Выбрать главу

» Votre force, c’est que personne ne vous connaîtra. Voici vos accréditifs.

Il poussa vers Malko une enveloppe jaune.

— Vous avez une chance de découvrir quelque chose en laissant traîner vos oreilles au bar des délégués, continua-t-il.

Malko pensa que cela relevait du miracle.

— Ça me paraît hasardeux, objecta-t-il. Ce genre de secret ne se dévoile pas au coin d’un bar.

— Nous allons vous aider, fit Katz. Je vous ai dit que cette affaire nous tenait à cœur.

Il griffonna sur une carte et la tendit à Malko qui lut : « Agence Jetset Plaza 76597. »

— Chaque fois que vous avez besoin d’une fille, expliqua Katz, vous appelez ce numéro et vous précisez si vous voulez une Blanche, une Noire ou une Jaune. Vous l’avez dans les dix minutes. En précisant que c’est pour Fairchild.

Il cligna de l’œil, horriblement canaille.

— Profitez-en. Ce sont des dames qui valent normalement deux cents dollars la nuit. Ce n’est pas une mauvaise idée pour se faire des amis, non ? Il paraît que ces messieurs les délégués sont plutôt portés sur la chair fraîche.

— Vous avez passé un contrat avec une agence de call-girls ? demanda Malko quand même un peu suffoqué. Si le sénateur Fulbright, pourfendeur des « éperviers du Pentagone » avait su cela…

— L’affaire nous appartient, reconnut modestement Al Katz. Et rend de fichus services. Quant à ces petites, vous pouvez leur demander ce que vous voulez. Je vous introduirai également auprès du docteur Shu-lo et de ses collaboratrices. Il représente les Services de renseignements de Formose. Inutile de vous dire à quel point tout cela les intéresse.

Malko empocha la carte, rêveur. Derrière la politique, on retrouvait toujours le sexe et l’argent. Katz poussa une clé vers lui.

— Voilà de quoi entrer chez vous. Vous habitez 420 East 51e. Merveilleux appartement de célibataire, où vous pourrez emmener vos amis et vos conquêtes. Si vous… disons, vous amusez, avec des délégués, essayez que cela se passe toujours dans la chambre du fond et n’éteignez pas tout.

— Pourquoi ?

— À cause des caméras. Elles sont perfectionnées et silencieuses. Mais il leur faut quand même un peu de lumière.

La CIA pensait à tout. Malko se demanda s’il n’allait pas refuser cette étrange mission. Mais la perspective de pénétrer dans les coulisses de l’ONU l’amusait. Il empocha « sa » clé.

— Avez-vous pensé à un maître d’hôtel ? demanda-t-il soudain.

Al Katz secoua la tête.

— Non, mais…

— Je vais y pourvoir, dit Malko. J’en ai un excellent et sûr. Il suffit de le faire venir. J’espère que vous n’y voyez pas d’inconvénients ? À vos frais, bien entendu.

Al Katz soupira.

— Au point où nous en sommes.

Cela allait faire la joie d’Elko Krisantem, qui adorait voyager. L’ancien tueur à gages d’Istanbul se morfondait dans le château de Malko en attendant le retour de son maître. Maniant aussi bien le lacet à étrangler que l’aspirateur, il pouvait rendre de grands services à un faux diplomate.

Malko se leva. Soudain, Katz claqua des doigts.

— J’allais oublier.

Il tendit à Malko la boîte d’allumettes. Celui-ci l’ouvrit. À l’intérieur on avait griffonné quelques mots : « Jada ».

La boîte d’allumettes venait de l’Hippopotamus, une discothèque qui venait de s’ouvrir à New York.

— On a trouvé cela dans l’appartement de notre délégué, expliqua Al Katz. Il y a quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent pour que ce soit une histoire de fesses sans importance. Essayez de voir quand même. Mais ne perdez pas de temps pour cela. Il ne s’agit pas de la fille qui a sauté avec lui. Nous avons son identité : Martha Buffum.

» Surtout, supplia l’Américain, du doigté et du tact ! Tous les délégués sont horriblement susceptibles. Et plus ils sont Noirs et fauchés, plus ils le sont.

Malko empocha la boîte d’allumettes et assura Al Katz qu’il ne causerait pas la peine la plus légère au délégué le plus noir du plus obscur des « micro-États ». Il sortit du bureau et prit l’ascenseur. Il commençait à pleuvoir et il lui fut impossible de trouver un taxi. Il dut marcher trois blocs avant de trouver le bus cross-town de la 50e Rue, qui le déposa au coin de la Première Avenue. Il était venu de Poughkeepwie par le train, car il était absolument impossible de se garer dans New York. Même lorsqu’on était barbouze de luxe à la CIA.

Avant de rejoindre son nouveau domicile, il contempla le grand building de verre de l’ONU, derrière lequel fumaient les trois cheminées bleu-blanc-rouge de la centrale thermique Con Edison. Qu’est-ce qui pouvait bien se mijoter dans ce bâtiment en apparence sans mystère, visité à longueur d’années comme la Tour Eiffel ? Il fallait évidemment des raisons hautement humanitaires, comme un énorme paquet de dollars, pour toucher la conscience d’un ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire.

Chapitre III

Malko était depuis une heure à l’Hippopotamus et s’ennuyait comme un rat mort. La salle ressemblait à toutes les discothèques du monde et les disques étaient les mêmes que partout ailleurs. De plus, Malko préférait la valse. La vraie, la viennoise, que l’on danse en frac et en robe du soir. Bien que l’Hippopotamus soit en principe un club, il n’avait pas eu de difficultés à entrer, lorsqu’il avait montré sa carte de diplomate.

Les femmes étaient jolies, noires ou blanches, peu de minis, beaucoup de pantalons. Un couple de Noirs dansait d’une façon extraordinairement sexy, ondulant l’un contre l’autre comme s’ils faisaient l’amour debout. Un groupe de minettes de l’East End, retroussées jusqu’au nombril, les contemplait d’un œil bovin. Au bar, dans une autre pièce, au fond, il y avait plusieurs filles, seules ou accompagnées.

Laquelle était Jada ? Si elle se trouvait là.

Malko soupira et but une gorgée de sa vodka. Une horreur qui n’avait rien à voir avec la vodka russe. En renouvelant sa consommation, il prendrait un J and B.

Sa première journée à l’ONU avait été décevante. Si les délégués étaient à vendre, ils ne le montraient pas. Malko avait traîné toute la journée au bar, liant conversation chaque fois que cela lui était possible. Sans encore oser utiliser les créatures attrayantes de l’Agence Jet Set.

Le bar des délégués était aussi haut de plafond qu’une cathédrale, avec d’immenses parois vitrées donnant sur l’East River et, au nord, sur les deux immeubles les plus chers de New York, le long de la 48e Rue. La modeste cafétéria du fond servait le meilleur expresso de New York et des sandwiches défiant la description. Les malheureux délégués n’avaient pour s’asseoir qu’une vingtaine de fauteuils et de canapés, ce qui fait qu’en session, la plupart restaient debout, semblant attendre un problématique métro. Mais, tel qu’il était, le bar des délégués demeurait le centre de la vie sociale onusienne.

Malko avait échappé au bout d’une heure à une interminable dissertation sur les dégâts des sauterelles en Mauritanie pour tomber dans les bras d’un délégué marocain qui lui avait administré un cours d’arabe littéraire. Il avait récupéré en fin de journée un Krisantem abruti de sommeil, pas rasé, qui s’était endormi pratiquement en entrant dans l’appartement. Après avoir quand même posé sur sa table de nuit son vieux parabellum Astra et son lacet. L’appartement était exactement ce qu’avait décrit Al Katz. Avec même du Dom Perignon et du Moët et Chandon dans le réfrigérateur. Malko avait cherché en vain les orifices des caméras, dans la pièce réservée aux orgies. Et pourtant, elles existaient. Il savait que tout était truqué : le téléphone était branché sur un magnétophone et son dispositif permettant de situer immédiatement l’origine de n’importe quel appel. Des micros étaient incrustés dans les murs. Sans compter les caméras.