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— Il n’y a rien d’humble chez vous, monsieur, et votre langage sacrilège ne me convient pas. Je suis chrétien.

— Un chrétien trafiquant de drogue, d’après mes informations.

— Cause toujours. Vos paroles ne m’atteignent pas. » Pas sous le Dôme, en particulier, pensa Big Jim, ce qui le fit sourire. « En avez-vous des preuves ?

— Allons voyons, Rennie… d’un vieux dur à cuire à un autre, est-ce que ça compte ? Le Dôme est un événement colossal pour la presse, plus fort encore que le 11 Septembre. Et c’est de la presse sympathique. Si vous refusez le compromis, je vais vous en coller tellement sur le dos que jamais vous ne pourrez vous en débarrasser. Une fois le Dôme disparu, vous vous retrouverez devant une sous-comité du Sénat, puis devant un grand jury et en prison. Je vous le promets. Mais démissionnez, et je laisse tomber. Ça aussi, je vous le promets.

— Une fois le Dôme disparu, hein ? Et quand cet événement va-t-il avoir lieu ?

— Plus tôt que vous ne le pensez, peut-être. J’ai prévu d’entrer le premier à Chester’s Mill et ma première initiative sera de vous faire menotter et monter dans un avion qui vous conduira à Fort Leavenworth, dans le Kansas, où vous serez hébergé aux frais du gouvernement des États-Unis en attendant votre procès. »

Sur le coup, Big Jim resta coi devant l’audace sans fard de cette déclaration. Puis il rit.

« Si vous voulez réellement aider votre ville, Rennie, reprit Cox, vous allez démissionner. Regardez ce qui s’est passé depuis que vous êtes aux manettes : six meurtres — dont deux à l’hôpital la nuit dernière, d’après ce que nous avons compris —, un suicide, une émeute pour de la nourriture. Vous n’êtes pas de taille pour ce boulot. »

La main de Big Jim se referma sur la balle de baseball et serra. Carter Thibodeau le regardait, sourcils froncés d’inquiétude.

Si vous étiez ici, colonel, je vous ferais goûter à la même médecine que Coggins. Dieu m’en est témoin, je n’hésiterais pas.

« Rennie ?

— Je suis là. » Big Jim marqua une courte pause : « Et vous, là-bas. » Nouveau silence. « Et le Dôme ne va pas disparaître. Larguez votre plus grosse bombe atomique, rendez les villes des environs inhabitables pour deux siècles, tuez tout le monde à Chester’s Mill avec les radiations, si les radiations passent au travers, et il sera toujours là. » Il respirait vite, mais son cœur battait régulièrement dans sa poitrine. « Parce que le Dôme est là par la volonté de Dieu. »

Chose qu’il croyait du plus profond du cœur. Comme il croyait que la volonté de Dieu était qu’il prenne cette ville en charge pour les semaines, les mois et les années à venir.

« Quoi ?

— Vous m’avez entendu », dit Big Jim.

Il savait qu’il jouait son va-tout, tout son avenir, sur le fait que le Dôme continuerait à exister. Il savait que certains le trouveraient fou d’agir ainsi. Il savait aussi que les gens étaient tous des païens, des mécréants. Comme ce colonel cueilleur de coton, James O. Cox.

« Soyez raisonnable, Rennie. S’il vous plaît. »

Ce s’il vous plaît plut à Big Jim ; lui rendit en un instant sa bonne humeur. « Récapitulons, colonel, voulez-vous ? C’est Andy Sanders le patron ici, pas moi. Même si j’apprécie que quelqu’un d’aussi haut placé que vous ait la courtoisie de m’appeler, naturellement. Et si je suis sûr qu’Andy appréciera votre proposition de gérer nos affaires — par contrôle à distance, forcément —, je pense pouvoir parler en son nom en vous disant que vous pouvez reprendre votre proposition et vous la coller là où le soleil ne brille jamais. Nous sommes entièrement livrés à nous-mêmes, ici, et nous allons gérer nous-mêmes nos affaires.

— Vous êtes cinglé, murmura un Cox songeur.

— C’est ce que disent les mécréants à propos des croyants. C’est leur dernière ligne de défense contre la foi. Nous y sommes habitués, et nous ne vous en tenons pas rigueur. (Là, il mentait.) Puis-je vous poser un question ?

— Faites.

— Allez-vous nous couper nos lignes de téléphone et Internet ?

— Cela ne vous déplairait pas tant que ça, hein ?

— Bien sûr que si. »

Autre mensonge.

« Non, nous ne toucherons ni au téléphone ni à Internet. Et nous maintenons la conférence de presse de vendredi prochain. Au cours de laquelle on vous posera quelques questions assez redoutables, je vous le garantis.

— Je ne participerai à aucune conférence de presse dans un avenir proche ou lointain, colonel. Pas plus qu’Andy. Et quant à Mrs Grinnell, cela n’aurait aucun sens, la pauvre malheureuse. Vous pouvez tout de suite annuler votre…

— Oh, non. Pas du tout. » N’y avait-il pas un sourire dans la voix de Cox ? « Cette conférence de presse aura bien lieu vendredi, et elle fera vendre des tas de crèmes contre les hémorroïdes avant les infos du soir.

— Et qui va y assister, vous imaginez-vous, côté Chester’s Mill ?

— Tout le monde, Rennie. Absolument tout le monde. Parce que nous allons autoriser les parents de vos concitoyens à venir jusqu’au Dôme, aux limites de Motton — à l’endroit où s’est écrasé l’avion dans lequel Mrs Sanders est morte, comme vous vous en souvenez peut-être. La presse sera là, bien entendu. Ce sera un peu comme le Journée des Visiteurs à la prison, à ce détail près que personne n’est coupable de quoi que ce soit. Sauf vous, peut-être. »

La fureur envahit de nouveau Rennie. « Vous ne pouvez pas faire une chose pareille !

— Oh, que si ! » Le sourire était bien là. « Vous pouvez toujours me faire des pieds de nez depuis votre côté du Dôme et moi vous en faire du mien. Les visiteurs, eux, s’aligneront et tous ceux qui le voudront porteront un T-shirt sur lequel on lira DALE BARBARA EST INNOCENT et LIBÉREZ DALE BARBARA et JAMES RENNIE DÉMISSION. On assistera à des retrouvailles pleines d’émotion, on verra des mains s’appuyant à des mains séparées par le Dôme et même des tentatives d’échanger des baisers. Cela fera des images excellentes pour la télé, cela fera une excellente propagande. Plus que tout, cela fera se demander à vos concitoyens comment ils peuvent tolérer quelqu’un d’aussi incompétent que vous aux manettes. »

La voix de Rennie se réduisit à un grondement bas : « Je ne le tolérerai pas.

— Et comment allez-vous vous y prendre ? Plus d’un millier de personnes. Vous ne pouvez tout de même pas les abattre toutes. » Quand Cox reprit la parole, ce fut d’un ton calme et raisonnable : « Allons voyons, conseiller. Les choses peuvent encore s’arranger. Il vous reste une possibilité de vous en sortir. Il suffit que vous lâchiez les commandes. »

Sans y prêter la moindre attention, Big Jim aperçut Junior, dans le couloir, qui se dirigeait vers la porte, tel un fantôme ; il était encore en pyjama et en pantoufles. Junior serait-il tombé raide mort à cet instant que Big Jim aurait gardé sa position penchée sur le bureau, étreignant la balle de baseball d’une main et le téléphone de l’autre. Une pensée battait dans sa tête : céder la place à Andrea Grinnell et à l’officier Gros-Nénés.

C’était une plaisanterie.

Une mauvaise plaisanterie.

« Vous pouvez aller vous faire enculer, colonel Cox. »