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Pourtant, rien n’était vraiment clair. Je n’étais pas sûr de ce qui se tramait, mais je tenais un lien entre la disparition de Victor Sells et cette affaire de meurtres. J’avais une nouvelle piste, et très peu de temps pour la suivre. Il fallait que je me reprenne et que je fasse vite. On n’abat pas un magicien comme ça !

Je me redressai, puis récupérai mon bâton et ma crosse. Il fallait partir, je n’avais aucun besoin de me faire pincer en flagrant délit d’effraction. C’était la voie express pour la prison et je serais mort avant de bénéficier d’une libération sous caution. J’échafaudais déjà mon plan de bataille : comment remonter jusqu’au photographe qui avait opéré chez les Sells, faire développer la pellicule pour découvrir ce qu’elle recelait d’assez important pour qu’on tue Linda Randall.

À cet instant, j’entendis un bruit. Je m’immobilisai. Il se reproduit, c’était un grattement furtif.

Quelqu’un introduisit une clé dans la serrure de la porte d’entrée et l’ouvrit.

Chapitre 19

Pas le temps de me cacher sous le lit ou dans la salle de bains… De toute manière, je préférais être libre de mes mouvements. Je sautai derrière la porte pendant qu’elle s’ouvrait, droit comme un i.

Un petit homme maigre et nerveux entra. Les cheveux châtains coiffés en queue-de-cheval, il était vêtu de couleurs sombres et portait un sac en bandoulière. Il repoussa la porte derrière lui avant d’examiner la pièce avec anxiété. Comme tous ceux qui sont trop agités pour avoir les idées claires, il percevait moins de choses qu’il aurait dû et ne me remarqua pas à la périphérie de son champ de vision. Il avait un je-ne-sais-quoi de Tom Cruise.

Il traversa la pièce, s’immobilisa et remarqua les draps tachés de sang. Il serra les poings en étouffant un sanglot, puis s’accroupit pour fouiller sous le lit. Au bout de quelques secondes, il céda à l’énervement et lâcha une bordée de jurons.

Je caressai le cylindre en plastique rangé dans ma poche. Ainsi, le mystérieux photographe qui avait fait des siennes chez Victor Sells venait chercher un film ici. J’éprouvais cette sensation particulière, comme quand je finis un puzzle très complexe, un mélangé de satisfaction et de vanité.

En silence, je posai mon bâton et ma crosse, puis accrochai sur ma poche ma carte officielle de consultant de la police avec photo et tout. Je refermai mon manteau sur mon tee-shirt pourri en espérant que l’homme serait trop affolé pour remarquer le jogging enfoncé dans mes bottes de cow-boy.

Les mains dans les poches, je refermai la porte d’un coup de pied. Quand elle claqua, je déclarai :

— Alors, comme ça, on revient sur les lieux du crime ? Je savais qu’on vous coincerait si je restais en planque.

Dans d’autres circonstances, j’aurais été mort de rire en voyant la réaction du type. Il sursauta, se cogna la tête contre le sommier, couina, se releva pour me faire face et manqua de tomber sur le lit en me voyant. Je révisai mon opinion sur son apparence ! Il avait la bouche trop étroite, ses yeux étaient trop petits et rapprochés, bref, il ressemblait plutôt à un furet.

J’avançai, lentement, pas à pas.

— Vous n’avez pas pu vous en empêcher, hein ?

— Pas du tout ! Mon Dieu ! Laissez-moi vous expliquer, je suis photographe ! Vous voyez ? (Il ouvrit son sac pour en sortir un appareil photo.) Je fais des clichés pour des magazines. Je suis là pour ça, j’essaie de voir ce que je peux en tirer !

— Ne vous fatiguez pas. Nous savons tous les deux que vous n’êtes pas là pour prendre des photos. Voilà ce que vous cherchiez.

Je lui montrai le petit étui rouge à capuchon gris.

Il s’arrêta net, comme hypnotisé, ses yeux passant du cylindre à moi.

— Qui êtes-vous ? demandai-je d’une voix bourrue.

J’essayai de m’imaginer à la place de Murph train de m’interroger au commissariat.

— Wise, Donny Wise, répondit l’homme, apeuré. Je vais avoir des ennuis ?

— Ça dépend de vous… Vous avez vos papiers ?

— Bien sûr, oui !

— Faites voir, lâchai-je en le fusillant du regard. Pas de gestes brusques !

Sans me quitter des yeux, il sortit son portefeuille avec une lenteur exagérée et me le tendit. Je m’avançai pour m’en saisir et l’examiner. Le nom et la photo correspondaient au permis de conduire. Pas de problème.

— Très bien, monsieur Wise, dis-je. Vous êtes au beau milieu d’une enquête. Tant que vous vous montrerez coopératif, je pense que…

Je levai les yeux. Il étudiait mon badge. Il m’arracha le portefeuille et s’écria :

— Vous n’êtes pas un flic !

— En effet, mais je travaille avec la police. Et j’ai la pellicule.

Wise jura de nouveau et rangea son appareil dans son sac. Il se préparait à partir.

— Vous n’avez rien qui puisse me lier à tout ça, je me casse !

Il avança vers la porte.

— Pas si vite, monsieur Wise. Il faut qu’on discute. Parlons de l’étui que vous avez laissé tomber mercredi soir, près de la maison de Lake Providence.

— Qui que vous puissiez être, maugréa-t-il en me jetant un coup d’œil, je n’ai rien à vous dire.

Il ouvrit la porte.

Je fis un geste vers ma crosse, puis lâchai sur un ton dramatique :

— Vento Servitas !

Le bâton fila sur un courant aérien et alla claquer la porte au nez du photographe. Il se tourna vers moi, les yeux exorbités, et se pétrifia.

— Mon Dieu ! Vous êtes l’un d’entre eux ! Ne me tuez pas ! Vous avez les clichés ! Je ne sais rien ! Rien ! Vous n’avez rien à craindre !

Il essayait de contrôler sa voix, mais il tremblait. Je le vis évaluer la distance qui le séparait de la porte-fenêtre, comme s’il calculait ses chances de l’atteindre avant que je l’en empêche.

— On se calme, Wise. Je ne vous veux aucun mal. Je cherche le meurtrier de Linda. Aidez-moi, dites-moi ce que vous savez, je me charge du reste.

Le photographe eut un petit rire nerveux et fit un pas vers l’issue potentielle.

— C’est ça, pour me faire tuer comme elle ? Comme les autres ? Jamais !

— Non, monsieur Wise. Dites-moi ce que vous savez et je mettrai fin à ces meurtres. J’enverrai l’assassin derrière les barreaux.

J’essayai de garder mon calme, de combattre mon aigreur. Bon sang, je voulais lui faire peur, mais pas l’effrayer au point qu’il envisage de sauter à travers une vitre pour s’enfuir. Je repris :

— Je veux arrêter le coupable autant que vous.

— Et pourquoi ? demanda-t-il avec une pointe d’amertume. Vous la connaissiez ? Vous couchiez avec elle, vous aussi ?

— Non… Elle n’aurait pas dû mourir comme ça, c’est tout.

— Vous n’êtes pas de la police, alors pourquoi prendre ce risque ? Pourquoi faire chier ces gens ? Vous avez vu de quoi ils sont capables ?

— Et qui le fera, sinon ? Il y a quoi, là-dedans ? demandai-je en ressortant le film. Qu’est-ce qu’il y a de si important pour qu’on tue Linda ?

Donny Wise croisa les bras et regarda autour de lui.

— On fait un marché. Vous me rendez la pellicule, et je vous révèle ce que je sais.

— Je peux en avoir besoin, dis-je en faisant non de la tête.

— Ça ne vous servira à rien, si vous ne savez pas quoi chercher. Je ne vous connais même pas ! Je ne veux pas de problèmes, moi ! Tout ce que je désire, c’est rester en un seul morceau !

Je l’étudiai attentivement. Si j’acceptais l’échange, je perdais la pellicule et son contenu. Si je refusais, et s’il me disait la vérité, les photos ne me seraient d’aucune utilité. La piste s’arrêtait avec lui. Si je n’obtenais rien d’autre, j’étais mort.