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— Ms Shumway…

— Oh, appelez-moi Julia. Nous sommes quasiment de vieux amis.

— Parfait. Vous c’est Julia, moi c’est J.-C.

— Je vais m’efforcer de ne pas vous confondre avec celui qui marchait sur les eaux.

— À votre avis, ce Rennie serait en train de se tailler un costard de dictateur, c’est ça ? Il chercherait à devenir un Noriega version Nouvelle-Angleterre ?

— Ce serait plutôt sa tendance Pol Pot qui m’inquiète.

— Cela vous paraît-il possible ?

— Il y a deux jours, cette idée m’aurait fait rire — ce type vend des voitures d’occasion quand il ne préside pas les réunions du conseil municipal. Mais il y a deux jours, nous n’avions pas eu d’émeute dans un supermarché. Et nous n’étions pas au courant de ces meurtres.

— C’est pas Barbie, dit Rose, secouant la tête d’un air accablée. Jamais de la vie. »

Cox ne releva pas — non pas parce qu’il ignorait Rose, eut l’impression Julia, mais parce qu’il considérait, en effet, l’idée comme trop ridicule pour mériter d’être retenue. Elle éprouva un début de sympathie pour le colonel. « Pensez-vous que Rennie soit l’auteur de ces meurtres, Julia ?

— J’ai réfléchi à la question. Tout ce qu’il a fait depuis l’installation du Dôme — comme interdire la vente d’alcool ou nommer un abruti intégral comme chef de la police — avait un but politique, ce but étant d’augmenter son pouvoir.

— Diriez-vous que le meurtre ne figure pas parmi ses modes d’action ?

— Je ne peux pas être aussi affirmative. Lorsque sa femme est morte, des rumeurs ont couru selon lesquelles il lui aurait donné un coup de main. J’ignore si elles sont fondées, mais le seul fait que de telles rumeurs aient pu être lancées en dit long sur la perception que les gens ont de cet homme. »

Cox acquiesça d’un grognement.

« J’ai beau me creuser la tête, cependant, je ne vois pas en quoi l’assassinat et le viol de deux adolescentes pourraient avoir un objectif politique.

— Barbie, jamais de la vie, répéta Rose.

— Pareil avec Coggins, bien que son ministère — et en particulier la station de radio — soit étrangement bien doté. Quant à Brenda Perkins… Son meurtre pourrait avoir été politique.

— Et vous ne pouvez pas envoyer les marines pour l’arrêter, hein ? intervint Rose. Tout ce que vous pouvez faire, c’est regarder. Comme les gosses regardent un aquarium dans lequel les gros poissons bouffent les petits quand il n’y a plus de nourriture.

— Je peux supprimer le service des portables, dit Cox d’un ton méditatif. Et Internet. Je peux déjà faire cela.

— La police a des talkies-walkies, lui fit observer Julia. Elle les utilisera. Et à la réunion de jeudi soir, quand les gens se plaindront de n’avoir plus aucun lien avec l’extérieur, il en rejettera la faute sur vous.

— Nous avions envisagé de faire une conférence de presse vendredi. Je pourrais l’annuler. »

Julia frémit à cette seule idée. « Surtout pas ! Il n’aurait même plus à s’expliquer devant le reste du monde.

— Sans compter, ajouta Rose, que si vous nous coupez les téléphones portables et Internet, personne ne pourra vous dire ce qu’il fabrique. »

Cox resta un moment silencieux, fixant le sol. Puis il releva la tête. « Et cet hypothétique générateur qui maintiendrait le Dôme en place ? Du nouveau ? »

Julia se demanda s’il était prudent de raconter à Cox qu’ils avaient chargé un gamin d’âge scolaire de le traquer. Mais en fin de compte, elle n’eut pas à le faire, car à cet instant la sirène de l’hôtel de ville se déclencha.

22

Pete Freeman laissa tomber le dernier lot de journaux à côté de la porte. Puis il se redressa, se tenant les reins à deux mains, et s’étira. Tony Guay entendit le craquement depuis l’autre bout de la salle.

« On dirait que ça fait mal.

— Non, ça fait du bien.

— Ma femme doit dormir, à l’heure qu’il est, et j’ai une bouteille planquée dans le garage. Tu veux passer à la maison pour un petit verre, avant de rentrer chez toi ?

— Non, je crois que je vais juste… », commença Peter.

C’est à cet instant là qu’une première bouteille fracassa la fenêtre. Il vit une flamme du coin de l’œil et recula d’un pas. Un seul, mais qui lui évita d’être brûlé, voire brûlé vif.

La bouteille explosa. L’essence s’enflamma et se déploya en une mandorle éclatante. Pete pivota et la mandorle le frôla, mettant le feu à sa manche de chemise avant de tomber sur le tapis, devant le bureau de Julia.

« Qu’est-ce que c’est que cette conn… », articula Tony. Une deuxième bouteille passa par la fenêtre. Elle atterrit sur le bureau de Julia et roula dessus en mettant le feu aux papiers qui le jonchaient. L’odeur chaude de l’essence brûlée était puissante.

Peter courut jusqu’à la fontaine d’eau fraîche, dans l’angle, tout en tapant sur sa manche de chemise. Il souleva maladroitement la bonbonne, la tenant contre lui, puis plaça sa manche en feu (dessous, son bras lui faisait l’effet d’avoir pris un mauvais coup de soleil) sous l’eau qui en coulait.

Un autre cocktail Molotov vola dans la nuit. Trop court. Il explosa sur le trottoir et se transforma en un petit feu de joie sur le ciment. Des serpentins enflammés coulèrent jusque dans le caniveau et s’éteignirent.

« Verse l’eau sur le tapis ! cria Tony à Peter. Verse-la avant que ça foute le feu partout ! »

Pete le regarda, sonné, haletant. L’eau continuait à couler sur la partie du tapis qui, malheureusement, n’en avait pas besoin.

Cela faisait dix ans que Tony Guay avait quitté l’université et arrêté le sport, mais ses réflexes étaient pour l’essentiel intacts. Il arracha la bonbonne d’eau à Pete et la tint tout d’abord au-dessus du bureau de Julia, puis du tapis. Les flammes se propageaient rapidement, mais peut-être… s’il faisait vite… et s’il y avait encore une ou deux bonbonnes en réserve dans le couloir…

« Les autres ! hurla-t-il à Pete qui regardait, bouche bée, sa manche encore fumante. Dans le couloir du fond ! » Un moment, Pete ne parut pas comprendre. Puis il pigea et s’élança vers le couloir, tandis que Tony passait derrière le bureau de Julia et faisait couler le dernier litre d’eau sur les flammes qui tentaient de gagner dans ce secteur.

Alors, le dernier cocktail Molotov arriva de la nuit, et ce fut celui-là qui fit vraiment des dégâts. Il tomba directement sur les piles de journaux entassées près de la porte d’entrée. L’essence en feu commença à courir le long de la plinthe, et les flammes se mirent à lécher les parois. Main Street, au milieu d’elles, se transforma en un mirage ondulant. De l’autre côté du mirage, sur le trottoir d’en face, Tony aperçut deux silhouettes indistinctes. Avec les vagues de chaleur, on aurait dit qu’elles dansaient.

« LIBÉREZ DALE BARBARA OU ÇA NE SERA QUE LE COMMENCEMENT ! » hurla une voix amplifiée. « NOUS SOMMES NOMBREUX ET NOUS BRÛLERONS TOUTE CETTE FOUTUE VILLE S’IL LE FAUT ! LIBÉREZ DALE BARBARA OU VOUS EN PAIEREZ LE PRIX ! »

Tony baissa les yeux et vit un ruisselet de feu s’avancer entre ses pieds. Il n’avait plus d’eau. Bientôt, les flammes auraient fini de dévorer le tapis et entreprendraient de goûter au vieux bois bien sec, en dessous. En attendant, tout le devant de la grande salle était en feu.

Tony lâcha la bonbonne vide et recula. La chaleur était déjà intense ; il la sentait qui lui tirait la peau. S’il n’y avait pas eu ces foutus journaux, j’aurais pu…