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« Deux autres cuirassés éliminés ! exulta Desjani. Et un de leurs croiseurs de combat !

— Nous avons été plus durement touchés ce coup-ci. » Deux destroyers, l’Assegaï et le Rapière, avaient perdu leurs armes mais étaient encore capables de manœuvrer. Plusieurs croiseurs légers et un croiseur lourd étaient cabossés, et des tirs avaient atteint quelques croiseurs de combat. Alors même que Geary donnait ses ordres suivants, il en surveillait un des yeux. « À toutes les formations. Descendez de quatre-vingt-dix degrés à T trente-cinq. » La flotte de l’Alliance entreprit de décrire une courbe en S alors que les Syndics revenaient de nouveau sur elle.

Mais un de ses croiseurs de combat n’épousa pas le mouvement et commença de dériver loin de la formation en adoptant une lente et tortueuse trajectoire, qui le ramenait sur le chemin de la flottille syndic. « Qu’est-il arrivé au Renommé ? » interrogea Geary.

Une vigie afficha prestement une reconstitution de la dernière passe d’armes, assez lentement pour permettre aux sens humains de suivre. Cette fois, les Syndics avaient calculé la trajectoire de la flotte de l’Alliance avec précision et placé leurs barrages de mitraille à point nommé. Le Renommé, que sa position dans une des formations de flanc rapprochait davantage de l’ennemi, avait essuyé plusieurs rafales qui avaient fait flancher ses boucliers de proue. Alors que ses systèmes de combat détournaient automatiquement vers ces derniers l’énergie alimentant ceux de poupe et de flanc, les missiles syndics avaient obliqué sur leur trajectoire d’interception pour viser sa poupe. Les trois premiers missiles avaient eu raison des boucliers arrière affaiblis, puis trois autres avaient irrémédiablement détruit ses principaux systèmes de propulsion.

Sous ces impacts, incapable de se maintenir dans la formation de l’Alliance, le Renommé en avait été éjecté.

Un croiseur de combat isolé, privé de la protection de ses camarades et incapable de compenser l’affaiblissement de ses boucliers et de son blindage par la vitesse…

« Les rapports du Renommé estiment à trente minutes le délai qui lui sera nécessaire pour rétablir une capacité de propulsion limitée », annonça la vigie du système de combat.

Nul besoin des estimations des systèmes de manœuvre pour comprendre que le Renommé ne disposerait pas de ce délai. La formation syndic passerait au-dessus dans un peu plus de dix minutes.

Geary marmotta une prière. Retourner la flotte, faire pivoter tes vaisseaux pour rejoindre le croiseur de combat avant les Syndics ? Matériellement impossible. Les lois de la physique s’y opposaient.

« Que fiche le Paladin ? » se demanda Desjani à haute voix.

Le regard de Geary se fixa brusquement sur ce dernier vaisseau. À présent à l’arrière-garde du corps principal, le Paladin avait vu des frappes endommager le système de propulsion du Renommé, et lui avait le temps de réagir. Le cuirassé négociait à présent un virage si serré que ses tampons d’inertie devaient pousser des hurlements de protestation.

Geary ne pouvait pas ordonner à la flotte tout entière d’opérer un tel virage. Les unités postées sur les flancs de ses formations devraient parcourir un trajet beaucoup plus important que celles du centre, puisqu’il ferait pivoter tous les vaisseaux autour de l’axe de leur formation respective. La seule manière d’imiter le Paladin serait d’autoriser les formations à se dissoudre, ce qui promettait un désastre dans la mesure où les Syndics maintenaient encore la leur.

« Paladin, ordonna-t-il âprement, reprenez immédiatement votre position. » Il lui fallait absolument ajuster la trajectoire de sa flotte, qui s’incurvait vers le bas pour épouser le léger glissement de côté des Syndics. « À toutes les formations. Portez-vous de deux degrés sur tribord à T quarante et un.

— Que pouvons-nous y faire ? » demanda Rione du fond de la passerelle, d’une voix plus implorante que péremptoire.

Elle parlait évidemment du Renommé, Geary n’avait nullement besoin de le lui demander. « Rien, répondit-il d’une voix à peine plus sonore qu’un murmure. Même si je permets à cette formation de se disperser, nous ne réussirons pas à conduire assez de vaisseaux là-bas à temps pour sauver le Renommé, et nous en perdrons sûrement d’autres.

— Le Renommé transmet qu’il a ordonné à tout son personnel non critique de gagner les modules de survie », annonça la vigie du système de combat de l’Indomptable.

Craignant que sa voix ne trahît son émoi, Geary se contenta de hocher la tête. Il avait donné le même ordre à Grendel un siècle plus tôt. À peine quelques mois pour lui.

Desjani lui jeta un regard angoissé mais ne souffla pas mot.

Le Paladin continuait de décrire un arc de cercle qui, désormais, le ramenait manifestement sur le Renommé, tandis que le reste de la flotte de l’Alliance incurvait sa trajectoire vers le bas et faisait pivoter tous ses vaisseaux de conserve pour inverser leur course.

« Paladin ! hurla Geary sans se soucier de faire preuve au combat d’un manque de sang-froid bien peu professionnel. Regagnez immédiatement la formation ! Le capitaine Midea est relevé de son commandement ! Que son second l’assume et ramène le vaisseau en position. »

Il était sans doute trop tard. C’était même certain. Compte tenu de la vélocité des vaisseaux, le Paladin avait d’ores et déjà viré trop loin de la flotte, et les Syndics revenaient sur elle pour passer sous son corps principal mais en piquant droit sur les deux bâtiments égarés.

Le Renommé cracha un essaim de modules de survie et tous les spectres qui lui restaient sur la face frontale de la formation syndic en approche. Puis ses ultimes mitrailles vinrent frapper les boucliers des vaisseaux ennemis et s’y vaporisèrent en scintillant. Un premier puis un second aviso syndic furent réduits au silence. Un croiseur léger partit à la dérive. Les boucliers d’un croiseur de combat flamboyèrent puis cédèrent par endroits, permettant à quelques lances de l’enfer du Renommé de le cribler.

Mais une avalanche de feu s’abattait sur lui. Ses boucliers flanchèrent, son faible blindage fut transpercé en une centaine de points et ses batteries de lances de l’enfer se turent ; le croiseur de combat blessé tressaillait et vacillait, réduit à l’impuissance, sous les impacts des tirs syndics.

« Plus aucun système en activité détectable sur le Renommé, annonça une vigie d’une voix calme mais légèrement chevrotante. Sa balise d’urgence s’est éteinte. Les survivants abandonnent le vaisseau. »

Geary était passé par là. Alors même que les armes ennemies continuaient de le pilonner, il avait cavalé comme un fou dans les coursives naguère familières de son vaisseau blessé à mort, que les dommages massifs qu’il avait essuyés rendaient méconnaissable, en espérant qu’il resterait au moins une capsule de survie intacte.

« Réacteur du Renommé en surcharge. Perdons le contact. » Sur l’écran, l’épave délabrée de ce qui avait été un croiseur de combat de l’Alliance culbutait silencieusement dans le vide, le noyau de son réacteur réglé en surcharge pour interdire à l’ennemi de récupérer sa carcasse, tandis que les modules de survie abritant ses spatiaux se mêlaient à ceux des vaisseaux syndics détruits.

Le Paladin passa au-dessus du croiseur de combat désemparé mais trop tard pour le sauver. Les batteries de lances de l’enfer du cuirassé déchiquetèrent encore quelques avisos ennemis qui tentaient désespérément de fuir. Deux explosèrent sous les impacts et un troisième se désintégra. Puis le Paladin se retrouva seul au milieu des croiseurs légers ennemis ; ses puissantes batteries de lances de l’enfer laminèrent les boucliers de deux d’entre eux, en détruisant un et réduisant l’autre à l’impuissance.