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— Oh, alors maintenant, l’hôpital, c’est vous ? rétorqua Big Jim avec un reniflement méprisant.

— Et pourquoi pas ? Vous venez juste de vous prendre vous-même pour Jésus-Christ. Revenons plutôt à votre situation médicale, d’accord ? »

Big Jim tapa dans ses grosses mains aux doigts courtauds, l’air dégoûté.

« Le Valium n’est pas un traitement. Si vous partez comme ça, vous risquez d’avoir une nouvelle crise d’arythmie d’ici cinq heures. Ou même de bloquer complètement. Le bon côté, c’est que vous pourriez retrouver votre sauveur avant la nuit tombée.

— Et qu’est-ce que vous me recommandez ? » Rennie, redevenu maître de lui, avait parlé calmement.

« Je pourrais vous donner quelque chose qui résoudrait votre problème, au moins à court terme. C’est un médicament.

— Lequel ?

— Mais il y a un prix.

— Je m’en doutais, dit doucement Big Jim. Je savais que vous étiez du côté de Barbara depuis le jour où vous êtes venu dans mon bureau avec toutes vos demandes. »

La seule chose qu’avait demandée Rusty était le propane, mais il ignora la remarque. « Comment se fait-il que vous ayez déjà su qu’il y avait un côté Barbara à ce moment-là ? On n’avait pas encore découvert les meurtres… alors, comment le saviez-vous ? »

Il y eut dans les yeux de Big Jim une lueur de parano ou d’amusement — ou des deux. « J’ai mes petites méthodes, l’ami. Alors, c’est quoi, ce prix ? Que voudriez-vous que je vous donne en échange de ce médicament censé m’éviter une crise cardiaque ? » Puis il ajouta, sans laisser à Rusty le temps de répondre : « Laissez-moi deviner. Vous voulez qu’on rende la liberté à Barbara, c’est ça ?

— Non. Il serait lynché dès l’instant où il mettrait le pied dehors. »

Big Jim se mit à rire. « Il vous arrive de temps en temps de faire preuve de bon sens.

— Je veux que vous démissionniez. Et aussi Sanders. Andrea Grinnell prendra votre place, avec l’aide de Julia Shumway jusqu’à ce qu’elle ait fini de se désintoxiquer. »

Big Jim rit plus fort, cette fois, allant même jusqu’à se taper sur les cuisses. « Je pensais que Cox était nul — dire qu’il voulait que ce soit la nana aux gros nénés qui aide Andrea ! — mais vous, c’est le pompon. Shumway ! Cette rime-avec-galope qui n’est même pas fichue de diriger un journal !

— Je sais que vous avez tué Coggins. »

Il n’avait pas eu l’intention de le dire, mais c’était sorti avant qu’il ait eu le temps de le ravaler. Et qu’est-ce que ça pouvait faire ? Ils n’étaient que tous les deux, si on ne comptait pas John Roberts de CNN qui les regardait du haut de la télé accrochée au mur. Sans compter que le jeu en valait la chandelle. Pour la première fois depuis qu’il avait accepté la réalité du Dôme, Big Jim fut déstabilisé. Il s’efforça de garder une expression neutre, mais échoua.

« Vous êtes cinglé.

— Vous savez bien que non. Hier soir, j’ai été voir les corps des victimes au salon funéraire des Bowie.

— Vous n’aviez pas le droit ! Vous n’êtes pas médecin légiste ! Vous n’êtes même pas un fichu cueilleur de coton de toubib !

— Calmez-vous, Rennie. Comptez jusqu’à dix. N’oubliez pas votre cœur. » Rusty se tut un instant. « Mais au fond, j’en ai rien à foutre, de votre cœur. Après le bordel que vous avez mis, et celui que vous mettez maintenant, j’en ai vraiment rien à foutre, de votre cœur. Il y avait des marques partout sur la tête et la figure de Coggins. Des marques très atypiques, mais facilement identifiables. Des marques de points. Je n’ai aucun doute qu’elles doivent correspondre à celles de la balle de baseball-souvenir que j’ai vue sur votre bureau.

— Ça ne signifie rien. »

Rennie, cependant, jeta un coup d’œil en direction de la salle de bains.

« Au contraire, cela signifie beaucoup. En particulier si on prend en compte que les autres corps ont été retrouvés au même endroit. À mes yeux, cela veut dire que l’assassin de Coggins est aussi l’assassin des autres. Je pense qu’il s’agit de vous. Ou peut-être de vous et Junior. On fait équipe en famille, c’est ça ?

— Je refuse d’en entendre davantage ! » Big Jim commença à se lever. Rusty le repoussa dans son siège — ce fut étonnamment facile.

« Restez où vous êtes ! cria Rennie. Bon sang de bonsoir, restez où vous êtes !

— Pourquoi l’avez-vous tué ? reprit Rusty. N’aurait-il pas menacé de tirer la sonnette d’alarme sur votre trafic de drogue, par hasard ? En faisait-il partie ?

— Restez où vous êtes ! » répéta Rennie, alors que Rusty venait de se rasseoir.

Il ne lui vint pas à l’esprit — pas à ce moment-là — que le deuxième conseiller ne s’adressait peut-être pas à lui.

« Je peux garder le silence, dit Rusty. Et vous donner quelque chose qui sera plus efficace que le Valium pour traiter votre TAP. En échange, vous démissionnez. Faites-en l’annonce — dites que c’est pour des raisons médicales. Qu’Andrea prend votre succession. Demain soir, à la grande réunion. On vous traitera comme un héros. »

Rusty s’imaginait que l’homme n’avait aucun moyen de refuser ; qu’il était acculé.

Rennie se tourna alors vers la porte ouverte de la salle de bains. « Vous pouvez sortir, maintenant. »

Carter Thibodeau et Freddy Denton émergèrent de la pièce où ils s’étaient cachés jusqu’ici et d’où ils avaient écouté.

8

« Bon Dieu », dit Stewart Bowie.

Il se trouvait avec son frère dans le sous-sol de leur salon funéraire. Stewart venait de terminer le maquillage d’Arletta Coombs, la dernière suicidée de Chester’s Mill et la dernière cliente du salon funéraire Bowie. « Bon Dieu de putain de fils de pute et sa merde en bâton ! »

Il laissa tomber son portable sur le comptoir et retira de la grande poche frontale de son tablier en caoutchouc un paquet de crackers Ritz Bits parfumés au beurre de cacahuètes. Il se jetait sur la bouffe dès qu’il était énervé, mais comme il avait toujours mangé comme un cochon (« On se croirait dans une porcherie, ici », disait leur père quand Stewart quittait la table), les miettes de crackers tombèrent en pluie sur le visage d’Arletta qui était loin d’être paisible ; si elle s’était imaginé qu’engloutir un produit pour déboucher les toilettes serait une moyen rapide et indolore de quitter le Dôme, elle avait dû être cruellement déçue. Cette fichue saleté lui avait bouffé tout l’estomac avant de lui creuser un trou dans le dos.

« Qu’est-ce qui va pas ? demanda Fern.

— Mais quelle idée, aussi, j’ai eue de travailler pour cet enfoiré de Rennie !

— Pour le fric.

— Et à quoi il nous sert, le fric, à présent ? ragea Stewart. Qu’est-ce que tu veux que j’en foute — que j’aille acheter la moitié du magasin de Burpee, peut-être ? Tu parles d’un truc pour te faire bander ! »

Il ouvrit brutalement la bouche de la vieille veuve et y jeta les derniers débris de crackers. « Vas-y, salope, c’est l’heure de la bouffe, profites-en. »

Stewart reprit son téléphone, appuya sur CONTACTS et sélectionna un numéro. « S’il n’est pas là, dit-il — s’adressant à Fern mais surtout à lui-même, sans doute —, je vais aller le trouver et lui coller un de ses foutus poulets dans le trouf… »

Mais Roger Killian était là. Et même dans son foutu poulailler. Stewart entendait les bestioles caqueter. Il entendait aussi les violons larmoyants de Mantovani dégouliner de la sono du poulailler. Quand c’était les gosses, on entendait plutôt Metallica ou Pantera.