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« Écoute-moi, petit. Mets-toi à genoux et…

— Ames, espèce de branleur ! » vociféra de nouveau le sergent Groh, s’avançant à grands pas. « Arrête de traîner et mets-toi au boulot ! Mes réserves de patience sont à sec, petit con ! »

Le soldat Ames l’ignora. Il ne pouvait détacher les yeux du visage qui le regardait depuis l’autre côté de cette paroi de verre encrassée. « Mets-toi à genoux et nettoie cette cochonnerie tout en bas ! Fais-le, mon gars, fais-le tout de suite ! »

Le visage disparut, et Ames espéra que le gosse aux vaches s’était non pas évanoui, mais faisait ce qu’il lui avait demandé.

La main du sergent Groh s’abattit sur son épaule. « T’es sourd ou quoi ? Je t’ai dit…

— Allez chercher les ventilateurs, sergent ! Faut aller chercher les ventilos !

— Qu’est-ce que tu me racon… »

Ames hurla à la figure du redoutable sergent Groh : « Il y a quelqu’un de vivant là-derrière !  »

7

Il ne restait qu’une bouteille d’oxygène dans le petit chariot rouge, lorsque Verdreaux le Poivrot était arrivé au camp proche du Dôme, et l’aiguille était juste au-dessus de zéro. Sam n’émit aucune objection lorsque Rusty lui prit le masque pour le poser sur la figure d’Ernie, et se contenta de ramper jusqu’au Dôme, près de l’endroit où se tenaient Barbie et Julia. À quatre pattes, le nouvel arrivant se mit à respirer profondément. Horace le corgi, assis à côté de Julia, l’observait avec intérêt.

Sam se mit sur le dos. « C’est pas grand-chose, mais mieux que ce que j’avais. Les dernières bouffées de la bouteille, elles ont un sale goût à côté des premières. »

Sur quoi, à la stupéfaction de tous, il alluma une cigarette.

« Éteignez ça ! Vous êtes fou, ou quoi ?

— J’en crevais d’envie, répondit Sam, inhalant avec satisfaction. On peut pas fumer avec de l’oxygène dans le secteur, on risque se faire sauter. Y’en a quand même qui le font.

— Autant le laisser fumer, dit Rommie. Ça ne peut pas être pire que la merde que nous respirons. Pour ce qu’on en sait, les goudrons et la nicotine qu’il a dans les poumons le protègent. »

Rusty vint s’asseoir à côté d’eux. « Ce réservoir a rendu l’âme, mais Ernie a pu en tirer quelques bouffées de plus. Il a l’air plus reposé, à présent. Merci, Sam. »

Sam rejeta le remerciement d’un geste de la main. « Mon air est votre air, doc. Ou l’était. Dites, vous pouvez pas en faire plus avec les trucs que vous avez dans l’ambulance ? Les types qui me livrent mes bouteilles — ou qui me les livraient avant que ce soit le foutoir total —, ils pouvaient en fabriquer directement dans leur bahut. Ils avaient un machin, chai-pas-comment-qu’ils-l’appelaient, un genre de pompe.

— Oui, un extracteur d’oxygène, répondit Rusty, et vous avez raison, nous en avons un — mais il est en panne. » Il montra ses dents en guise de sourire. « Cela fait trois mois qu’il est en panne.

— Quatre », le corrigea Twitch en se rapprochant du groupe. Il regardait la cigarette de Sam. « Vous n’en avez pas d’autres, j’imagine.

— N’y pense même pas, le tança Ginny.

— T’as peur que je pollue ce paradis tropical, ma chérie ? » répliqua Twitch, qui secoua cependant négativement la tête lorsque Sam lui tendit un paquet d’American Eagles à moitié aplati.

« J’ai rempli le formulaire pour le faire remplacer, reprit Rusty. Je l’ai présenté au conseil d’administration de l’hôpital. On m’a répondu qu’il n’y avait plus de budget, que je devais m’adresser à la ville. Qu’elle m’aiderait peut-être. J’ai donc envoyé le formulaire au conseil municipal.

— À Rennie, autrement dit, fit Piper Libby.

— Autrement dit, oui. J’ai reçu une réponse toute faite selon laquelle ma requête serait examinée lors de la réunion budgétaire de novembre. On verra donc à ce moment-là, hein ? »

Il leva les mains au ciel et rit.

Le reste des réfugiés se rassemblait à présent autour d’eux, regardant Sam avec curiosité — et sa cigarette avec horreur.

« Comment vous êtes arrivé ici, Sam ? » lui demanda Barbie.

Sam fut ravi d’avoir à raconter son histoire. Il commença par expliquer comment il avait obtenu de se faire livrer régulièrement des bouteilles d’oxygène, après qu’on lui eut diagnostiqué de l’emphysème, tout ça grâce à LA MÉDICALE, et comment il lui arrivait d’en avoir d’avance. Il avait entendu l’explosion et était sorti de chez lui voir ce qui se passait.

« J’ai compris ce qui allait arriver dès que j’ai vu à quel point c’était énorme », continua-t-il. À son public s’étaient maintenant ajoutés les militaires, de l’autre côté. Cox, en boxer-short et tricot kaki, se tenait parmi eux. « J’avais déjà vu des incendies sérieux, quand je travaillais dans les bois. Deux fois, j’ai tout juste eu le temps de tout laisser tomber pour pas me faire rattraper, et si les camions que nous avions à l’époque — des International Harvester, vous parlez d’antiquités — s’étaient embourbés, on aurait été cuits. Littéralement. Le pire, c’est les feux de cimes, parce qu’ils produisent leur propre vent. J’ai tout de suite compris que c’était ce qui allait se produire. Le truc qui a explosé était monstrueux. C’était quoi ?

— Du propane », dit Rose.

Sam caressa le chaume qui hérissait son menton. « J’veux bien, mais y’avait pas que du propane. Y’avait aussi des produits chimiques, parce qu’une partie des flammes étaient vertes. Si c’était venu de mon côté, j’aurais été foutu. Et vous aussi. Mais l’aspiration s’est faite vers le sud. C’est sans doute à cause de la configuration du terrain, ça peut être que ça. Et du lit de la rivière, aussi. Bref, je savais ce qui allait arriver, alors j’ai pris les bouteilles dans mon bar à oxygène…

— Dans quoi ? » demanda Barbie.

Sam tira une dernière bouffée sur sa cigarette, puis l’écrasa dans la terre. « Oh, c’est juste le nom que je donne à l’endroit où je garde les bouteilles. Bref, j’en avais cinq de pleines…

— Cinq ! s’exclama Thurston d’un ton presque gémissant.

— Exact, cinq, confirma Sam joyeusement. Mais j’aurais jamais pu en tirer autant. Je commence à me faire vieux, vous savez.

— Vous n’auriez pas pu prendre une voiture ou un camion ? demanda Lissa Jamieson.

— Madame, j’ai perdu mon permis il y a cinq ans. Trop de PV. Si jamais on me prenait au volant d’un truc plus gros qu’un kart, on me flanquerait en taule et on jetterait la clef. »

Barbie fut sur le point de souligner l’absurdité fondamentale de cette réponse, dans leur situation, mais pourquoi gaspiller de l’air pour ça, quand l’air était devenu si dur à respirer ?

« Bref, quatre, c’est ce que j’ai pensé que je pourrais tirer dans mon petit chariot rouge, et je n’avais pas fait quatre cents mètres que j’ai commencé à taper dans la première. J’avais pas l’choix, faut vous dire.

Jackie Wettington demanda : « Vous saviez que nous étions ici ?

— Non, madame. C’était les hauteurs, c’est tout ce que je savais, et aussi que mon air en bouteilles n’allait pas durer éternellement. Je n’avais aucune idée que vous étiez ici, et je n’avais non plus aucune idée pour les ventilateurs, là. C’est juste que j’avais pas d’autre endroit où aller.

— Comment se fait-il que vous ayez mis tout ce temps ? demanda Pete Freeman. Il ne doit même pas y avoir cinq kilomètres entre God Creek et ici.