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Jusque-là, le Dôme était parfait.

Big Jim décida qu’il s’agenouillerait et prierait pour que ça se passe ainsi avant de se coucher.

7

Sammy s’engagea en boitillant dans le couloir de l’hôpital, regardant les noms sur les portes et jetant un coup d’œil dans les chambres quand il n’y en avait pas. Elle commençait à s’inquiéter à l’idée que la salope ne soit pas là lorsqu’elle arriva à la dernière et vit une carte de bons vœux de rétablissement punaisée sur celle-ci. Elle représentait un chien de dessin animé avec cette légende : « On m’a dit que tu ne te sentais pas trop bien. »

Sammy retira l’arme de Jack Evans de la ceinture de son jean (ceinture un peu plus lâche, aujourd’hui, elle avait finalement réussi à perdre un peu de poids, mieux valait tard que jamais) et ouvrit la carte du bout du canon. À l’intérieur, le chien se léchait les couilles et la légende disait : « Besoin d’un petit coup de langue ? » Signé Mel, Jim Jr, Carter, Frank, typique du bon goût que Sammy leur connaissait.

Toujours du canon, elle repoussa le battant. Georgia n’était pas seule. Cela n’entama nullement le calme profond qu’éprouvait Sammy, le sentiment d’avoir presque atteint la paix. Ce qui aurait pu arriver si l’homme endormi dans le coin avait été un innocent — le père ou l’oncle de la salope, par exemple — mais c’était Frankie, le Tripoteur de Nénés. Celui qui l’avait violée en premier, celui qui lui avait dit qu’elle avait intérêt à fermer sa gueule pendant qu’elle était à genoux. Qu’il soit endormi n’y changeait rien. Parce que les types comme lui recommençaient leurs saloperies dès qu’ils se réveillaient.

Georgia ne dormait pas ; elle souffrait trop, et la fille aux cheveux longs qui était passée la voir ne lui avait pas proposé de calmants. Elle reconnut Sammy et ses yeux s’écarquillèrent. « Toi, fous le ’amp d’ici ! »

Sammy sourit. « Hé, tu parles comme Homer Simpson. »

Georgia vit alors le pistolet et ses yeux s’agrandirent encore. Elle ouvrit sa bouche très largement édentée et cria.

Sammy continua de sourire. Son sourire s’élargit même, en réalité. Ce cri était musique pour ses oreilles, baume pour son cœur.

« “Baise cette salope”, dit-elle. C’est bien ça, Georgia ? C’est bien ce que t’as dit, connasse sans cœur ? »

Frank se réveilla et regarda autour de lui, ouvrant de grands yeux hébétés. Ses fesses avaient migré jusqu’au bord du siège, si bien que lorsque Georgia cria pour la deuxième fois, il sursauta et tomba par terre. Il portait une arme au côté — tous les flics en portaient, maintenant — et il voulut la dégainer. « Pose ça, Sammy, pose ça, c’est tout, on est juste entre amis, ici, juste entre amis.

— Tu ferais mieux de n’ouvrir ta gueule que quand t’es à genoux pour sucer la queue de ton ami Junior, Frank. »

Sur quoi Sammy appuya sur la détente du Springfield. La détonation de l’automatique fut assourdissante dans la petite pièce. La première balle passa au-dessus de la tête de Frank et fracassa la fenêtre. Georgia hurla. Elle essaya de sortir de son lit et son goutte-à-goutte et les fils qui la reliaient aux appareils de contrôle sautèrent. Sammy la repoussa sèchement et elle tomba à la renverse en travers du lit.

Frank n’avait toujours pas sorti son pistolet. Dans sa peur et sa confusion, il tirait sur l’étui et non pas sur l’arme, ne réussissant qu’à faire remonter le ceinturon. Sammy s’avança de deux pas vers lui, étreignit le pistolet à deux mains comme elle avait vu qu’on s’y prenait à la télé, et fit de nouveau feu. La partie gauche de la figure de Frank se détacha. Un débris scalpé heurta le mur et y resta collé. Il porta vivement la main à sa blessure. Du sang jaillit entre ses doigts. Puis ceux-ci disparurent, s’enfonçant dans le magma spongieux qu’il y avait à la place de l’os du crâne.

« Ça suffit !  » cria-t-il. Ses yeux étaient exorbités, noyés de larmes. « Ça suffit ! Ça suffit ! Me fais pas mal !  » Puis : « Maman ! MAMAN !

— Oublie ta mère, elle t’a mal élevé », répliqua Sammy avant de tirer une troisième fois, l’atteignant à la poitrine.

Il fut projeté contre le mur. Sa main gauche retomba sur le plancher ; des éclaboussures de sang jaillirent de la flaque qui s’y était déjà formée. Elle tira une quatrième fois. Puis elle se tourna vers la fille qui gisait sur le lit.

Georgia s’était recroquevillée en boule. Le moniteur bipait comme un forcené au-dessus d’elle, probablement à cause des fils qui s’étaient détachés. Ses cheveux lui pendaient sur les yeux. Elle poussait hurlement sur hurlement.

« C’est pas ce que t’as dit ? demanda Sammy. “Baise-moi cette salope”, c’est ça ?

— Uis ’é-olée !

— Quoi ? »

Georgia essaya de nouveau. « Suis ’ésolée ! Suis ’ésolée, Hammy !  » Puis, ultime absurdité : « E le ’eti’e !

— Quoi ? Tu le retires ? Tu peux pas. »

Sammy lui tira une première balle en pleine figure, puis une autre dans le cou. Georgia sursauta comme avait sursauté Frank et ne bougea plus.

Sammy entendit courir et crier dans le couloir. Des cris endormis provenaient aussi des autres chambres. Elle était navrée d’avoir provoqué tout ce désordre, mais parfois, on n’avait pas le choix. Parfois, il fallait faire certaines choses. Et une fois qu’elles étaient faites, on pouvait avoir la paix.

Elle porta l’arme à sa tempe.

« Je t’aime, Little Walter. Maman aime son petit garçon. »

Et elle appuya sur la détente.

8

Rusty emprunta West Street pour contourner l’incendie, puis revint sur le bas de Main Street à hauteur du carrefour avec la 117. Le salon funéraire Bowie était plongé dans le noir ; seules de fausses bougies électriques vacillaient dans les vitrines de la façade. Rusty se rendit dans le petit parking, comme le lui avait demandé sa femme, et se gara à côté du corbillard, une longue Cadillac grise. Quelque part dans le secteur, un générateur haletait.

Il tendait la main pour ouvrir sa portière lorsque son téléphone sonna. Il le coupa sans même regarder qui appelait et, quand il releva la tête, un flic se tenait à côté de la vitre. Un flic avec son arme à la main.

C’était une femme. Quand elle se pencha, Rusty vit un nuage exubérant de cheveux blonds frisottés — et il eut enfin un visage à associer au nom qu’avait mentionné Linda. La réceptionniste et dispatcher du poste de police, de service en journée. Il supposa qu’elle avait dû devenir flic à plein temps le Jour du Dôme, ou juste après. Supposa aussi qu’elle avait décidé toute seule de sa mission actuelle.

Elle rengaina son arme. « Hé, Dr Rusty. Stacey Moggin. Vous m’avez soignée, il y a deux ans ; je m’étais assise sur du sumac vénéneux. Vous savez, j’en avais plein les… » Elle se tapota les fesses.

« Oui, je m’en souviens. C’est agréable de vous voir avec votre pantalon remonté, Ms Moggin. »

Elle rit comme elle venait de parler : doucement. « J’espère que je ne vous ai pas fait peur.

— Si, un peu. J’étais en train de couper mon téléphone, et tout d’un coup, vous étiez là.

— Désolée. Venez à l’intérieur. Linda vous attend. Nous n’avons pas beaucoup de temps. Je vais faire le guet. J’enverrai un double clic sur le talkie-walkie de Linda si quelqu’un arrive. Si ce sont les Bowie, ils se gareront dans le parking latéral et nous pourrons nous éclipser par East Street sans être vus. » Elle inclina légèrement la tête de côté. « Bon, d’accord, c’est un poil optimiste, mais au moins sans être identifiés. Avec un peu de chance. »