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— Oh, Julia ! Bon Dieu. Je suis désolé. »

La voix de Barbie était rauque, brisée, méconnaissable.

« Il faut que j’aille jusqu’à la boîte qui produit le Dôme, Barbie. Comme peut-on s’y prendre ? »

Barbie secoua la tête. « Irréalisable. Même s’il y avait une possibilité de faire quelque chose, la boîte est sur la crête, à sept ou huit cents mètres d’ici. Nous ne sommes même pas capables d’aller jusqu’aux véhicules sans retenir notre respiration, et ils ne sont qu’à vingt mètres à peine.

— Si, c’est réalisable », fit une voix.

Ils tournèrent la tête et virent Sam Verdreaux le Poivrot. L’homme fumait l’une de ses dernières cigarettes et les regardait d’un œil bien ouvert. Il était à jeun ; il était tout à fait à jeun pour la première fois depuis huit ans.

« Il y a un moyen, reprit-il. Je vais vous montrer. »

RENTRE CHEZ TOI AVEC,

ÇA TE FERA COMME UNE ROBE

1

Sept heures trente. Ils s’étaient réunis, tous, y compris la mère éplorée aux yeux rougis de feu Benny Drake. Alva avait passé les bras autour des épaules d’Alice Appleton. La fillette avait complètement perdu son goût de la provocation, et chacune de ses respirations produisait un râle sibilant dans sa poitrine étroite.

Quand Sam eut terminé d’exposer son idée, il y eut un moment de silence… si l’on ne tient pas compte, bien entendu, du grondement des ventilateurs. Puis Rusty prit la parole : « C’est dément. Vous mourrez.

— Si nous restons ici, survivrons-nous ? lui demanda Barbie.

— Mais pourquoi vouloir essayer un truc pareil ? intervint Linda. Même si l’idée de Sam fonctionne et que vous…

— Oh, je crois qu’elle va marcher, l’interrompit Rommie.

— Sûr et certain, dit Sam. C’est Peter Bergeron qui m’a raconté ça, pas très longtemps après l’incendie de Bar Harbor, en 1947. Peter était tout ce que vous voudrez, mais certainement pas un menteur.

— Et même si ça marche, dit Linda, pourquoi ?

— Parce qu’il reste une chose que nous n’avons pas essayée », répondit Julia. À présent que sa décision était prise et qu’elle savait que Barbie l’accompagnerait, elle avait retrouvé son sang-froid. « Nous n’avons pas essayé la supplication.

— C’est du délire, Julia, dit Tony Guay. Vous imaginez-vous qu’ils vont vous entendre ? Ou vous écouter, s’ils vous entendent ? »

Julia se tourna vers Rusty, la mine grave. « Le jour où avec votre ami Georg Lathrop, vous faisiez brûler des fourmis vivantes avec sa loupe, les avez-vous entendues vous supplier ?

— Les fourmis en sont incapables, Julia.

— Vous avez dit, il m’est venu à l’esprit que les fourmis avaient aussi leur petite vie à elles… pourquoi cela vous est-il venu à l’esprit ?

— Parce que… », répondit-il sans aller plus loin.

Il haussa les épaules.

« Vous les avez peut-être entendues, suggéra Lissa Jamieson.

— Avec tout le respect que je vous dois, c’est une connerie, Lissa, dit Pete Freeman. Les fourmis sont des fourmis. Elles ne peuvent pas supplier.

— Mais les êtres humains, si, fit observer Julia. Et n’avons-nous pas aussi nos petites vies ? »

Personne ne répondit.

« Quelle autre solution vous reste-t-il ? »

Le colonel Cox venait de parler de derrière eux. Tout le monde l’avait oublié. Le monde extérieur et sa population avaient perdu toute réalité pour les prisonniers du Dôme. « J’essaierais, moi, si j’étais à votre place, reprit Cox. N’allez pas raconter que je vous l’ai dit, mais j’essaierais, oui… Barbie ?

— Je suis déjà pour. Julia a raison. Il ne nous reste rien d’autre. »

2

« Voyons un peu ces sacs », dit Sam.

Linda lui tendit trois sacs-poubelle. Deux d’entre eux contenaient les vêtements qu’elle y avait jetés à la hâte plus quelques livres pour les filles (T-shirts, pantalons, chaussettes et sous-vêtements étaient à présent éparpillés n’importe comment derrière le petit groupe des survivants). Le troisième était un cadeau de Rommie et avait servi à transporter deux fusils de chasse. Sam examina les trois, trouva un trou dans celui qui avait contenu les armes et le rejeta. Les deux premiers étaient intacts.

« Bon, dit-il. Écoutez-moi bien. Nous allons prendre le van de Mrs Everett pour aller jusqu’à la boîte, mais il faut commencer par le ramener jusqu’ici. » Du doigt, il montra l’Odyssey. « Vous êtes bien certaine que les vitres sont fermées, madame ? Faut pas vous tromper, parce que des vies vont en dépendre.

— Complètement fermées, répondit Linda. J’avais branché la clim. »

Sam regarda Rusty. « Vous allez le rapatrier ici, doc mais première chose, vous coupez la clim. Vous comprenez pourquoi, hein ?

— Pour protéger l’air de l’habitacle.

— Un peu de l’air vicié y entrera quand vous ouvrirez la portière, évidemment, mais pas trop, si vous faites vite. Il y aura toujours de l’air respirable à l’intérieur. L’air de la ville, avant. Les passagers devraient pouvoir respirer sans problème jusqu’à la boîte. Le vieux van, lui, n’est bon à rien, et pas seulement parce qu’il est resté vitres ouvertes…

— Fallait bien, dit Norrie, regardant le véhicule d’AT&T volé dans le parking de Big Jim. La clim ne marchait pas. C’est pa-papi qui l’a dit. »

Une larme roula lentement de son œil gauche et s’ouvrit un chemin dans la suie qui encrassait sa joue. De la crasse, il y en avait maintenant partout, surtout de la suie, une suie tellement fine qu’elle en était presque invisible mais qui tombait régulièrement du ciel congestionné.

« C’est pas un reproche, ma chérie, lui dit Sam. Les pneus ne valent pas un clou, de toute façon. Suffit de les voir pour deviner d’où vient ce tacot.

— Autrement dit, on devra se servir de mon van s’il faut un autre véhicule, dit Rommie. Je vais aller le chercher. »

Sam secoua la tête. « Vaut mieux prendre la voiture de Ms Shumway, parce que ses pneus sont plus petits et seront plus faciles à manipuler. Sans compter qu’ils sont pratiquement neufs. L’air, dedans, doit être plus frais. »

Un sourire vint brusquement illuminer le visage de Joe McClatchey. « L’air des pneus ! Mettre l’air des pneus dans les sacs-poubelle ! Des bouteilles de plongée faites maison ! Mr Verdreaux, c’est du génie ! »

Sam le Poivrot sourit, exhibant les six dents qui lui restaient. « Oh, répondit-il, l’idée n’est pas de moi, fiston, je l’ai dit. Mais de Peter Bergeron. Il m’a raconté l’histoire de deux types qui se sont trouvés encerclés par le feu, pendant le grand incendie de Bar Harbor. Ils ne risquaient rien où ils étaient, mais l’air devenait de moins en moins respirable. Si bien qu’ils ont eu l’idée de démolir la valve d’un pneu de camion et de respirer directement dessus chacun leur tour, en attendant que le vent ait renouvelé l’air. Ils ont dit à Pete que l’air avait un goût dégueulasse, comme du vieux poisson, mais ça leur a permis de survivre.

— Un pneu suffira ? demanda Julia.

— C’est possible, mais j’ai pas trop confiance dans la roue de secours, ces machins-là sont juste bons pour rouler sur trente kilomètres jusqu’à la prochaine station-service.

— Pas la mienne, dit Julia. J’ai ces saletés en horreur. J’ai demandé à Johnny Carver de m’en mettre une neuve, et il l’a fait. » Elle regarda vers la ville. « Je suppose que Johnny est mort, à présent. Carrie aussi.