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Le contact était rompu. Geary relâcha l’inspiration qu’il avait retenue inconsciemment, non sans sentir l’Indomptable vibrer sous les coups portés par les Syndics durant la fraction de seconde où les deux formations s’étaient trouvées à portée de tir. « Boucliers légèrement affaiblis, dysfonctionnements ponctuels, dommages mineurs à la poupe, aucune perte des systèmes, annoncèrent promptement les vigies du vaisseau.

— À toutes les unités de la flotte. Retournez la formation à cent quatre-vingts degrés et accélérez à 0,1 c à T cinquante-neuf.

— On repasse au travers ? s’étonna Rione, interloquée.

— C’est l’idée générale. S’ils freinaient pour régler leur vitesse sur la nôtre, ils se mettraient dans de sales draps, mais espérons qu’ils partiront du principe que nous continuerons de piquer droit devant nous et accéléreront à leur tour pour nous suivre. » Fixés sur l’écran, les yeux de Geary étudiaient les rapports d’avarie des deux flottes à mesure que les senseurs affichaient les résultats du contact.

« Deux cuirassés, apprécia Desjani. Et trois croiseurs de combat. Dont sans doute leur vaisseau amiral.

— Espérons-le. »

Encore une dizaine de passes d’armes aussi heureuses et ils auraient rétabli l’équilibre des forces dans ce système. Pas franchement de quoi pavoiser. « Nous n’avons pas essuyé de graves dommages, mais ça risque d’être pire la prochaine fois. »

Les vaisseaux de l’Alliance s’étaient de nouveau retournés, leur proue orientée vers le point de saut pour Ixion et la formation ennemie. Geary observait les mouvements des Syndics en priant pour qu’ils prissent la décision la plus logique : inverser leur trajectoire au lieu de pourchasser l’Alliance.

Ils s’y résolurent mais pas assez vite.

« Ils reviennent sur nous, mais nous ne traverserons leur formation qu’à une vitesse relative de 0,02 c », annonça Desjani.

Autant dire qu’ils resteraient plus longtemps à portée des armes ennemies et feraient des cibles faciles pour leurs réserves de missiles et de mitraille nettement plus fournies que celles de la flotte.

Après toutes ces manœuvres, Geary préférait ne pas s’informer de son approvisionnement en cellules d’énergie. Peu importait d’ailleurs. Soit il brûlait son carburant, soit la flotte ne survivrait pas assez longtemps pour s’inquiéter de son épuisement.

La formation syndic se repliait à présent sur elle-même pour tenter d’opposer un mur plus épais, mais, heureusement, elle n’aurait pas le temps de parachever cette manœuvre.

La muraille ennemie se dressa devant eux puis disparut derrière : les frappes syndics avaient porté les boucliers de l’Indomptable à l’incandescence.

« Dysfonctionnements ponctuels des boucliers de proue et latéraux, dommages mineurs dus à la mitraille, plusieurs frappes de lances de l’enfer à la moitié de la coque, batteries de lances de l’enfer 3A et 5B hors de combat, temps estimé pour les réparations indéterminé, pertes en hommes encore inconnues », annonça la vigie de l’Indomptable.

Geary parcourut du regard les relevés de l’état de la flotte. L’Indomptable s’en tirait plutôt bien comparé aux autres croiseurs de combat. Le Courageux de Duellos était durement secoué et l’Audacieux avait perdu la moitié de ses armes ; les systèmes de propulsion du Léviathan et du Dragon étaient touchés, mais ces deux bâtiments suivaient encore péniblement la flotte, et le Formidable et l’Incroyable éventrés à mi-coque. Ses cuirassés eux-mêmes avaient pris des coups mais moins sévères que ceux portés à ses croiseurs de combat. Le cuirassé de reconnaissance Exemplaire avait été blessé maintes fois mais n’avait perdu par bonheur aucune capacité. Les croiseurs lourds Basinet et Sallet étaient détruits : le premier avait explosé sous un déluge de feu syndic tandis que le second, gravement endommagé et réduit à l’impuissance, s’éloignait de la formation à la dérive en larguant ses modules de survie.

Les croiseurs légers Éperon, Damascène et Garde étaient eux aussi détruits ou à l’état d’épave, et les destroyers Marteau de guerre, Prasa, Talwar et Xiphos lacérés malgré leur position protégée à l’intérieur du cylindre.

Le Titan avait encore été touché. L’auxiliaire semblait attirer les frappes ennemies comme un aimant la limaille de fer. Mais sa blessure n’était pas critique. En dépit de la peine que ces pertes lui infligeaient, Geary éprouva une poussée de satisfaction en constatant l’état du Guerrier, du Majestic et de l’Orion. Tant leurs boucliers cabossés que leurs nouvelles avaries témoignaient de leur acharnement à protéger les auxiliaires.

Les Syndics ne sortaient pas non plus indemnes de la dernière passe d’armes, grâce à la supériorité ponctuelle de la puissance de feu de l’Alliance. Un de leurs cuirassés n’était plus qu’une épave désemparée et trois croiseurs de combat avaient encore explosé. Au moins douze croiseurs lourds étaient détruits ou réduits à l’impuissance, et les débris de nombreux croiseurs légers et avisos jonchaient désormais l’espace.

« Une autre passe ? s’enquit Desjani d’une voix contenue, tout en s’employant à vérifier les dommages infligés à son vaisseau.

— Non. Il nous faudrait les traverser encore deux fois et ils nous réduiraient en lambeaux à la quatrième. Nous ne sommes qu’à une heure du point de saut. Droit dessus ! »

Déformée et gauchie par ses manœuvres et les deux percées de l’Alliance, la muraille de vaisseaux syndics inversait de nouveau sa course pour accélérer et se lancer aux trousses de la flotte.

Devait-il encore tenter, malgré tout, de les frapper ? De les repousser une fois de plus ? Geary détailla de nouveau l’état des boucliers de ses vaisseaux, de ses faibles réserves de missiles et de mitraille, et des dommages déjà infligés à ses bâtiments, et il se rendit compte que sa réponse à Desjani avait mis dans le mille : deux passes supplémentaires équivaudraient à un suicide. Il ne disposait ni de la vélocité supérieure ni de l’éloignement suffisant pour frapper un flanc de la formation ennemie, qui s’était encore épaissie et n’en couvrait pas moins tout l’espace derrière la flotte de l’Alliance si elle avait perdu en hauteur et en largeur.

Encore quarante-cinq minutes avant le point de saut, et la flotte devrait réduire sa vélocité pour contourner le champ de mines disposé devant.

Les Syndics étaient trop près et arrivaient trop vite. Ça ne suffirait pas. Rien de ce qu’il tenterait n’y suffirait.

Il regarda les systèmes de manœuvre prédire les conséquences de la vélocité et des vecteurs de direction actuels, et constata que les Syndics rattrapaient déjà son arrière-garde. Il allait affronter un horrible dilemme : abandonner les vaisseaux de l’arrière ou ralentir la flotte pour les attendre et risquer ainsi l’anéantissement. Valait-il mieux en perdre le tiers ou la totalité ? Sachant que la fuite et l’abandon de tant de vaisseaux n’apporteraient pas la sécurité aux rescapés puisque les Syndics les suivraient à Ixion.

« Capitaine Geary ? » Une petite fenêtre s’ouvrit sur son écran, encadrant un capitaine Mosko à la mine sereine mais résignée. « Ma division est la dernière de la formation et la plus proche des Syndics.