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espérances sans limites, à une confiance sans bornes. Je faisais des rêves d'avenir incroyables ; je me disais que cette fille me devrait sa guérison physique et morale, que je passerais toute ma vie avec elle, et que son amour me rendrait plus heureux que les plus virginales amours.

Enfin, je ne pourrais vous répéter les mille pensées qui montaient de mon cœur à ma tête et qui s'éteignirent peu à peu dans le sommeil qui me gagna au jour.

Quand je me réveillai, il était deux heures. Le temps était magnifique. Je ne me rappelle pas que la vie m'ait jamais paru aussi belle et aussi pleine. Les souvenirs de la veille se représentaient à mon esprit, sans ombres, sans obstacles et gaiement escortés des espérances du soir. Je m'habillai à la hâte.

J'étais content et capable des meilleures actions. De temps en temps mon cœur bondissait de joie et d'amour dans ma poitrine.

Une douce fièvre m'agitait. Je ne m'inquiétais plus des raisons qui m'avaient préoccupé avant que je m'endormisse. Je ne voyais que le résultat, je ne songeais qu'à l'heure où je devais revoir Marguerite.

Il me fut impossible de rester chez moi. Ma chambre me semblait trop petite pour contenir mon bonheur ; j'avais besoin de la nature entière pour m'épancher.

Je sortis.

Je passai par la rue d'Antin. Le coupé de Marguerite l'attendait à sa porte ; je me dirigeai du côté des Champs-Élysées.

J'aimais, sans même les connaître, tous les gens que je rencontrais.

Comme l'amour rend bon !

Au bout d'une heure que je me promenais des chevaux de Marly au rond-point et du rond-point aux chevaux de Marly, je

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vis de loin la voiture de Marguerite ; je ne la reconnus pas, je la devinai.

Au moment de tourner l'angle des Champs-Élysées, elle se fit arrêter, et un grand jeune homme se détacha d'un groupe où il causait pour venir causer avec elle.

Ils causèrent quelques instants ; le jeune homme rejoignit ses amis, les chevaux repartirent, et moi, qui m'étais approché du groupe, je reconnus dans celui qui avait parlé à Marguerite ce comte de G… dont j'avais vu le portrait et que Prudence m'avait signalé comme celui à qui Marguerite devait sa position.

C'était à lui qu'elle avait fait défendre sa porte, la veille ; je supposai qu'elle avait fait arrêter sa voiture pour lui donner la raison de cette défense, et j'espérai qu'en même temps elle avait trouvé quelque nouveau prétexte pour ne pas le recevoir la nuit suivante.

Comment le reste de la journée se passa, je l'ignore ; je marchai, je fumai, je causai, mais de ce que je dis, de ceux que je rencontrai, à dix heures du soir, je n'avais aucun souvenir.

Tout ce que je me rappelle, c'est que je rentrai chez moi, que je passai trois heures à ma toilette, et que je regardai cent fois ma pendule et ma montre, qui malheureusement allaient l'une comme l'autre.

Quand dix heures et demie sonnèrent, je me dis qu'il était temps de partir.

Je demeurais à cette époque rue de Provence : je suivis la rue du Mont-Blanc, je traversai le boulevard, pris la rue Louis-le-Grand, la rue de Port-Mahon, et la rue d'Antin. Je regardai aux fenêtres de Marguerite.

Il y avait de la lumière.

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Je sonnai.

Je demandai au portier si mademoiselle Gautier était chez elle.

Il me répondit qu'elle ne rentrait jamais avant onze heures ou onze heures un quart.

Je regardai ma montre.

J'avais cru venir tout doucement, je n'avais mis que cinq minutes pour venir de la rue de Provence chez Marguerite.

Alors, je me promenai dans cette rue sans boutiques, et déserte à cette heure.

Au bout d'une demi-heure Marguerite arriva. Elle descendit de son coupé en regardant autour d'elle, comme si elle eût cherché quelqu'un.

La voiture repartit au pas, les écuries et la remise n'étant pas dans la maison. Au moment où Marguerite allait sonner, je m'approchai et lui dis :

– Bonsoir !

– Ah ! c'est vous ? me dit-elle d'un ton peu rassurant sur le plaisir qu'elle avait à me trouver là.

– Ne m'avez-vous pas permis de venir vous faire visite aujourd'hui ?

– C'est juste ; je l'avais oublié.

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Ce mot renversait toutes mes réflexions du matin, toutes mes espérances de la journée. Cependant, je commençais à m'habituer à ces façons et je ne m'en allai pas, ce que j'eusse évidemment fait autrefois.

Nous entrâmes.

Nanine avait ouvert la porte d'avance.

– Prudence est-elle rentrée ? demanda Marguerite.

– Non, madame.

– Va dire que dès qu'elle rentrera elle vienne. Auparavant, éteins la lampe du salon, et, s'il vient quelqu'un, réponds que je ne suis pas rentrée et que je ne rentrerai pas.

C'était bien là une femme préoccupée de quelque chose et peut-être ennuyée d'un importun. Je ne savais quelle figure faire ni que dire. Marguerite se dirigea du côté de sa chambre à coucher ; je restai où j'étais.

– Venez, me dit-elle.

Elle ôta son chapeau, son manteau de velours et les jeta sur son lit, puis se laissa tomber dans un grand fauteuil, auprès du feu qu'elle faisait faire jusqu'au commencement de l'été, et me dit en jouant avec la chaîne de sa montre :

– Eh bien, que me conterez-vous de neuf ?

– Rien, sinon que j'ai eu tort de venir ce soir.

– Pourquoi ?

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– Parce que vous paraissez contrariée et que, sans doute, je vous ennuie.

– Vous ne m'ennuyez pas ; seulement je suis malade, j'ai souffert toute la journée, je n'ai pas dormi et j'ai une migraine affreuse.

– Voulez-vous que je me retire pour vous laisser mettre au lit ?

– Oh ! vous pouvez rester ; si je veux me coucher, je me coucherai bien devant vous.

En ce moment on sonna.

– Qui vient encore ? dit-elle avec un mouvement d'impatience.

Quelques instants après, on sonna de nouveau.

– Il n'y a donc personne pour ouvrir ? Il va falloir que j'ouvre moi-même.

En effet, elle se leva en me disant :

– Attendez ici.

Elle traversa l'appartement, et j'entendis ouvrir la porte d'entrée.

– J'écoutai.

Celui à qui elle avait ouvert s'arrêta dans la salle à manger.

Aux premiers mots, je reconnus la voix du jeune comte de N…

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– Comment vous portez-vous ce soir ? disait-il.

– Mal, répondit sèchement Marguerite.

– Est-ce que je vous dérange ?

– Peut-être.

– Comme vous me recevez ! Que vous ai-je fait, ma chère Marguerite ?

– Mon cher ami, vous ne m'avez rien fait. Je suis malade, il faut que je me couche ; ainsi vous allez me faire le plaisir de vous en aller. Cela m'assomme de ne pas pouvoir rentrer le soir sans vous voir apparaître cinq minutes après. Qu'est-ce que vous voulez ? que je sois votre maîtresse ? Eh bien, je vous ai déjà dit cent fois que non, que vous m'agacez horriblement, et que vous pouvez vous adresser autre part. Je vous le répète aujourd'hui pour la dernière fois : je ne veux pas de vous, c'est bien convenu ; adieu. Tenez, voici Nanine qui rentre ; elle va vous éclairer.

Bonsoir.

Et, sans ajouter un mot, sans écouter ce que balbutiait le jeune homme, Marguerite revint dans sa chambre et referma violemment la porte, par laquelle Nanine, à son tour, rentra presque immédiatement.

– Tu m'entends, lui dit Marguerite, tu diras toujours à cet imbécile que je n'y suis pas ou que je ne veux pas le recevoir. Je suis lasse, à la fin, de voir sans cesse des gens qui viennent me demander la même chose, qui me payent et qui se croient quittes avec moi. Si celles qui commencent notre honteux métier savaient ce que c'est, elles se feraient plutôt femmes de chambre. Mais non ; la vanité d'avoir des robes, des voitures, des diamants nous entraîne ; on croit à ce que l'on entend, car la prostitution a sa foi, et l'on use peu à peu son cœur, son corps, sa beauté ; on est redoutée comme une bête fauve, méprisée comme un paria, on