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— Je dis d’accord, répondit Barbie. Mais quand je vois que nous sommes tous du même bord, me demande pas en plus que ça me plaise. » Il se tourna vers Julia. « Vous avez votre téléphone ? »

Elle le sortit. « Vous devriez en avoir un. C’est à la mode.

— J’en ai un. Un Best Buy jetable spécial. Je ne m’en suis presque jamais servi. Il est resté dans un tiroir quand j’ai essayé de quitter la ville. J’ai pas vu de raison de ne pas l’y laisser ce soir. »

Elle lui tendit le sien. « Faudra composer le numéro vous-même, j’en ai peur. J’ai du boulot, moi. » Elle éleva la voix pour que les soldats qui se tenaient au-delà de la lumière aveuglante puissent l’entendre. « Je suis la rédactrice en chef du journal local, après tout, et j’ai besoin de quelques clichés. » Elle éleva encore la voix. « En particulier d’une photo de soldats montant la garde en tournant le dos à une communauté en détresse.

— Madame, j’aimerais autant que vous vous absteniez », dit le chef du détachement.

C’était un type trapu au dos large.

« Venez m’en empêcher, l’invita Julia.

— Je crois que vous savez que c’est impossible, répondit le marine. Pour ce qui est de nos dos tournés, ce sont les ordres.

— Marine, rétorqua Julia, prenez vos ordres, roulez-les bien serrés penchez-vous en avant et collez-vous-les là où la qualité de l’air laisse à désirer. »

Dans la lumière brillante, Barbie vit quelque chose de remarquable : Julia Shumway implacable, les lèvres serrées, les yeux embués de larmes.

Tandis que Barbie composait le numéro au code zone bizarre, elle prit son appareil photo et commença à mitrailler. Le flash n’était pas très puissant, comparé aux projecteurs alimentés par les générateurs, mais Barbie vit les soldats tressaillir chaque fois. Ils doivent sans doute espérer que leurs foutus insignes n’apparaîtront pas.

2

Le colonel de l’armée américaine James O. Fox avait dit qu’il attendrait, la main sur le téléphone, à vingt-deux heures trente. Barbie et Julia avaient pris un peu de retard et Barbie ne l’appela qu’à onze heures moins vingt, mais la main de Cox n’avait pas dû bouger car le téléphone ne sonna qu’une fois, avant que l’ancien patron de Barbie ne lançât : « Allô, Ken à l’appareil. »

Barbie était toujours furieux, mais ça ne l’empêcha pas de rire. « Yes, sir. Et je suis toujours la garce qui ramasse la mise. »

Cox rit aussi, pensant sans aucun doute qu’ils partaient d’un bon pied. « Comment allez-vous, capitaine Barbara ?

« Sir, je vais très bien, sir. Mais sauf votre respect, je suis juste Dale Barbara, maintenant. La seule compagnie que je commande à l’heure actuelle, ce sont les grils et les friteuses du restaurant du coin, et je ne suis pas d’humeur à plaisanter plus longtemps. Je suis perplexe, colonel, et étant donné que je contemple les dos d’une bande de marines à la noix qui refusent de se retourner et de me regarder dans les yeux, je vous avoue que j’en ai ras le bol.

— Ça peut se comprendre. Mais de mon point de vue il y a une chose que vous devez aussi comprendre. S’il y avait quoi que ce soit que ces hommes puissent faire pour vous aider ou mettre un terme à cette situation, ce seraient leurs yeux que vous regarderiez et non leurs culs. Vous admettez ça ?

— Je vous ai bien entendu, colonel. »

Ce n’était pas exactement une réponse.

Julia continuait à mitrailler. Barbie se déplaça vers le bord de la route. De là, il apercevait des tentes, au-delà des camions. Également ce qui pouvait être la guitoune d’un mess et un parking avec d’autres camions. Les marines étaient en train d’installer un camp, et probablement d’autres plus importants sur les Routes 119 et 117, là où elles quittaient la ville. Ce qui suggérait une situation permanente. Son cœur se serra.

« La femme du journal est ici ? demanda Cox.

— Oui. Elle prend des photos. Et, colonel, je vais être franc avec vous : quoi que vous me disiez, je le lui rapporterai. Je suis de son côté, maintenant. »

Julia s’arrêta, le temps d’adresser un sourire à Barbie.

« Bien compris, capitaine.

— Colonel, vous ne gagnez rien à m’appeler ainsi.

— Très bien. Ce sera juste Barbie. Ça vous va ?

— Oui monsieur.

— Et en ce qui concerne ce que la dame en question décidera de publier… pour le bien des habitants de votre patelin, j’espère qu’elle a assez de bon sens pour faire des choix judicieux.

— Il me semble que c’est le cas.

— Et si jamais elle envoie des photos à qui que ce soit à l’extérieur — à un hebdomadaire ou au New York Times, par exemple —, vous risquez de vous retrouver avec une liaison Internet dans le même état que vos lignes téléphoniques terrestres.

— Ça c’est vraiment dégueu…

— La décision serait prise à un échelon supérieur. Je ne fais que transmettre. »

Barbie soupira. « Je le lui dirai.

— Vous me direz quoi ? demanda Julia.

— Que si vous essayez de transmettre des photos, ils useront de représailles contre la ville en fermant l’accès au réseau Internet. »

Julia eut un geste de la main que Barbie n’aurait jamais pensé voir faire par une charmante dame républicaine. Il revint à la communication.

« Qu’est-ce que vous pouvez me dire ?

— Tout ce que je sais, répondit Cox.

— Merci, monsieur. »

Barbie doutait cependant que le colonel tînt parole. L’armée ne fait jamais état de tout ce qu’elle sait. Ou croit savoir.

« Nous l’appelons le Dôme, reprit Cox, mais ce n’est pas un dôme. Du moins, nous ne pensons pas que c’en soit un. Nous pensons qu’il s’agit d’une capsule dont les limites respectent exactement celles du territoire communal de Chester’s Mill. Et quand je dis exactement, c’est exactement.

— Savez-vous jusqu’à quelle altitude il s’élève ?

— Apparemment, à quinze mille mètres environ. Nous ignorons si le sommet est rond ou plat. Pour le moment. »

Barbie ne dit rien. Il était sidéré.

« Et quant à la profondeur… qui sait ? Tout ce que nous pouvons dire, pour le moment, est qu’elle dépasse trente mètres. C’est la profondeur de l’excavation que nous sommes en train de creuser sur la ligne de démarcation entre Chester’s Mill et la zone sans statut au nord.

— Le TR-90. »

Barbie sentit le ton déprimé, sinistre de sa voix.

« Peu importe. Nous sommes partis d’une gravière qui était déjà profonde d’une dizaine de mètres. J’ai vu des images spectrographiques qui m’ont laissé sans voix. Notamment de grands pans de roches métamorphiques qui ont été coupés en deux. Il n’y a pas de rupture, mais on voit un léger changement de direction là où la plaque rocheuse plonge au nord. Nous avons vérifié les relevés sismiques de la station météo de Portland, et bingo : on a constaté une secousse à onze heures quarante-quatre. De 2,1 sur l’échelle de Richter. C’est à ce moment-là que ça s’est produit.

— Génial », dit Barbie.

Il se voulait sarcastique, mais il était trop stupéfait et perplexe pour être sûr de l’avoir été.

« Rien de tout cela n’est très concluant, mais c’est persuasif. D’accord, les explorations ne font que commencer, mais pour le moment, on dirait que le truc s’enfonce autant qu’il monte. Et s’il s’élève à plus de cinq nautiques…