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Geary la fixa. « J’aurais dû y songer. La seule façon de procéder, c’était sans doute de disposer d’un moyen de communication plus rapide que la lumière et n’exigeant pas le transport matériel des messages par un vaisseau.

— Nous avions émis l’hypothèse que les portails de l’hypernet le permettaient peut-être.

— Ouais… mais il n’y en a pas à Ixion et c’est là-bas que nous avons décidé de gagner Lakota. Nous n’avons abordé aucun système doté d’un portail depuis celui de Sancerre et le sien a été détruit avant que nous ne le quittions.

— En effet. » Rione fit la grimace. « Un émetteur plus rapide que la lumière, donc, et de taille assez réduite pour passer inaperçu à bord d’un de nos vaisseaux. Jusqu’à quel point leur technologie est-elle plus avancée que la nôtre ? »

Geary observait encore l’hologramme quand une autre idée le frappa. « Enfer !

— Quoi ?

— Peut-être la pire répercussion de toutes. Nous espérions bien trouver un portail de l’hypernet syndic assez mal défendu pour nous rapprocher de l’espace de l’Alliance, n’est-ce pas ? »

Rione acquiesça.

« Mais ça nous est désormais impossible, même si nous en trouvions un dont l’accès serait entièrement libre. »

Rione comprit aussitôt et elle enfonça ses ongles dans sa paume. « Si nous entrons dans le système de l’hypernet syndic alors que ces extraterrestres peuvent détourner tout vaisseau…

— Nous pourrions nous retrouver n’importe où. Au lieu de gagner notre destination prévue près de la frontière de l’espace de l’Alliance, nous risquerions de débarquer à l’autre bout de l’espace syndic. Ou dans un système où toute la flotte syndic serait de nouveau rassemblée pour nous attendre.

— Voire hors de leur hypernet ? s’interrogea Rione. Ce n’est pas censé se produire, mais tout porte à croire qu’un grand nombre de phénomènes soi-disant impossibles sont déjà en train de se réaliser. »

Geary s’assit et s’adossa à son fauteuil pour s’efforcer d’appréhender mentalement tous ces éléments qui semblaient s’approcher de la vérité. « Je ne pige pas. Disons qu’ils possèdent ces compétences, et ils doivent en détenir une partie. Pourquoi montreraient-ils ainsi leur jeu ? Pourquoi nous les révéler ?

— Peut-être parce que les hautes sphères syndics en sont déjà informées et que leurs dirigeants, eux, savent qui a détourné leur flotte d’Andvari vers Lakota. » Elle secoua la tête. « Pour ce qui nous concerne, les extraterrestres ne s’attendent pas à nous voir survivre ou ont peut-être pressenti ce qui s’est réellement passé. Mais qu’ils nous aient ainsi révélé leurs aptitudes ne m’en surprend pas moins.

— Sans doute parce que ça ne nous avance guère. Nous sommes toujours piégés. » Geary sentait la moutarde lui monter au nez. Compte tenu de tous les problèmes qu’il devait déjà affronter, l’intervention de ces extraterrestres, aggravant encore la situation, lui semblait parfaitement inique. Piquer une colère eût été carrément grotesque, pourtant ça le rendait fou furieux. « Cette flotte devra rentrer chez elle par le chemin le plus long. Ça ou rien. Et elle rentrera. »

Rione lui jeta un regard incrédule puis sourit. « De la désespérance à la détermination. Au chapitre des changements d’humeur, la journée s’est montrée pour toi particulièrement fructueuse. » Son sourire s’effaça et elle se renfrogna légèrement. « Nous n’avons pas envisagé une éventualité.

— Laquelle ?

— Que les extraterrestres nous aient révélé sciemment les capacités de l’hypernet. Peut-être s’attendaient-ils à ce que tu quittes ce système stellaire aussi aisément que les autres. Peut-être n’aident-ils pas les Syndics mais tentent-ils au contraire de nous dire quelque chose. »

Geary fixa de nouveau l’hologramme le temps de se pénétrer de cette notion. « J’ai déjà plus que mon content d’humains qui me croient capable de réaliser l’impossible. Pas besoin que des extraterrestres se mettent aussi de la partie. Pourquoi feraient-ils cela ?

— Je n’en sais rien, déclara Rione avec un dépit manifeste. Nous ignorons les véritables desseins de ces mystérieux adversaires. Leur façon de raisonner nous est inconnue, surtout s’ils ne sont pas humains. Que cherchent-ils ? À leurrer l’humanité pour l’engager dans une interminable guerre fratricide ? Attendent-ils que nous ayons construit le nombre optimal de portails de l’hypernet pour provoquer leur effondrement général et libérer l’énergie nécessaire à stériliser tout l’espace colonisé par l’homme ? Ces portails ne sont-ils qu’une garantie en cas d’attaque de notre part ? Ou bien tout à fait autre chose ? Un dispositif basé sur un concept totalement étranger et visant un but incompréhensible ?

— Me dirais-tu là qu’ils ne sont peut-être pas hostiles ? Alors qu’ils ont détourné la flottille syndic vers Lakota pour nous y piéger ?

— Exactement. Que ferais-tu si une flotte extraterrestre surgissait demain sous nos yeux ? »

Geary réfléchit un instant. « Je ne sais pas trop. Si elle ouvrait le feu, le choix serait facile. Mais si elle se contentait d’apparaître… la réaction la plus intelligente serait encore d’essayer de communiquer avec eux, me semble-t-il. De découvrir ce qu’ils veulent.

— Et de décider ensuite si leurs desiderata sont compatibles avec la survie de l’humanité, ajouta Rione, le regard dur.

— Quels qu’ils soient, ils sont responsables de la perte de l’Audacieux, du Rebelle et de l’Infatigable, déclara âprement Geary. Et ils ont tout intérêt à disposer d’une bonne raison pour la justifier. »

Trois autres jours de réflexion sans trouver aucune réponse. Quand la flotte émergea du point de saut, de retour d’Ixion, Geary avait l’amertume à la bouche. Aucun champ de mines ne l’y attendait, aussi se contenta-t-il de regarder les bâtiments de l’Alliance se matérialiser autour de l’Indomptable. Il continua, à mesure qu’affluaient les données, de surveiller les relevés du vaisseau portant sur l’état de la flotte, les mises à jour des dommages, la progression des réparations et le niveau des réserves de cellules d’énergie et de munitions. Tout prenait vilaine tournure. Pire, quelques bâtiments s’efforçaient encore de réparer certains de leurs principaux systèmes de propulsion. Tant qu’ils n’y seraient pas parvenus, la flotte ne pourrait aller bon train sans les laisser à la traîne.

Et les abandonner aux loups syndics qui émergeraient à leurs trousses de ce même point de saut. Geary n’avait aucun mal à se dépeindre la scène, dans la mesure où il avait d’ores et déjà procédé à la simulation des pires scénarios possibles : la flotte de l’Alliance fuyant vers un nouveau point de saut, les plus rapides vaisseaux syndics sur les talons, des essaims de croiseurs légers et d’avisos vifs comme l’éclair liquidant l’un après l’autre ses bâtiments trop endommagés pour tenir le rythme, puis s’en prenant à l’arrière-garde pour la contraindre à perdre du terrain avant d’être finalement rattrapée par leur corps principal.

Il avait aussi analysé ce qu’il adviendrait s’il tentait de reformer la flotte sur place pour combattre les vaisseaux syndics en surnombre qui surgiraient derrière elle du point de saut. Compte tenu de la quantité de vaisseaux endommagés, du faible niveau des réserves d’énergie et des stocks de munitions pratiquement épuisés, ses simulations s’étaient toujours soldées par l’anéantissement de sa flotte.