poil vers l’étoile de Lakota, elle devait donc virer sur tribord.

« Parti pour combattre, capitaine Geary ? » demanda Rione, une main plaquée à son front. Ce qu’on pouvait voir de son visage trahissait la résignation.

« On verra. » Il s’assit et activa le circuit de communication avec la flotte. « À tous les vaisseaux. Virez de trois degrés sur tribord, de quatre vers le haut et accélérez à 0,07 c à T trente-deux. Nous comptons intercepter la flottille syndic Bravo. Attendez-vous à combattre d’ici trois jours. » Geary répugnait à donner cet ordre, mais il ne voyait pas d’alternative depuis l’arrivée de Bravo, aussi poursuivit-il : « Deuxième et septième escadrons de destroyers, réglez les réacteurs des transports de minerai syndic sur l’autodestruction puis rejoignez la flotte à votre vélocité maximale. Veillez à placer tous les prisonniers syndics survivants dans des modules de survie. Je ne tiens pas à me soucier de leur présence sur vos vaisseaux durant le combat. »

Quoi d’autre ? Oh, oui ! L’appât, qui n’avait encore attiré aucun Syndic. « Capitaine Tyrosian, assurez-vous qu’on a achevé les opérations de réapprovisionnement et récupérez les navettes dès que possible, mais pas au-delà d’un délai de vingt-quatre heures. Capitaine Mosko, accroissez la vélocité d’Écho Cinq Cinq autant qu’il sera nécessaire pour ramener votre formation en position par rapport au reste de la flotte.

— Encore trois jours avant de rattraper les Syndics. » Desjani fit la grimace, regrettant visiblement que la flotte ne fût pas déjà à portée d’engagement. « Je déteste cette attente. »

« Comptes-tu sauter hors de ce système ou bien engager le combat ? » s’enquit Rione. Elle avait gardé le silence jusqu’à la cabine mais lui avait jeté la question au visage dès que l’écoutille s’était refermée.

« Ça dépendra. » Geary se laissa tomber dans un fauteuil et activa l’hologramme montrant la situation dans le système de Lakota. « Que feront les Syndics ? Comment réagiront-ils ? Je ne peux pas les traquer avec cette flotte. Nous n’avons pas assez de cellules d’énergie à gaspiller.