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Susan m’avait aussi accompagné à Branson la semaine précédente. Depuis que j’avais ouvert mon bureau, elle ne me quittait plus d’une semelle, désespérant de me soutirer une histoire. Il faut bien avouer qu’elle a du nez, et assez de curiosité pour s’attirer les pires ennuis. À la fin de notre première interview, elle m’avait dupé en plantant son regard dans le mien. La jeune reporter aux dents longues qui veut examiner son sujet sous un autre angle. C’était elle la femme qui s’était évanouie après la mise à nu de l’âme.

Elle eut un petit sourire. J’aimais bien ça, ses lèvres prenaient une forme agréable et elles étaient particulièrement jolies.

— Vous auriez dû rester pour le spectacle, dit-elle en jetant son sac à main sur la table. C’était plutôt impressionnant.

— Non merci, très peu pour moi.

— Ma rédactrice a adoré l’article. Elle est certaine que je vais gagner un prix.

— Je le vois déjà, « D’étranges visions hantent une star de la country droguée jusqu’aux yeux », ça, c’est du grand journalisme ou je ne m’y connais pas !

Je lui lançai un coup d’œil et elle me rendit mon regard sans manifester aucune crainte. Si ma pique l’avait atteinte, elle n’en laissa rien paraître.

— Il parait que le chef du B.E.S. vous a appelé aujourd’hui, me dit-elle en se penchant tellement vers moi qu’un coup d’œil vers le bas m’aurait proposé une bien belle image grâce au V de son col de chemise. J’aimerais en savoir plus, Harry.

Elle eut un sourire tout en insinuations et en promesses.

Je fus sur le point de lui rendre son sourire.

— Désolé, j’ai signé une clause de confidentialité avec la ville.

— Bon, alors quelque chose qui restera entre nous. D’après la rumeur, ces meurtres seraient assez extraordinaires.

— Je ne peux rien pour vous, Susan. Même un champion de pêche à la truite ne me tirerait pas les vers du nez.

— Allez, donnez-moi un indice. Un commentaire. Une confidence partagée par deux personnes très attirées l’une par l’autre.

— Je me demande de qui vous parlez ?

Elle plaça un coude sur le comptoir, cala son menton sur sa main et m’examina à travers le voile de ses longs cils. Parmi toutes les choses qui m’attiraient chez elle, il y avait cet usage malicieux de ses charmes afin de décrocher une bonne histoire. Pourtant, elle ignorait totalement à quel point elle pouvait être séduisante. Je l’avais découvert en regardant son essence l’année dernière.

— Harry Dresden, vous êtes vraiment impossible. (Ses yeux cillèrent un peu plus.) Vous n’avez même pas regardé mon décolleté, je me trompe ?

Je pris une lampée d’ale et fis signe à Mac de lui en servir une. Ce qu’il fit prestement.

— Je plaide coupable, lâchai-je.

— La plupart des hommes seraient complètement dingo, à ce stade. Il faut que je fasse quoi, avec vous, Dresden ?

— Je suis pur de cœur et d’esprit, rien ne peut me corrompre.

Ivre de frustration, elle me dévisagea pendant quelques instants avant d’éclater de rire. Même son rire était beau, chaud, intense. Je profitai de l’occasion pour regarder sa poitrine. Il y a des limites aux vertus de la pureté de l’esprit et du cœur. Au bout d’un moment, les hormones viennent taper du poing sur la table. Bien sûr, je ne suis plus un adolescent, mais pas non plus un expert de ce genre de truc. Appelons ça un investissement total dans ma carrière professionnelle, mais je n’ai jamais eu trop le temps de m’intéresser à la drague – ni au sexe opposé, d’ailleurs.

La seule fois que ça m’était arrivé, ça avait plutôt mal tourné.

Susan n’avait plus de secrets pour moi. Elle était séduisante, intelligente, ses motivations semblaient claires et elle poursuivait ses objectifs en toute honnêteté. Elle flirtait avec moi pour me soutirer des informations, mais aussi parce qu’elle me trouvait attirant. Parfois ça marchait, parfois non. L’affaire qui nous intéressait était beaucoup trop dangereuse pour Les Arcanes. En plus, si Murphy découvrait que j’en avais parlé, elle me « dégusterait le foie avec des fèves et un excellent chianti ».

— On va faire un truc, Harry. Si je vous posais des questions auxquelles vous répondrez par oui ou par non ?

— Non !

Bon sang, je suis nul comme menteur et je n’avais pas besoin d’une reporter aussi intelligente que Susan pour le savoir.

Ses yeux se mirent à briller.

— Le meurtre de Tommy Tomm est-il lié au surnaturel ?

— Non, répétai-je avec entêtement.

— Non, il n’a pas été tué – ou non, ce meurtre n’a rien de surnaturel ?

Je lançai un regard à Mac comme pour l’appeler à la rescousse, mais il m’ignora. Mac ne prend pas partie. Mac est un sage.

— Non, je ne répondrai pas à vos questions.

— La police a-t-elle des pistes ? Des suspects ?

— Non.

— Faites-vous partie des suspects, Harry ?

Une pensée troublante.

— Non, continuai-je exaspéré. Susan…

— Ça vous dirait de dîner avec moi samedi soir ?

— Non ! Je… (Mon cœur rata un battement.) Pardon ?

Elle me sourit et se pencha vers moi pour m’embrasser sur la joue. Ses lèvres, que j’admirais tant, étaient très douces.

— Super, je passe vous chercher à votre appart. On dit neuf heures ?

— J’ai dû rater un truc, non ? demandai-je.

Elle approuva, les yeux pétillant d’humour.

— Je vais vous emmener dans des coins géniaux ! Vous avez déjà mangé à la Pump Room ? À l’Ambassador East ?

Je fis non de la tête.

— Vous n’imaginez pas la taille des steaks, me confia-t-elle. Et l’atmosphère est tellement romantique. Attention, costard-cravate obligatoire. Ça pose un problème ?

— Heu… oui ? répondis-je, confus. C’était la réponse à la question pour savoir si je sortirais avec vous, non ?

— Non, me répondit Susan en souriant. C’était la réponse avec laquelle je vous ai pigeonné pour vous garder sous la main. Je voulais être sûre que vous aviez autre chose que des jeans et des chemises de cow-boy.

— Oh… Heu, oui.

— Super, répéta Susan en m’embrassant une nouvelle fois sur la joue et en récupérant son sac à main. À samedi, donc.

Elle se leva et me fit son fameux sourire en coin. Elle était divine, sensuelle et envoûtante.

— Je me mettrai sur mon trente et un.

Je la suivis des yeux alors qu’elle s’éloignait. Sonné, je sentis ma mâchoire glisser du bar et rebondir sur le plancher.

Je venais d’accepter un rencard ou une interview privée ?

— Probablement les deux, murmurai-je.

Mac me colla sous le nez un sandwich à la viande avec des frites. Je le payai d’un air maussade et il me rendit la monnaie.

— Elle passera la soirée à essayer de m’arracher des informations que je ne dois surtout pas lui donner, Mac.

— Ungh, approuva-t-il.

— Pourquoi est-ce que j’ai accepté ?

Mac haussa les épaules.

— Elle est jolie, intelligente, sexy.

— Ungh.

— N’importe quel homme normalement constitué aurait fait la même chose.

— Ungh, grogna Mac.

— Mouais, peut-être pas toi.

Amadoué, il esquissa un sourire.

— Pourtant, je vais m’attirer des ennuis. Il faut être cinglé pour se fourrer dans un tel pétrin. Je pris mon sandwich en soupirant.